Antibiotiques et autisme, la recherche avance ?...
L’idée d’une origine infectieuse dans certains cas d'autisme remonte à plus de 7 ans et est développée, en France, par un groupe de médecins et scientifiques regroupés sous le nom de « Chronimed ». Ils étudient la piste des infections chroniques comme cause possible de plusieurs affections du cerveau. Un protocole de diagnostic d'éventuelles infections et de traitement a été minutieusement mis au point au fil des années afin, de déterminer, pour chaque enfant, quel(s) agent(s) infectieux pourraient être présent et comment les combattre le plus efficacement possible. Souvent, le traitement repose sur la prise d’antibiotiques sous forme de cures allant de plusieurs mois à plusieurs années selon l'ancienneté des infections.
Ces traitements sont lourds, doivent être prescripts par des médecins spécialisés et adaptés et à l'état du système immunitaire du patient, avec une grande connaissance des bactéries mises en causes.
Aujourd’hui environ 1500 enfants sont suivis par Chronimed et traités selon leur protocole, suivis par plus de 50 médecins, en France, en Europe et dans les pays du Maghreb. Chronimed revendique "50% de très bons résultats" pour les traitements mis en place au plus jeune âge.
L'histoire a souvent montré que l'observation clinique ne suffit pas pour étayer ou non une hypothèse : il est nécessaire de valider scientifiquement ce protocole, comme pour tout traitement médical. Pour cela, il faut evaluer la procédure de diagnostic, les traitements et leurs dosages, les effets bénéfiques et les effets secondaires éventuels. Il faut savoir sélectionner la population de personnes porteuse d’autisme susceptible de bénéficier du traitement.
Le groupe Chronimed a donc préparé depuis juin 2012 un programme de recherche appelé « Autobiotique », selon les protocoles de la médecine fondée sur les preuves (essai en double aveugle contre placebo). Cette étude officielle est coordonnée par l’INSERM de Bordeaux, repose sur une cohorte de 30 enfants autistes de moins de 6 ans, provenant de 3 centres hospitaliers renommés (Hôpital Charles Perrens, à Bordeaux, CHRU de Tours et Hôpital Robert Debré à Paris). Le protocole est validé (répond aux critères obligatoires de rigueur scientifique et de contrôle des risques pour les participants), les autorisations ont été obtenues et l’étude peut démarrer… sauf que les 350 000€ nécessaires à sa réalisation restent à trouver.
En effet le précédent gouvernement avait prévu de financer cette étude, mais lors du changement de majorité la décision a été annulée par le Ministère de la Santé. L’étude a donc été inscrite au Programme Hospitalier de Recherche Clinique national 2013. Mais malgré son importance, les chances d'acceptation sont faibles : les budgets disponibles sont très serrés et ce n’est pas la seule étude importante en lice. Les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas intéressés non plus, compte tenu qu’aucun développement de nouvelle molécule n’est en jeu, et que bon nombre d’antibiotiques sont désormais dans le domaine public et produits sous forme de génériques.
Les Plans Autisme successifs mettent en avant la nécessité de poursuivre les recherches dans tous les domaines pour faire progresser les connaissances sur les causes et les traitements. Il est donc particulièrement regrettable qu’une équipe de scientifiques sérieux, en pointe dans leur domaine, ne puissent bénéficier de financements publics pour vérifier une hypothèse aussi prometteuse. Les causes de l'autisme sont multifactorielles, avec des interactions complexes entre facteurs de prédisposition génétiques et causes environnementales. Pour une fois qu'un programme de recherche pointe un facteur environnemental crédible, il semblerait logique d'évaluer cette piste avec la rigueur professionnelle indispensable et qu'il soit financé par exemple par le nouveau plan autisme 3.
C’est d’autant plus dommage qu’on sait très bien que des hypothèses bien plus hasardeuses sur l’autisme servent de justification à des prises en charges psychanalytiques inefficaces et obsolètes, abandonnées par le monde entier et non recommandées dans les « bonnes pratiques » publiées par la Haute Autorité de Santé en 2012 sur l’autisme. Ces prises en charges sont pourtant toujours allègrement pratiquées dans bon nombre de services de pédopsychiatrie français. La Sécurité Sociale les finance sans sourciller malgré l’absence totale de preuves scientifiques d’efficacité et la contestation de ces méthodes depuis plus de 30 ans par les associations de familles.
C’est encore plus désolant quand on se souvient que le PHRC 2007 a quant à lui entériné le financement d’une étude sur le packing, technique extrêmement controversée et dénoncée par les familles. Cette technique a été désavouée par la Haute Autorité de Santé dans ses recommandations de 2012, mais le programme de recherche se poursuit, malgré le peu d’empressement des candidats pour y participer – ce qui explique qu’il dure depuis si longtemps sans qu’un résultat tangible ait été encore publié.
On peut également faire le parallèle avec l’étude prometteuse sur les effets d’un diurétique, le bumétanide. Cette étude a été portée par le Pr Yehezkel Ben-Ari et le Pr Eric Lemonnier. Après des débuts difficiles de premiers résultats sont disponibles et permettent d’envisager un essai de grande ampleur à l’échelle européenne. Là encore les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas intéressés (le bumétanide est connu depuis longtemps), et on se souvient que malgré le soutien des associations de familles, le Pr Lemonnier a été écarté sans grands égards du Centre Ressources Autisme de Bretagne l’année dernière.
On peut donc se demander si les mêmes blocages souterrains seraient à l’œuvre dans le domaine de la recherche autour de l’autisme, que dans le domaine de sa prise en charge. Il est certainement plus facile de naviguer dans le milieu pédopsychiatrique français si on est « dans la ligne » des mandarins dont l’influence se fait sentir jusque dans les couloirs du Ministère de la Santé, et qui prennent souvent la plume ces derniers temps pour conspuer la HAS et un Plan Autisme qui semble leur donner des boutons.
Gageons que le public ne s’y laissera pas prendre ; il est plus que probable que les familles concernées mettent une fois de plus la main au portefeuille pour financer la recherche Chronimed à la place du Gouvernement. Mais comme beaucoup financent déjà à leurs frais la prise en charge de leur enfant, cela risque de ne pas suffir.
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