Ce n’est rien ... c’est le stress !

La banalisation du stress, quand il s’agit d’évoquer des symptômes, peut conduire à passer à côté d’un trouble grave. "Ce n’est pas grave, ça doit être le stress !"
Voilà une phrase qu’on entend facilement. Une phrase pour banaliser un mal physique et/ou psychologique. Il est vrai que le stress chronique provoque toutes sortes de dérèglements mineurs dans le métabolisme. Mais il est tout aussi vrai que ce même stress peut être un facteur déclencheur ou aggravant de troubles qui peuvent mettre en jeu sérieusement la santé.
Par ailleurs, les professionnels intervenant dans le traitement des cancers savent qu’un malade en cours de thérapie a de bien meilleures chances de guérir, et plus vite, s’il n’est pas stressé ou angoissé par les enjeux. A tel point que les psychologues et psychiatres commencent à faire leur entrée dans le processus thérapeutique.
Mais revenons à cette petite phrase à résonance multiple : apaisement, fatalité...
Face à un problème, l’être humain peut réagir de deux manières différentes : la première consiste à être centré sur la résolution du problème. La deuxième est de l’ordre de la fuite.
Face à un problème de santé, deux types de réaction sont donc possibles : la recherche d’une solution qui nécessite plus ou moins de temps et d’énergie, ou au contraire, l’immobilisme.
L’immobilisme peut prendre plusieurs formes. La première est liée à une problématique de méthode : la personne va se focaliser sur ses symptômes plutôt que de chercher des solutions (au moins un diagnostic dans un premier temps). Une nature anxieuse va peut-être l’empêcher de franchir le pas de la consultation. Alors peut se mettre en place le cercle vicieux suivant : anxiété, donc stress, qui peut aggraver le mal qui va se manifester plus visiblement, entraînant une anxiété plus forte. Et plus l’état va empirer, plus le malade va appréhender de consulter, de peur de s’entendre annoncer un verdict grave. Et bien sûr, plus il attendra, et plus sa crainte sera justifiée.
La deuxième forme d’immobilisme correspond à l’attitude de l’autruche : la tête dans le sable.
Et dans ce cas, la petite phrase va tomber à pic pour fournir une réponse toute faite, apaisante face à l’entourage qui s’inquiéterait de l’état de santé. Elle fait d’ailleurs coup double en termes d’autosuggestion ("tout va bien, je vais bien !"). Dans ce cas, le stress ne sera pas présent, mais sera le bon alibi. Pourquoi la tête dans le sable ? Peut-être par mauvaise gestion des priorités ("je n’ai pas le temps, pas une minute à moi dans mon planning !"), par crainte de restriction probable du champ de liberté ("je ne pourrai plus manger, boire, fumer... comme je veux !"), par dysharmonie psychique ("au pire, je meurs, alors quelle importance !")
Il y a bien risque à banaliser le stress. Certains professionnels de la santé participent à la banalisation du stress : "Ce n’est rien de grave ; vous êtes stressé ces temps-ci ? Oui ? Alors, ne cherchez pas ailleurs !".
Un certain nombre de syndromes sont étroitement liés au stress. Ils touchent l’appareil digestif, la peau... Ce ne sont pas des maladies en tant que telles. Et souvent, non seulement les scientifiques n’en connaissent pas les origines ni les rouages, mais il n’existe pas de solutions médicamenteuses. Une fois que le professionnel de santé a écarté une maladie grave et une maladie bien nomenclaturée, il peut être tenté de considérer banalement ce trouble psychosomatique et prendre congé de ce "faux" malade avec désintérêt et nonchalance. Par un tel comportement, ces malades à part entière peuvent ressentir de la honte face à leur trouble : ils souffrent de symptômes (quelquefois douloureux), mais le monde extérieur ne leur reconnaît pas le droit d’être malade.
Certains malades suivent de véritables parcours du combattant pour essayer de trouver une solution à de tels troubles. Et souvent, de guerre lasse, ils finissent par rejoindre le camp des malades qui tombent dans l’immobilisme face à leur problème de santé.
Stress et santé nous concernent donc tous : les malades du stress (c’est un raccourci), l’entourage des malades, et les professionnels de la santé. Une prise de conscience et des efforts sont plus que nécessaires :
- les malades, pour ne pas nier leur problème et se centrer sur sa résolution ; les malades, également, pour se reconnaître pour eux-mêmes le statut de malade.
- l’entourage familial, pour accorder au malade son statut de malade, même s’il s’agit d’un syndrome ou de toute autre forme de mal psychosomatique.
- les professionnels de la santé, pour reconnaître au malade son statut de malade, prendre toutes les mesures pour un diagnostic pluridisciplinaire, et suivre l’évolution du trouble et de sa prise en charge.
Combien de personnes ayant prononcé la phrase "Ce n’est pas grave, ça doit être le stress !" regrettent amèrement, a posteriori, de ne pas avoir pris le taureau par les cornes ?
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