Cholestérol : une théorie fragile
Le problème fondamental du cholestérol n’est pas celui de savoir si les statines sont bonnes ou mauvaises ; il est de savoir si le cholestérol lui-même est dangereux ou non en cas d’excès. Puisqu’Internet offre de quoi se forger une opinion, faisons-nous forgerons. Il semblerait que la théorie du cholestérol soit sérieusement battue en brêche par diverses observations et expériences.
Dans le débat public relatif au danger potentiel du cholestérol, distinguons les faits de la théorie, le certain de l’hypothétique. Voyons de quoi la théorie est constituée et ce que donne sa confrontation avec le réel. Sans prétendre d’emblée à un jugement catégorique, cherchons au moins les présomptions fortes.
Le verdict scientifique est de toutes façons difficile à établir, tant le contexte est trouble : l’importance des enjeux financiers et la puissance de l’industrie sont patentes. Les essais sont majoritairement financés par celle-ci. Les soupçons sur l’indépendance des experts et des agences sont renforcés par les antécédents notables du tabac, du sucre, de médicament tristement célèbres, liste à laquelle vient de s’ajouter le glyphosate. Sans insister sur les accusations formulées par des personnes bien placées, on doit reconnaître que certaines sciences peinent à dégager un parfum de salubrité. Un tel contexte ne prédispose pas à accueillir en toute confiance n’importe quelle allégation prétenduement prouvée.
Aux origines
Faut-il encore rappeler que le cholestérol est un lipide et non une maladie ? Indispensable à l’organisme à plus d’un titre, il lui est fourni par l’alimentation et, plus encore, par sa production dans le foie (cholestérol du cerveau mis à part). Adoptons les abréviations suivantes :
– Le Ch-LDL est le cholestérol véhiculé dans le sang par les lipoprotéines LDL, depuis le foie vers les organes qui en ont besoin.
– Le Ch-HDL est le cholestérol véhiculé par les lipoprotéines HDL, depuis les organes vers le foie pour recyclage.
Dans les deux cas, une protéine (LDL ou HDL) véhicule au cholestérol, dont il n’y a qu’une seule sorte.
Ancel Keys prétendit avoir établi un constat de corrélation géographique entre le taux sangin de Ch-LDL et les MCV (les maladies cardio-vasculaires : infarctus, etc.). En simplifiant, disons qu’en passant d’un pays à l’autre, l’augmentation du taux moyen de Ch-LDL s’accompagnerait d’une augmentation parallèle des MCV.
L’hypothèse ainsi suggérée est qu’un taux élevé de Ch-LDL favorise les MCV. En d’autres termes, au-delà d’un certain seuil, le cholestérol est tenu pour être facteur de MCV au même titre que l’âge, le tabac ou l’hypertension artérielle.
Il importe de noter le glissement sémantique opéré par l’emploi de mots tels que « favoriser » et « facteur » : utilisés à propos d’une simple corrélation statistique (d’un pays à l’autre, cholestérol et maladies prennent de l’importance de façon parallèle), ils induisent subrepticement l’idée d’une relation de cause à effet (l’excès du premier produit les secondes). Or, si la corrélation observée suggère la possibilité d’une telle relation de cause à effet, elle ne suffit nullement à la prouver. Une telle inférence est valable pour le tabac ; il va de soi que fumer contribue à ces maladies, mais pas l’inverse : ce ne sont pas elles qui conduisent au tabagisme. Pareille inférence ne va pas de soi, de prime abord, pour le cholestérol, dans la mesure où d’autres explications sont envisageables (l’élévation du taux de Ch-LDL comme réaction salutaire à la déterioration d’un organe).
L’essentiel de la théorie
Il s’est constitué néanmoins une théorie dont la base est le postulat (P) – souvent appelé hypothèse lipidique – que des taux sanguins élevés de Ch-LDL causent des maladies cardio-vasculaires (en concurrence avec d’autres déterminants, comme l’usage du tabac).
De ce postulat résultent deux conséquences théoriques majeures :
– (L) faire baisser le taux de Ch-LDL doit réduire le risque de telles maladies (à afflux moindre, danger moindre) ;
– (H) l’augmentation du taux de Ch-HDL doit jouer dans le même sens (à retrait supérieur, danger moindre également).
Divers pistes s’ouvrent ainsi pour contribuer à la prévention des MCV et de leur récidive, parmi lesquelles la mise au point de médicaments qui réduisent la présence des Ch-LDL ou qui favorisent celle des Ch-HDL, voire les deux à la fois.
La théorie et la réalité
Le postulat (P), ainsi que ses conséquences (L) et (H), restent de la théorie, laquelle demande bien entendu, pour être validée, à être confrontée à la réalité. Sans prétendre présenter la totalité des observations et des expériences, en voici de quelque poids.
– L’étude épidémiologique d’Ancel Keys a été critiquée parce qu’il avait sélectionné sept pays après avoir recueilli des données dans vingt-deux. Or d’autres façons d’analyser ces dernières conduisent à une conclusion différente.
– Différentes sortes de médicaments, et pas seulement les statines, produisent la diminution du taux de Ch-LDL, généralement par la limitation de sa production par le foie. Les résultats des essais se montrent plus ou moins favorables à la théorie en termes de santé : certaines statines, outre qu’elles font baisser le cholestérol, l’améliorent un peu.
– On sait maintenant qu’à partir de 60 ans des taux bas de Ch-LDL sont gravement nocifs.
– Les avantages d’un taux élevé de Ch-HDL laisse les observateurs dubitatifs.
– Les essais de quatre inhibiteurs de la CETP, médicaments visant à abaisser le taux du Ch-LDL et simultanément à élever celui de Ch-HDL, ont déçu leurs promoteurs. Le Torcetrapib s’est même distingué par le nombre des décès observés.
Conclusions
Les observations à l’origine du postulat (P) se sont révélées plus que discutables.
Ses conséquences (L) et (H), peut-être pas réfutées de manière absolue par des observations et des expériences, supportent tout de même mal ces confrontations avec la réalité.
Dans ces conditions, et compte tenu du contexte évoqué, la théorie du cholestérol n’apparaît pas comme validée, bien au contraire.
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