Coup de fièvre
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La pilule amère
Depuis le temps que ça me pendait au nez, voilà que j’ai un coup de fièvre sans pouvoir me soigner faute de disposer d’un médecin traitant. J’avoue que ce n’est cependant pas au niveau des sinus que se joue le problème en question. Je vais me faire souffler dans les bronches faute d’avoir mise en place la procédure qui m’a été indiquée par un médecin conseil ; elle est fort simple et quelque peu tordue. Il suffit en effet d’appeler des praticiens, noter leur refus de prendre un client supplémentaire et saisir le conciliateur. Imaginez la qualité des soins après une telle injonction !
Mais revenons à mon petit souci de santé. Que puis-je faire ? Aller encombrer, comme on me le suggère aimablement les urgences ou bien saisir SOS médecin ? Pour un coup de fièvre, la mesure est excessive et particulièrement hors de propos. Il ne faut pas avoir le sens du service public et de ses priorités pour agir de la sorte. Me satisfaire de l’auto-médication ? La belle ironie que voilà avec justement des médecins qui se refusent désormais à venir chez le malade. Les mots se télescopent ….
Mieux même, j’ai les jambes en coton et il me faudrait user de molécules synthétiques pour calmer mes douleurs. Je suis certes dans de beaux draps, mais pas au point de confondre les fibres naturelles et celles qui ne le sont pas. Ma situation m’impose d’engraisser l'industrie pharmaceutique sans le moindre contrôle sur la posologie. J’aurais pu user des vieilles recettes de grand-mère, m’appliquer un cataplasme ou bien des ampoules, méthodes repoussées par les tenants d’une médecine qui n’est plus capable de répondre à l’afflux de patients. Paradoxe supplémentaire qui écarte les méthodes traditionnelles, l’homéopathie maintenant, l’herboristerie il y a peu, pour ouvrir un boulevard aux laboratoires. Sans médecin, plus de prescription ni d’ordonnance …
Je me rends compte que ce monde est devenu fou. J’use d’un logiciel libre pour écrire ce billet alors que j’aurais dû céder aux sirènes de Microsoft Office pour avoir un texte en point doc. Il convient de cracher au bassinet un peu partout, entre dépassement d’honoraires et logiciel onéreux. Malheur aux pauvres gens, cette société leur tourne le dos.
Je vais garder la chambre, la chose passera d’elle-même. Si j’avais été député, j’aurais naturellement bénéficié d’un service médical qui m’aurait traité aux petits oignons. L’égalité n’a plus sa place dans cette société malade et les gens dans mon cas, ceux qui ne trouvent plus de médecin traitant, n’ont qu’à se présenter au parlement. Les places sont limitées certes mais c’est également le cas dans les cabinets médicaux.
La colère me prend une fois encore. Le thermomètre monte, notre nation est en surchauffe. Tout se passe désormais de manière à exclure les uns et à favoriser les autres. Société à deux vitesses, les fonctionnaires sont montrés du doigt, les inégalités s’accroissent et bientôt, le grand service de santé va sombrer dans cette farce libérale où ceux qui se sont vu payer leurs études, ne cessent d’augmenter leurs honoraires de manière si peu honorables.
J’avoue que ce n’est plus mon problème puisque pour consulter un spécialiste aux dents longues et aux mains crochues, il me faudrait au préalable passer par un généraliste. Je ne dispose plus de ce privilège. Dis Tonton, pourquoi tu tousses ? Pour toutes ces raisons qui sont véritablement de nature à me donner des sueurs froides.
Je fais donc abstraction de mes maux. Ces mots allègent ma colère, c’est déjà ça. Puisqu’il n’y a rien à faire, autant passer outre et faire comme si de rien n’était. Je m’alite de nouveau après avoir couché sur le papier mon bulletin de santé. C’est d’une grande impudeur, je le reconnais. Dans ce pays, il convient de se taire pour ne pas importuner ceux qui bénéficient de privilèges. Une petite cuillère de sirop et tout reviendra dans l’ordre, c’est le conseil qu’il me faut suivre.
Finalement après deux jours à plus de 39 degrés de fièvre, je me suis rendu, tout flagellant et suant à la permanence de SOS médecin. Après une demi-heure d’attente dehors sous une pluie battante, pour améliorer mon cas, j’ai patienter plus d’une heure dans salle d’attente vite bondée. J’ai trouvé là un généraliste militant qui reçoit fort bien et de manière très compétente tous les exclus du système de santé. Une belle brochette de portraits tous fort différents les uns des autres et le sentiment que cette situation touche désormais beaucoup de gens. J’avais tout ça en travers de la gorge, je comprends mieux pourquoi maintenant : c’est une angine !
Médicalement vôtre.
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