Covid-19 : de bonnes nouvelles de Chine (et de moins bonnes nouvelles)
« Omicron est une maladie majeure et elle est très transmissible (…). La Chine n'a pas vraiment le choix sur la manière dont elle s'attaque à cette vague. Si elle assouplit ses restrictions, il y aura inévitablement un grand nombre d'infections et de décès (…). Si la Chine décidait soudainement d'adopter la politique de vivre avec le virus, le système de santé serait débordé » (Pr. Zhengming Chen, cité le 20 avril 2022 dans "The Lancet").
Le professeur Zhengming Chen, épidémiologiste de l'Université d'Oxford, en Grande-Bretagne, envisageait le pire l'an dernier, dans le cas où le gouvernement chinois modifierait voire abandonnerait sa politique zéro covid. Nous y sommes...
Actuellement, l'épidémie de covid-19 semble se ralentir un peu partout dans le monde. En France, on est au minimum de l'épidémie, le plus bas depuis janvier 2022 (depuis le début de l'apparition du variant omicron), avec moins de 4 000 nouveaux cas par jour en moyenne sur sept jours (3 667 cas en moyenne le 7 février 2023). La situation est rassurante car les indicateurs sanitaires sont aussi à la baisse : moins de 14 000 personnes sont encore hospitalisées pour covid-19 (13 801 au 6 février 2023, en baisse de 10% en une semaine), moins de 800 personnes en soins critiques pour covid-19 (789 au 6 février 2023, en baisse de 10% en une semaine), et 35 décès chaque jour en moyenne sur sept jours au 6 février 2023, en baisse de 13% en une semaine. Au 6 février 2023, seulement 81 590 personnes avaient le covid-19 et étaient contagieuses en France, ce qui est très bas depuis octobre 2021 (cela signifie, en moyenne, moins de 1 000 personnes par département).
Lorsque nous savons que depuis plus de six mois, les Français en général respectent de moins en moins les gestes barrières, en particulier porter le masque dans des lieux très fréquentés et se laver les mains régulièrement au gel hydroalcoolique, nous pouvons raisonnablement nous dire que la pandémie est derrière nous.
Certes, cette pandémie a beaucoup tué en France, 164 427 décès ont été à déplorer ce 6 février 2023 depuis le mois de janvier 2020, ce qui fait beaucoup même si c'est moins que la plupart de nos voisins, et cela augmente tous les jours (35 décès par jour, ce qui est faible par rapport au passé, cela correspond quand même à plus de 1 000 décès par mois).
Avec plus de 39,5 millions de cas de covid-19 détectés par les tests en France, et la très forte couverture vaccinale (94,8% des personnes âgées de 12 ans et plus), la population française bénéficie, comme ses voisins européens, d'une certaine immunité collective.
Le taux de reproduction effectif repart cependant à la hausse : après une baisse à sa plus faible valeur depuis mars 2020, il remonte depuis trois semaines et il devrait dépasser 1 cette semaine ou la semaine suivante (lorsqu'il est en dessous de 1, cela signifie que le nombre de nouveaux cas baisse, au-dessus, ce nombre monte). La nouvelle vague qui devrait arriver en mars 2023 ne devrait pas être très forte s'il n'y avait aucun nouvel événement épidémique (l'apparition d'un nouveau variant par exemple).
C'est d'autant plus heureux que depuis plus de six mois également, les échanges internationaux ont repris. Si officiellement, près de 6,8 millions de personnes sont morte du covid-19 dans le monde depuis le début de la pandémie (nombre qu'il faudrait multiplier par 2 ou par 3 pour avoir une approximation plus juste), moins de 900 décès ont été constatés dans le monde le 6 février 2023 alors qu'il y avait parfois des sommets atteignant les 14 000 décès par jour (14 860 décès le 26 janvier 2021 sur une moyenne de sept jours). Il faut toujours être prudent avec les statistiques car il y a eu un relâchement dans le comptage des nouveaux cas, plusieurs pays européens communiquent moins fréquemment leurs données, et d'autres ont réduit le nombre de tests. Mais globalement, la situation s'améliore tant en France que dans le monde en général.
La vraie inquiétude vient de l'Asie. Plusieurs pays asiatiques ont été très fortement touchés par une nouvelle vague il y a quelques mois, en particulier le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam, la Thaïlande, Taïwan, etc. et ses pays, qui avaient été extrêmement prudents au début de la pandémie en 2020, et avaient réussi à limiter les dégâts, sont désormais dans la tourmente. Les populations ayant été moins au contact avec le virus qu'en Europe, leur immunité est encore trop faible pour être protégées.
La situation de la Chine est évidemment la plus inquiétante. Dans l'incapacité à éviter une nouvelle vague, la Chine a dû renoncer à la politique de zéro covid le 7 décembre 2022, également sous pression populaire. C'est une date importante car toutes les digues qui avaient été mises ont sauté. Mais cet abandon s'accompagne d'un flou statistique particulièrement inquiétant.
Dans une publication de la revue scientifique "The Lancet" qui date du 20 avril 2022, le journaliste médical Talha Khan Burki indiquait : « Une étude menée par des chercheurs de l'Université de Hong Kong a conclu que les deux doses du vaccin Sinovac covid-19 présentaient des taux d'efficacité de 60% contre les maladies graves et de 67% contre les maladies mortelles, dans les populations âgées de 80 ans et plus. L'ajout de la dose de rappel a poussé les deux taux au-dessus de 95%. L'étude n'a pas été évaluée par des pairs. Si la politique zéro covid devait être interrompue avant que la Chine ne soit en mesure de vacciner complètement (…) ses populations âgées ou vulnérables, le pays serait confronté à un fardeau important de morbidité et de mortalité. "Zéro covid signifiait qu'il n'y avait pas assez de personnes âgées vaccinées, mais cela ne laissait à la Chine d'autre choix que de continuer avec zéro covid", a déclaré Huang. "La politique est devenue sa propre justification". L'absence d'épidémie importante de covid-19 au cours des 2 dernières années a laissé la population avec peu d'immunité engendrée par l'infection. ». Yanzhong Huang est un chercheur de très haut niveau en santé publique, travaillant pour le think tank américain The Council on Foreign Relations (à New York).
Pendant longtemps, le nombre de décès dus au covid-19 était extrêmement faible en Chine depuis janvier 2020, entre mars 2020 et janvier 2023, la situation a à peine évolué. Au 14 janvier 2023, seulement 5 273 décès étaient déclarés pour une population de 1,4 milliard d'habitants. Mais la digue statistique aussi est en train de sauter. Les autorités sanitaires chinoises ont communiqué à partir de janvier 2023 des statistiques relativement plus cohérentes : 65 168 décès au 15 janvier 2023, et 87 468 décès au 4 février 2023, dernière mise à jour. En effet, la directrice du bureau de l'administration médicale au sein de la commission nationale de santé Jiao Yahui a reconnu qu'entre le 8 décembre 2022 et le 12 janvier 2023, il y a eu 59 938 décès à cause du covid-19 dans les hôpitaux. Bien entendu, ce nombre beaucoup trop sous-évalué reste encore peu cohérent avec la réalité. Beaucoup de personnes atteintes du covid-19 meurent à leur domicile faute d'avoir une place à l'hôpital, et celles-ci ne sont pas décomptées.
Le nombre de cas déclarés en Chine est aussi en question : la forte vague a dû trouver un sommet le 2 décembre 2022 avec près de 41 000 nouveaux cas quotidiens sur une moyenne de sept jours. Un autre pic a eu lieu le 8 janvier 2023 avec 9 000 cas quotidiens en moyenne sur sept jours. Là non plus, ce n'est pas cohérent. Car il suffisait d'écouter quelques données dès décembre 2022 communiquées par des autorités sanitaires locales, notamment dans certaines grandes villes, avec des chiffres astronomiques comme 500 000 nouveaux cas en une journée et seulement localement, pour se donner une idée du désastre épidémique. C'est d'autant plus incohérent que le virus est aussi un des sous-variants d'omicron (voir plus loin) et donc, très transmissibles (comme en France en janvier 2022 dont quasiment le quart voire le tiers de la population a été contaminée).
Une autre donnée confirme cette incohérence : le nombre total de cas de covid-19 détectés depuis le début de la pandémie est de 2,02 millions au 8 janvier 2023 (il n'y a pas eu de mise à jour depuis cette date) alors qu'aux États-Unis, un pays quatre fois moins peuplé, ce nombre cumulé est de 105 millions de cas. Ce qui signifierait pour la Chine l'équivalent de 400 millions de cas (voir plus loin).
Certains estiment que ces données communiquées officiellement par le gouvernement chinois à l'OMS (Organisation mondiale de la santé) ne concerneraient que la ville de Pékin.
Ce qui est sûr, c'est que la catastrophe sanitaire est en cours. Les hôpitaux des grandes villes sont saturées, dans les zones rurales, il n'y a pas d'hôpital, et les décès sont nombreux. En décembre 2022, la situation économique des grandes villes était très faible, mais une reprise a été observée depuis janvier 2023.
La courbe des cas sévères aurait atteint son maximum le 5 janvier 2023 avec 128 000 cas, selon les statistiques gouvernementales. Le 12 janvier 2023, ce nombre de cas sévères serait redescendu à 105 000, ce qui correspondrait à un taux d'occupation des lits en soins intensifs de 75,3%. Mais malgré ces données, des éléments indiquent au contraire la saturation des hôpitaux.
Ainsi, des experts français en Chine, de l'association Solidarité Covid, ont observé : « Le taux de personnes hospitalisées par rapport au nombre de cas est très inférieur au taux calculé sur la France (…), preuve d’une saturation importante (…). la simulation du nombre de cas sévères sur la base des observations en Chine [avant le 7 décembre 2022] est trois à quatre fois supérieure aux données du rapport. Il y a donc beaucoup de malades graves hors hospitalisation, et donc de décès non hospitalisés. » ("Le Monde" du 16 janvier 2023).
D'autres rappellent qu'il y a 36 000 hôpitaux en Chine et qu'ils ne pourraient pas être saturés s'il n'y avait que 60 000 décès en quelques semaines, ce nombre est donc largement sous-évalué. Un article du journal "Le Monde" du 25 janvier 2023 a aussi confirmé le « recours à au moins un entrepôt pour gérer les cadavres qui dépassent les capacités des morgues et des crématoriums » à Shanghai.
Le "New York Times" a de son côté essayé de donner une évaluation avec quelques données. Il s'est basé pour cela sur la mortalité de grands instituts de recherches en lisant avec attention les faire-part de décès. Ses conclusions publiées le 5 février 2023 sont assez instructives : dans deux de ces grandes institutions scientifiques qui comptent en tout 1 700 personnes, on est passé de quelques décès par mois avant la fin du zéro covid à 23 en décembre 2022 et 17 en janvier 2023, des scientifiques de très haut niveau, certes âgés, mais qui meurent en plus grand nombre qu'auparavant, sans cause de décès (les médecins sont encouragés à ne pas donner la cause du décès).
Les experts de la société londonienne Airfinity, spécialisée dans les modélisations sanitaires, évaluaient en novembre 2022 le nombre de décès dus au covid-19 en Chine à entre 1,3 et 2,1 millions, pour une population de 1,4 milliard d'habitants (pour rappel, plus 1,1 million de personnes sont mortes du covid-19 aux États-Unis depuis 2020). Cette information a été notamment présentée par le "Washington Post" du 18 décembre 2022. Cette estimation est plausible. Si on reprend l'estimation de nombre de cas réels faite plus haut, à savoir 400 millions (au lieu de 2 millions), et qu'on prenne le taux de létalité apparent (le rapport du nombre de décès déclarés sur le nombre de cas déclarés, soit environ 0,4% en France et 1,1% aux États-Unis), cela donne une terrible estimation du nombre de décès entre 1,6 et 4 millions.
L'une des raisons de cette catastrophe sanitaire, c'est aussi la faible protection de la population. Le vaccin Sinovax est effectivement peu protecteur (mais c'est mieux que rien) et le gouvernement chinois refuse d'utiliser des vaccins à ARN messager pourtant beaucoup plus efficaces (pour des raisons principalement géopolitiques).
Dans cette mauvaise nouvelle d'une Chine qui est embourbée par l'épidémie de covid-19 (elle a commencé en Chine et elle se terminera peut-être en Chine), il y a cependant deux informations intéressantes et positives.
La première est à destination des expatriés français habitant en Chine, qui, souvent, ont été bloqués en Chine depuis trois ans : selon le correspondant de RFI à Pékin Stéphane Lagarde, la France a obtenu que ses ressortissants de plus de 12 ans puissent bénéficier gratuitement de vaccins à ARN messager. Il faut s'inscrire sur une plate-forme Internet de l'ambassade avant le 9 février 2023.
Conseiller des Français de l'étranger en Chine, Franck Pajot s'en est réjoui : « C’était une forte attente et j’ai déjà beaucoup de retour depuis l’annonce faite par l’ambassade ce matin. J’avais interpellé les autorités sur cette question de la disponibilité des vaccins ARNm pendant la vague omicron en Chine. Il y a des personnes âgées et fragiles dans notre communauté. Or, on sait que le vaccin chinois, cela a été largement commenté, n’est pas très efficace. Et puis, il y a les questions des voyages : de nombreux Français ici ne sont pas retournés en France depuis le début de la pandémie. Cela, sans parler de la forte probabilité que la Chine soit confrontée à une nouvelle vague covid au printemps, en juin et juillet prochain. ».
Les Français ne sont pas les premiers à bénéficier d'une telle dérogation, les Américains, les Allemands, les Britanniques, les Espagnols en avaient également bénéficié. Cette annonce du 6 février 2023 arrive peu avant le changement d'ambassadeur de France à Pékin (l'actuel vient d'être nommé pour Washington) et la venue prochaine du Président Emmanuel Macron en Chine, probablement en avril 2023.
L'autre bonne nouvelle est très rassurante sur l'une des craintes majeure de la situation chinoise : le risque de nouveaux variants. Or, une étude publiée ce mardi 7 février 2023 dans "The Lancet" permet d'être optimiste : sous la direction de George Gao, virologue à l'Institut de microbiologie à l'Académie chinoises des sciences, des scientifiques chinois ont analysé 413 échantillons prélevés à Pékin et séquencés entre le 14 novembre 2022 et le 20 décembre 2022. Plus de 90% des cas étaient des sous-variants d'omicron appelés BF.7 et BA5.2 (75% des cas pour le premier et 15% pour le second) : « Notre analyse suggère que deux sous-variants déjà connus d’omicron ont été principalement responsables de la poussée de cas à Pékin, et probablement en Chine dans son ensemble. ».
Certes, cette étude est insuffisante pour être complètement rassuré. Ainsi, il faudrait avoir des séquençages de prélèvements en janvier 2023 car avant, ce serait un peu tôt pour voir l'apparition de nouveaux variants, et si possible, des prélèvement provenant de toutes les régions chinoises touchées. Mais cette première étude est plutôt rassurante et plutôt logique : un grand nombre de nouveaux cas se détecte aussi à l'extérieur de la Chine et un nouveau variant pourrait très bien se révéler en Europe ou en Amérique autant qu'en Asie.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (07 février 2023)
http://www.rakotoarison.eu
(Toutes les courbes proviennent du site OurWorldInData).
Pour aller plus loin :
Covid-19 : de bonnes nouvelles de Chine (et de moins bonnes nouvelles).
Covid-19 : où en est l'épidémie en France au 12 janvier 2023 ?
Réintégration du personnel soignant non-vacciné.
Vaccination contre le covid-19 : l'égarement du gouvernement.
Covid-19 : le Père Noël va-t-il devoir surfer sur la 9e vague ?
Contagion.
La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...
Covid-19 : alerte au sous-variant BQ1.1 !
Covid-19 : faut-il s'inquiéter de la vague de la rentrée 2022 ?
Le covid-19 a-t-il disparu ?
Covid-19 : une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.
Covid-19 : 150 000 décès en France et l’omicron BA.5 en pleine hausse.
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Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Covid : fin des restrictions sanitaires et extrême vigilance.
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