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Bisphénol A : une substance chimique de synthèse très anodine ?

Une nouvelle fois l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments est sous le feu des critiques pour sa position confuse et le manque de clarté de ses annonces publiques au sujet du bisphénol A. 

 

Pour Antidote Europe, l’AFSSA se laisse distraire par des résultats contradictoires obtenus lors de tests sur des animaux au lieu de concentrer son attention sur les données humaines disponibles.

Les souris et les rats répondent différemment au bisphénol A et même des lignées différentes de rats fournissent des résultats contradictoires. Quel est donc l’intérêt d’étudier des animaux alors que la réponse saute aux yeux ?" demande Claude Reiss, président d’Antidote Europe et ancien directeur de recherche au CNRS. "Contrairement aux tests sur des animaux, les données humaines sont sans équivoque. De récentes études de populations humaines, ainsi que des études sur des cellules humaines, ont montré que le bisphénol A pouvait affecter la fertilité humaine, entre autres problèmes de santé." Avant de rajouter : "Le public serait choqué d’apprendre que cette substance chimique a été originellement produite en tant qu’hormone contraceptive pour les femmes et a plus tard trouvé des applications dans l’industrie du plastique."

Formé de deux noyaux phénoliques liés par un atome de carbone, le bisphénol A (BPA) est l’une des substances chimiques de synthèse les plus produites (3 milliards de kg/an). Le BPA est utilisé d’une part pour la production de plastiques comme le polycarbonate (biberons, revêtements internes de boîtes de conserves ou de boissons, bouteilles…), d’autre part comme adjuvant dans la fabrication d’autres matières plastiques, comme le polychlorure de vinyle.

Le BPA s’extrait spontanément de ces matières plastiques, au contact avec l’eau (jusqu’à 50 fois plus dans l’eau chaude), les détergents, les substances acides, les corps gras… et les aliments en contact. Bien que le BPA soit assez rapidement éliminé du corps par les urines, pratiquement toutes les personnes vivant dans les pays industrialisés en ingèrent quotidiennement à leur insu et présentent de ce fait un taux d’imprégnation permanent élevé, les femmes plus que les hommes, les enfants (jusqu’à 12 fois) plus que les adultes. Visiblement, le BPA n’induit pas chez l’homme une toxicité aiguë, mais sa structure biphénolique intrigue et pourrait avoir des effets sur la santé humaine au moyen et long terme.

Il y a des milliers de publications qui décrivent les effets du BPA sur des "modèles" animaux, mais on doit refuser de les prendre en considération pour évaluer sa toxicité chez l’homme, car aucune espèce animale n’est un modèle biologique fiable pour une autre.Il reste alors trois approches toxicologiques éthiquement acceptables :
1- les études sur du matériel biologique d’origine humaine ;
 2-les études épidémiologiques ;
 3-les études indirectes basées sur l’analogie structurelle avec des molécules dont l’activité biologique chez l’homme est connue.

Un premier test, rapide, peu onéreux et valable pour l’homme, peut être fait sur des cellules humaines en culture par toxicogénomique.

Plusieurs études sont disponibles, dont celles effectuées par Antidote Europe, qui montrent que le BPA et ses métabolites empêchent les cellules humaines de s’opposer au stress oxydatif, à la cancérisation, à la prolifération, à la stimulation hormonale, à exercer le contrôle de qualité du repliement des protéines. En particulier, il favorise considérablement le développement de maladies conformationnelles (Parkinson, Alzheimer, diabète de type 2…) et il divise par 4 la sensibilité de ces cellules aux androgènes, ce qui a des implications importantes sur le développement sexuel et la fertilité masculine. Ces résultats sont enregistrés dans une base de données internationale.

D’autres travaux de toxicogénomique sur cellules humaines montrent d’une part que l’activité estrogénique du BPA est comparable, voire supérieure, à celle de l’hormone endogène 17beta-estradiol, d’autre part que les même gènes sont dérégulés par ces diverses substances. Ainsi, même présentes individuellement à des doses très faibles ne donnant pas lieu à des effets détectables, leur présence simultanée dans l’organisme peut déclencher des pathologies hormonales majeures (cancers du sein ou de la prostate…) et des malformations génitales (1). Ces observations sont corroborées par des études épidémiologiques (2-10).

On sait qu’en général des substances chimiques de structures proches ont des activités biologiques comparables (concetp QSAR). Le diéthyl stilbestrol (DES) a également deux noyaux phénoliques, liés par deux atomes de carbone au lieu d’un seul pour le BPA. Or les effets biologiques du DES chez l’humain sont bien documentés. Le DES fut en effet prescrit en France pendant 30 ans à 200 000 femmes enceintes ayant des grossesses à problèmes (que le DES ne réglait d’ailleurs pas). On ne s’apercevra qu’au bout de 30 ans que ce traitement est tératogène et a en réalité de très graves conséquences chez les filles, et même les petites-filles de ces femmes (cancers et malformations génitales). De structures voisines, BPA et DES ont très probablement des activités biologiques voisines aussi. Celles du DES étant malheureusement bien documentées, il est fort probable que le BPA se révèle être dans quelques années une autre "bombe à retardement" analogue au DES, qu’il sera alors impossible de neutraliser. Cette fois, cette bombe ne concernerait pas que les femmes enceintes et leurs filles, mais toute la population (prioritairement les enfants) puisque nous sommes tous imprégnés de BPA. Elle menacerait gravement jusqu’à la survie de l’espèce humaine, à la fois pour son impact négatif sur la fertilité et les pathologies provoquées (cancer, maladies neuronales, diabète, maladies cardio-vasculaires, hépatiques…).

La France s’honorerait en prenant, pour restreindre l’exposition de la population au BPA, une initiative semblable à celle prise par les Etats-Unis et le Canada en 2008 pour interdire le Bisphénol A dans les biberons notamment.

Références :

(1) "Convergent transcription profiles induced by endogenous estrogen and distinct xenoestrogens in breast cancer cells", Buterin T., Koch C. &H Naegeli, Carcinogenesis 2006, 27 : 1567-78.
(2). "Association of urinary Bisphenol A concentration with medical disorders and laboratory abnormalities in adults". Lang IA, Galloway TS, Scarlett A et Als JAMA, 2008 ;300:1303-1310.
(3) "Urinary concentrations of bisphenol A and 4-nonylphenol in a human reference population." Calafat AM, Kuklenyik Z, Reidy JA, et al. Environ Health Perspect 2005 ; 113 : 391-5.
(4) "Positive relationship between androgen and the endocrine disruptor, bisphenol A, in normal women and women with ovarian dysfunction".Takeuchi T, Tsutsumi O, Ikezuki Y, Takai Y, Taketani Y, Endocr J, 2004 ;51:165-169.
(5) "Bisphenol-A disruption of the endocrine pancreas and blood glucose homeostasis" Ropero AB, Alonso-Magdalena P, Garcia-Garcia E, Ripoll C, Fuentes E, Nadal A, Int J Androl, 2008 ;31(2):194-200.
(6) "Thyroid hormone action is disrupted by bisphenol A as an antagonist", Moriyama K, Tagami T, Akamizu T et als. J Clin Endocrinol Metab, 2002 ;87:5185-5190.
(7) "Bisphenol A is released from polycarbonate drinking bottles and mimics the neurotoxic actions of estrogen in developing cerebellar neurons". Le HH, Carlson EM, Chua JP, Belcher SM. Toxicol Lett. 2008 Jan 30 ;176(2):149-56.
(8) "Parental bisphenol A accumulation in the human maternal-fetal-placental unit", Schönfelder G., Wittfoh W., Hopp H., Talsness CE., Paul M. &Chahoud I. Env. Health Perspect 2002 ; 110 : A703-7.
(9) "Migration of bisphenol A from polycarbonate baby and water bottlesinto water under sever conditions" Coa X.L. & Corriveau J. J. Agric Food Chem 2008 ; 56 : 6378-81.
(10) "Exposure to Bisphenol A and Other Phenols in Neonatal Intensive Care Unit Premature Infants" Calafat AM & al. 2009 Env. Health Perspect. 117 : 639-44.

 


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1 réactions à cet article    


  • l’arbre 21 février 2010 00:38

     Demandons poliment à notre ministre de : commander un vaccin aux laboratoires : pour principe de précaution , cette même ministre qui claironnait il n’y à pas si longtemps qu’ il n’était pas utile de retirer les biberons de la vente , que rien n’était prouvé . ....  Nepas oublier de garer sa voiture à l’ombre , aux prochaines canicules , dans un secteur où le soleil ??   Des conseils , utiles et judicieux ,<on en recevras d’autres > avant de voter les lois d’interdiction ! ne faisons rien à la légère ! nous avons déjà des lois contre les délinquances .
    Pas d’exigeances inconsidérèes !

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