Covid-19 : il y a trois ans, le choc, la sidération et la désolation...
« Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire, certes : nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre Nation. Mais l'ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Nous sommes en guerre. Toute l'action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l'épidémie. De jour comme de nuit, rien ne doit nous en divertir. (…) Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre. La Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. » (Emmanuel Macron, allocution télévisée du 16 mars 2020).
En observant aujourd'hui dans les rues, dans les supermarchés, même dans les cabinets médicaux, où l'usage du masque devient de plus en plus rare, on a rapidement oublié la pandémie dans laquelle le monde était plongé il y a pourtant très peu de temps. On peut désormais dire à ce troisième anniversaire qu'on est au bout du tunnel depuis quelques mois. On ne pouvait encore pas dire cela en mars 2022, il y a un an. En France, la véritable de prise de conscience a eu lieu le lundi 16 mars 2020 avec l'allocution présidentielle : « Jamais la France n'avait dû prendre de telles décisions, évidemment exceptionnelles, évidemment temporaires, en temps de paix. Elles ont été prises avec ordre, préparation, sur la base de recommandations scientifiques avec un seul objectif : nous protéger face à la propagation du virus. ».
C'était il y a trois ans seulement, et on a maintenant l'impression que c'était une époque très lointaine, affreuse, véritablement affreuse. Reprenons le contexte : le dimanche 15 mars 2020, c'était aussi le premier tour des élections municipales.
La situation sanitaire est devenue véritablement catastrophique à partir du début de la semaine. Certes, dès février 2020, on aurait pu anticiper, d'ailleurs, sans promouvoir les EHPAD qui ont fait scandale (Orpéa), scandale très justifié sur lequel je reviendrai, dès le mois de février 2020, les EHPAD Orpéa avaient adopté des protocoles très stricts et l'interdiction des visites parce que le groupe était aussi présent en Chine et leurs informations étaient alarmantes.
Il faut reprendre la chronologie. Je me souviens bien car je menais campagne aux élections municipales. Le jeudi 12 mars 2020 au soir, Emmanuel Macron a fait sa première allocution pour annoncer la fermeture des écoles dès le lundi 16 mars 2020. Je distribuais des tracts électoraux à la sortie des écoles le vendredi 13 mars 2020 et je me sentais un peu comme un cheveux sur la soupe, quelqu'un de hors sol : les parents d'élèves avaient bien d'autres soucis que savoir pour qui voter. Ils devaient s'organiser, ils devaient rapporter les livres et documents de l'école. Les cartables étaient gros (portés par les parents). J'ai cependant réussi à discuter avec quelques parents et j'ai été étonné par l'exceptionnel réactivité des parents. En moins de 24 heures, tous avaient réussi plus ou moins à s'organiser pour garder les enfants : ils s'étaient mis d'accord avec leur employeur pour faire du télétravail une semaine sur deux, le conjoint l'autre semaine, etc. (on allait savoir que toute cette savante organisation allait éclater d'un coup quelques jours plus tard).
Mais avant même cette décision de fermer les écoles, Emmanuel Macron se posait la question qui tuait : fallait-il organiser, repousser, annuler le scrutin des municipales ? Poussé par le Président du Sénat Gérard Larcher qui voyait l'importance de renouveler les conseils municipaux, pour des raisons démocratiques, mais aussi pour des raisons constitutionnelles (en septembre 2020, le renouvellement de la moitié du Sénat ne pouvait se faire avec des municipalités non renouvelées et rien n'indiquait que la situation sanitaire en juin 2020 serait meilleure qu'en mars 2020), Emmanuel Macron a choisi en son âme et conscience de maintenir le scrutin (après avoir consulté le Président de l'Assemblée Nationale Richard Ferrand, le Président du Sénat Gérard Larcher, le Président du Conseil Constitutionnel Laurent Fabius, les anciens Présidents de la République Nicolas Sarkozy et François Hollande). Je pense (je me trompe peut-être mais pour avoir été très présent à ces élections et n'ayant jamais eu à ma connaissance de fait indiscutable) que cela a provoqué peu de contaminations parce que tout le monde, électeurs et assesseurs, a été très prudent.
Le protocole sanitaire était très strict, les électeurs devaient garder une distance de sécurité (avec indications au sol), montrer eux-mêmes leurs papiers d'identité sans être touchés par les assesseurs, avoir accès à des distributeurs de gel hydroalcoolique partout, à l'entrée, à la sortie, les électeurs étaient encouragés à apporter leur propre stylo pour parapher le liste d'émargement, sinon, un crayon de la mairie était utilisé, nettoyé au gel à chaque utilisation, etc. Au dépouillement, il y avait aussi ces contraintes. Je me souviens d'une amie qui avaient décidé de porter des gants, mais qui s'était touchée le visage, ce qui faisait qu'elle n'était pas plus protégée que les autres (ni ne protégeait mieux que les autres). Les gants sont plutôt des traîtres, en matière sanitaire (quand un boulanger vous rend la monnaie avec des gants, c'est bien, mais s'il a touché aussi la baguette qu'il vous vend, c'est comme s'il n'avait pas mis de gants pour vous). Quant aux masques, évidemment, il n'y en avait aucun, même les médecins avaient du mal à en trouver pour leurs malades (ceux qui en avaient vraiment besoin pour ne pas contaminer leurs proches).
Dès son allocution du 12 mars 2020, Emmanuel Macron se posait les bonnes questions pour l'avenir : « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. ».
Et pour le court terme, son urgence absolue était celle-ci : « L’urgence est de protéger nos compatriotes les plus vulnérables. L’urgence est de freiner l’épidémie afin de protéger nos hôpitaux, nos services d’urgence et de réanimation, nos soignants qui vont avoir à traiter (…) de plus en plus de patients atteints. Ce sont là nos priorités. C’est pour cela qu’il nous faut continuer de gagner du temps et suivre celles et ceux qui sont les plus fragiles. Protéger les plus vulnérables d’abord. C’est la priorité absolue. ».
Dès le 12 mars 2020 aussi, la doctrine du "quoi qu'il en coûte" a été esquissée : « Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte. Beaucoup des décisions que nous sommes en train de prendre, beaucoup des changements auxquels nous sommes en train de procéder, nous les garderons parce que nous apprenons aussi de cette crise, parce que nos soignants sont formidables d’innovation et de mobilisation, et ce que nous sommes en train de faire, nous en tirerons toutes les leçons et sortirons avec un système de santé encore plus fort. ».
Le samedi 14 mars 2020 au soir, le Premier Ministre Édouard Philippe a fait une déclaration pour fermer les restaurants et les bistrots, et plus généralement, tous les commerces "non essentiels". Ce week-end-là, le dernier de l'hiver, était particulièrement clément, ensoleillé et doux, et on voyait partout dans les villes de nombreux promeneurs, des attroupements, de la détente dans les centres-villes, et cela a fait peur au gouvernement car les recommandations de distanciation physique, de non-embrassades, de non-poignées de main étaient rarement suivies des faits.
Parallèlement, un institut de recherches britannique (l'Imperial College of London) avait prédit entre 300 000 et 500 000 morts du covid-19 en France si aucune contrainte sanitaire n'était mise en œuvre. On ne saura bien sûr jamais ce qui se serait passé sans les mesures de confinement (c'est comme le choix de la file aux caisses de supermarché), donc, on pourra dire ce qu'on veut (le confinement a sauvé de nombreuses vies humaines, ce que je crois mais c'est plutôt de l'ordre de la croyance même si une étude a tenté de le confirmer, 60 000 vies sauvées au premier confinement, ou au contraire, cela n'a servi à rien, l'épidémie aurait suivi son cours plus ou moins de la même manière), mais il faut avant tout se rappeler deux choses : la première chose, c'est que nous ne disposions pas de masques, ce qui était la première protection pour se protéger d'une infection contagieuse principalement des voies respiratoires, et la seconde chose, c'est qu'on ne savait rien ni de l'agressivité du virus, ni de sa puissance. Tout était possible, les pires cauchemars, à un moment où de nombreuses personnes commençaient à occuper les services de réanimation et même, hélas, y mouraient.
J'ai été assesseur durant la journée de dimanche et participé à la supervision du dépouillement d'un bureau de vote le dimanche soir. Pendant les opérations de vote, j'étais étonné par le calme, la sérénité, et aussi, par l'esprit de responsabilité des électeurs (sens du sérieux qu'on allait retrouver avec la vaccination). En ma présence, je n'ai connu aucun incident d'un électeur refusant d'appliquer l'une des mesures du protocole. Au moment du dépouillement, tout s'est bien passé jusqu'à un moment, l'équipe gagnante (nous !) avait apporté le champagne et on trinquait allègrement sans faire attention, embrassades, effusion... (pas très responsable mais la joie l'avait emporté sur le protocole).
En fait, non ! La joie d'avoir gagné a été vite éclipsée par les pires rumeurs que nous avions avec les téléphones portables des uns et des autres, des sources vaguement identifiées, vaguement officielles, la préfecture, ou le ministère de l'intérieur, ou encore une grande entreprise (un employeur), etc. Bref, diverses sources disaient la chose suivante : dès ce soir, peut-être demain matin, le Président de la République allait prendre la décision d'un confinement total. Il aurait mis en alerte maximale les forces armées, elles se déploieraient déjà cette nuit. J'avais raté la soirée électorale à la télévision puisque j'étais sur le terrain (nous n'avions pas de téléviseur dans le bureau de vote, à la mairie) et rentré chez moi, j'ai foncé sur ma boîte emails pour alerter mes proches de ce qui se préparait (en fait de résultats électoraux, les chaînes de télévision n'évoquaient que ces dites rumeurs !).
Pourtant, le lendemain, lundi 16 mars 2020, aucune information palpable, juste la continuation des rumeurs (et je suppose, quelques ulcères du côté du gouvernement). Ce n'est qu'à 20 heures, dans une allocution qu'on dira donc historique, que la Président Emmanuel Macron a annoncé la décision du confinement total de la population française, initialement prévu pour seulement quinze jours (mais tout le monde se doutait que cela durerait plus longtemps). Pour se déplacer, il faudrait ainsi signer une autorisation personnelle afin de limiter les déplacements seulement au strict nécessaire. C'est dans cette allocution que le Président de la République a parlé maladroitement de "guerre", il a répété six fois « Nous sommes en guerre ! » (en n'imaginant pas une seconde que deux ans plus tard, une guerre impitoyable serait déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine).
En imposant le confinement total de la population, Emmanuel Macron en a profité pour presque s'ingérer dans la vie personnelle de chacun, de manière très paternaliste : « Je vous le dis avec solennité ce soir, écoutons les soignants, qui nous disent : si vous voulez nous aider, il faut rester chez vous et limiter les contacts. C’est le plus important. Évidemment, ce soir, je pose des règles nouvelles, nous posons des interdits, il y aura des contrôles. Mais la meilleure règle, c’est celle qu’en tant que citoyen, vous vous appliquez à vous-mêmes. Une fois encore, j’en appelle à votre sens des responsabilités et de la solidarité. (…) En restant chez vous, occupez-vous des proches qui sont dans votre appartement, dans votre maison. Donnez des nouvelles, prenez des nouvelles. Lisez, retrouvez aussi ce sens de l’essentiel. Je pense que c’est important dans les moments que nous vivons. La culture, l’éducation, le sens des choses est important. (…) Croyez-moi, cet effort que je vous demande, je sais qu’il est inédit mais les circonstances nous y obligent. ».
Ce fut la sidération totale. La peur du vide. Le vertige du silence (dans le ciel, sur les grandes avenues, le vide des lieux touristiques, des Champs-Élysées, etc.). Avec deux injonctions particulièrement contradictoires pour les gens : il ne faut plus se déplacer ET il faut continuer à travailler pour préserver un minimum d'économie (et de survie).
Je me permets de reprendre mon article du 17 mars 2020 : « C’est une situation totalement inédite. Inédite dans la brutalité soudaine de ces mesures dont on polémiquera plus tard sur le calendrier : le gouvernement aurait-il dû prendre ces mesures il y a une ou deux semaines ? Peut-être, car d’un point de vue épidémiologique, nous avons pris du retard par rapport à la Chine, mais on voit bien aussi qu’il a fallu un temps de prise de conscience sociale et sans l’adhésion d’une grande majorité de la population, ces mesures seraient inefficaces. ».
A commencé ainsi une période particulièrement anxiogène pour la plupart, très étrange, inimaginable même dans les pires scénarios, avec une énorme chance quand même : la technologie a permis de continuer les liens sociaux, avec Internet, les smartphones, etc. Beaucoup ont pu faire du télétravail. L'humour, les dessins, les blagues ont pris aussi le relais dans un pays resté libre d'expression sinon de circulation. L'enseignement continuait à la maison, de manière très contrastée (des familles pouvaient ne pas avoir Internet, ou ne pas s'occuper de leurs enfants). Les enseignants ont fait preuve d'une exceptionnelle réactivité en poursuivant les cours par visioconférence, les parents ont compris quel était le travail harassant des enseignants (se coltinant leur progéniture en temps réel d'instruction), et il y a eu les fameux applaudissements de 20 heures pour le personnel soignant... parallèlement à ces conférences de presse quotidiennes du directeur général de la Santé (le professeur Jacques Salomon) qui énonçait désespérément le nombre de nouveaux cas et de décès du jour. Sur les plateaux de télévision, les médecins ont remplacé les politologues (les généraux allaient les remplacer deux ans plus tard).
Malgré quelques répits (été 2020, été 2021), la période pandémique a duré véritablement jusqu'en mai 2022 avec des contraintes sanitaires plus ou moins élevées. Plus de deux ans qui ont été épuisants dans la vie de chacun. Beaucoup de dépressions, beaucoup de remises en cause, de séparations, de démissions aussi. La France s'en est-elle bien tirée ? Avec plus de 165 000 décès, cela restera un traumatisme collectif pesant durablement dans la conscience nationale.
Mais on a limité des désastres bien plus grands encore. Grâce à l'audacieuse politique d'Emmanuel Macron, la France a été l'une des nations qui a été la mieux vaccinée contre le covid-19 et grâce à cette forte couverture vaccinale, l'immunité de groupe est désormais avérée depuis l'été 2022. Les deux dernières vagues depuis l'automne 2022 ont été de faible intensité car la plupart des personnes sont désormais protégées, soit parce qu'elles sont vaccinées (plus de 94% des Français d'au moins 12 ans), et dans ce cas, lorsqu'elles ont le covid-19, elles n'ont que les symptômes d'un gros rhume ou d'une grosse fièvre (pour la plupart des personnes contaminées), soit qu'elles ont déjà été au contact du virus (comme près des trois cinquièmes de la population).
Les comparaisons internationales plaident en faveur de la gestion du covid-19 par la France (même par rapport à l'Allemagne, au Royaume-Uni, à l'Italie, aux États-Unis).
En revanche, on n'a rien appris : les masques qu'on achète ne sont pas français, les médicaments sont encore rarement produits en France, les services de réanimation risquent toujours la saturation en cas d'autres épidémies (bronchiolite, grippe, etc.).
Et surtout, la classe politique n'a rien appris et est retombée dans une sorte de stériles divisions politiciennes qui ne sont pas propices à renforcer notre Nation. En somme, tout est redevenu "normal", cette "normalité" avec ses défauts mais aussi, ce qu'on a attendu pendant des mois, avec son insouciance et son mode de vie. C'est comme avec les attentats, l'inquiétude s'estompe avec le temps. Jusqu'à la prochaine catastrophe...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Covid-19 : il y a trois ans, le choc, la sidération et la désolation...
Covid-19 : de bonnes nouvelles de Chine (et de moins bonnes nouvelles).
Covid-19 : où en est l'épidémie en France au 12 janvier 2023 ?
Réintégration du personnel soignant non-vacciné.
Vaccination contre le covid-19 : l'égarement du gouvernement.
Covid-19 : le Père Noël va-t-il devoir surfer sur la 9e vague ?
Contagion.
La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...
Covid-19 : alerte au sous-variant BQ1.1 !
Covid-19 : faut-il s'inquiéter de la vague de la rentrée 2022 ?
Le covid-19 a-t-il disparu ?
Covid-19 : une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.
Covid-19 : 150 000 décès en France et l’omicron BA.5 en pleine hausse.
Attention, le covid-19 est de retour !
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Covid : fin des restrictions sanitaires et extrême vigilance.
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