Le rapport Bioinitiative est aujourd’hui la caution ultime pour toute association d’opposition aux sources d’ondes électromagnétiques, entre autres, Robin des Toits, Priaterm, Next-Up, CRIIREM…
Ainsi, ce rapport à lui seul prouverait la dangerosité des antennes relais, du téléphone portable, du Wifi, des téléphones fixes DECT, des radios-réveils, des lampes basse consommation … et remettrait en cause le consensus scientifique obtenu par l’OMS[1].
En deux ans d’existence, ce rapport est monté jusqu’à l’Agence européenne de l’environnement pour qui « Selon le groupe de travail Bioinitiative, les preuves actuelles, bien que limitées, sont assez fortes pour mettre en doute la base scientifique sur les limites d’exposition en cours. ».
Un doute repris par le Parlement européen qui « est vivement interpellé par le rapport international Bioinitiative sur les champs électromagnétiques, qui fait la synthèse de plus de mille cinq cents études consacrées à la question, et relève dans ses conclusions les dangers sur la santé des émissions de type téléphonie mobile comme le téléphone portable, les émissions UMTS-Wifi-Wimax-Bluetooth et le téléphone à base fixe "DECT" ».
L’objectif de cette résolution du Parlement est d’obtenir que les valeurs limites de la recommandation européenne soient revues, elles avaient pourtant déjà été re-examinées en 2007 et début 2009 par le comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (CSRSEN)[2].
Quelle limite d’exposition selon le rapport Bioinitiative ?
Ce pavé de plus de 600 pages analyse de plus de 1600 études, propose deux nouvelles limites d’expositions (voir conclusion page 25[3]) :
- 1 mGauss (soit 0,1 microTesla) pour les champs magnétiques basse tension (réseau et appareil électrique) au lieu de 100 microTesla pour l’OMS
- 0,6 V/m pour les champs électriques radio-fréquences (réseaux mobile, télé, radar…) au lieu de 41 à 61 V/m -selon la fréquence- pour l’OMS
Ces limites semblent particulièrement intenables. Lorsqu’on utilise son ordinateur portable sur les genoux on est déjà entre 0,5 et 30 microTesla. Doit-on pour autant couper son disjoncteur ?
Le rapport Bioinitiative, loin d’une méthode scientifique
Bioinitiative regroupe une dizaine de scientifiques internationaux, le rapport est ainsi présenté comme une « expertise scientifique collective », cependant le protocole pour l’être n’est pas respecté, comme le démontre Jean-Paul Krivine, dans un article[4].
Par ailleurs, peut-on comparer ce rapport au travail de l’OMS, qui a passé en revue plus de 25 000 articles scientifiques[5] (contre 1 600 pour Bioinitiative) ?
Côté français, dans l’attente d’un avis de l’AFFSET à venir, l’Académie de médecine rappelle la position du Health Council des Pays Bas, qui conclut « que le rapport Bioinitiative n’est pas un reflet objectif et équilibré des connaissances scientifiques disponibles. »[6].
Le rapport Bioinitiative, loin d’une totale indépendance
Si Bioinitiative n’est pas l’apanage en terme de qualité scientifique, certains diront que ce qui fait la force de ce rapport est son indépendance. Mais il n’y a pas de raison que l’indépendance soit un gage de qualité et de validité scientifique. En tout état de cause, qu’on le veuille ou non, l’indépendance n’existe pas, c’est d’ailleurs, pourquoi les protocoles de validation scientifique sont si complexes et souvent longs.
Ainsi, ce rapport n’échappe pas à la règle, et s’il y a sans doute une indépendance vis à vis des pouvoirs publics et des industries, il n’y en a pas forcément concernant les liens financiers. En effet, Cindy Sage, la cosignatrice du rapport (avec David Carpenter) et principale rédactrice de la « synthèse pour le public » est propriétaire de Sage EMF Design[7], une société de conseil spécialisé dans la diminution de l’exposition aux champs électromagnétiques.
Pour conclure, on peut regretter les errements passés des politiques, qui avec les affaires du « nuage de Tchernobyl » ou de l’amiante, ont conduit aujourd’hui à une méfiance de la population et des élus vis à vis de la science, sans commune mesure par rapport à l’indépendance pourtant gagnée sur les lobbys (industriels, écologiques, gouvernementaux, mais aussi religieux).
Sous l’influence de cette méfiance et des affirmations du rapport Bioinitiative conjuguées avec une interprétation erronée du principe de précaution, certains maires sont conduits à interdire de nouvelles installations d’antennes relais. Voire pire, la justice est poussée à imposer aux opérateurs de démonter certaines antennes[8]. Après les OGM, et avant les nanotechnologies ?, un nouveau casse-tête pour l’Etat.
Références
[8] Ce qui est d’ailleurs un comble, car moins il y a d’antennes et plus la puissance de celles-ci est forte. Dans la même idée, l’application de la limite voulue par Bioinitiative impliquerait directement la multiplication des antennes, ce qui d’un point de vue paysager ne fera pas l’affaire de tous.