Covid-19 … Les tests diagnostiques. Quelques notions essentielles avec exemples (fiabilité, sensibilité, spécificité, valeurs prédictives)
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Depuis le début de la crise sanitaire liée au virus SARS-CoV2, les médecins, les politiciens, les médias, ont largement parlé des tests de dépistage et des tests diagnostiques, alléguant à souhait que tester largement la population constituait une condition essentielle pour lutter contre la propagation de la maladie.
Alors, puisqu’un grand nombre de français auront été testés ou seront testés durant cette épidémie du coronavirus dont on ignore la durée, il est peut-être bon de s'approprier certaines notions pour comprendre la problématique des tests en règle générale, leurs caractéristiques techniques et comment on peut en interpréter les résultats.
Je propose simplement dans cet article de faire une synthèse des éléments auxquels il faut s'attacher et de voir comment cela se décline dans le cadre du Covid-19. Le lecteur pourra approfondir le sujet avec de nombreux articles et publications accessibles sur internet.
L'article développe les sujets suivants :
- Le test de dépistage massif
- Le test diagnostique
- La sensibilité d'un test (calcul et exemple)
- La spécificité d'un test (calcul et exemple)
- Les valeurs prédictives d'un test (calculs et exemples)
Terminologie
- Test virologique RT-PCR : test qui permet de détecter la présence ou non du génome du SARS-CoV2 et donc de savoir si la personne est porteuse ou non du virus.
- Test sérologique : test qui permet de détecter si le patient a développé une immunité par présence d’anticorps spécifiques au SARS-CoV2 et donc de savoir s'il a été en contact avec le virus et développé la maladie (avec ou sans symptômes)
- Prévalence : Nombre de cas déclarés d'une maladie rapporté à la population totale, à un moment donné.
- Test de référence : Meilleur test disponible pour valider l’existence d'un signe, d'une maladie. (en général plus coûteux, plus dangereux, plus difficile à mettre en œuvre qu'un test diagnostique ; scanner, IRM, test invasif)
Test de dépistage massif
Une opération de dépistage massif consiste à pratiquer un type de test sur une population déterminée, afin de détecter quelles sont les personnes porteuses d’une affection donnée et celles qui ne le sont pas (malades et non malades).
Toute action de dépistage massif est évaluée pour juger de sa pertinence, en apportant des réponses à de nombreuses questions :
- Quel est le meilleur moment pour pratiquer un dépistage massif.
- Quelle est la population ciblée
- Quels types de tests faut-il réaliser, en quelle quantité, à quelle périodicité
- Quelles sont les actions à mener pour chaque individu testé positif
- Etc.
COVID-19
Après la période de confinement strict, à partir du 11 mai 2020, l’État a décidé de tester toutes les personnes symptomatiques avec suspicion de Covid-19 en utilisant les tests biologiques RT-PCR, et de procéder en cas de positivité à un traçage des personnes dites « cas contacts ». Ces personnes pourront alors, sur la base du volontariat, subir un test pour déterminer si elles ont été contaminées, et si oui, être mises à l’écart, en quatorzaine, soit à domicile, soit dans des structures hôtelières adaptées.
Ce type de dépistage consiste à casser les chaînes de contamination, enrayer ou éviter une reprise de l’épidémie, et non pas à faire de la prévention comme on le fait avec certaines maladies curables.
Notes :
- Il y a de nombreuses inconnues au démarrage d’une telle opération, comme le nombre de tests qu’il faudra réaliser chaque jour, car plus on réalise de tests plus on détecte un nombre important de personnes contaminées et plus il faudra faire des tests sur les nombreux cas contacts, conduisant à une dynamique donc il est difficile d’évaluer la forme.
- Cette opération a démarré le 11/05/2020 au moment où l’épidémie régresse sensiblement. Elle aura donc pour intérêt davantage d’éviter un retour de l’épidémie, ce que l’on nomme la seconde vague ou le rebond, plutôt que de la casser à une période où son niveau serait majeur.
Test diagnostique
Un test diagnostique est un test pratiqué sur un patient en vue de confirmer ou d'exclure une maladie supposée. L'avantage d'un test diagnostique est qu’il n'est pas risqué, peu coûteux, accessible, réalisable assez facilement dans un laboratoire ou chez soi. Bien entendu, comme tout instrument de mesure, il présente un certain nombre d’inconvénients ; par exemple, il peut faire preuve d'une mauvaise fiabilité, avoir de mauvais critères de performance, fournissant un résultat non conforme à la situation clinique réelle du patient, ou une mauvaise valeur prédictive qui pourrait se rapprocher, si on caricature un peu, à un tirage pile ou face. Le test diagnostique est utilisé dans une démarche qui vise à réduire l’incertitude clinique d’un patient. Son caractère imparfait permet juste d’attester avec une certaine probabilité si le patient est porteur ou non de la maladie suspectée.
La réponse donnée par un test diagnostique est de plusieurs natures, par exemple :
- Réponse binaire : positif / négatif, présence / absence
- Réponse graduée : risque fort / moyen / faible, d'avoir une maladie
- Valeur continue d'un paramètre (ex : glycémie, cholestérol)
- Valeur discrète d'un paramètre (ex : 1 , 5 , 20)
- Etc..
Dans les définitions et les éléments explicatifs qui vont suivre, je m’inscris uniquement dans le cadre de la recherche d’une maladie (en l’occurrence le Covid-19) et non d'un signe (tel que quantité de fer supposée trop élevée dans le sang)
Les principales qualités d’un test, qui définissent la fiabilité de l’instrument de mesure (ou plus généralement de tout un protocole qui inclut un prélèvement) produisant un résultat sont :
- la sensibilité clinique : elle mesure la capacité d’un test à donner un résultat positif lorsque la maladie est présente (à ne pas provoquer de faux négatifs), ou autrement dit la capacité à identifier les sujets atteints de la maladie recherchée (ou un signe),
- la spécificité clinique : elle mesure la capacité d’un test à donner un résultat négatif lorsque la maladie est absente (à ne pas provoquer de faux positifs), ou autrement dit la capacité à identifier les sujets sains, exempts de la maladie recherchée (ou un signe).
- la validité clinique : aptitude d'un test à prédire avec fiabilité si le patient est malade ou non malade. Elle s'apprécie en combinant la sensibilité, la spécificité, et les valeurs prédictives.
Les paramètres de spécificité et de sensibilité sont interdépendants et se mesurent en probabilité (0 à 1, ou 0% à 100%). Il est souvent très difficile d’avoir conjointement une très bonne sensibilité et une très bonne spécificité, car sur certaines catégories de tests dits quantitatifs (avec des seuils), l’augmentation du niveau d’un paramètre, entraîne la dégradation du niveau de l’autre.
On peut noter d’autres paramètres caractéristiques d'un test : précision, justesse, exactitude, reproductibilité.
Un test diagnostique est expertisé sur une population test suffisamment importante, dont on connaît les malades et les non malades (à l'aide de tests de référence), aboutissant à quatre catégories de réponses, qui permettent alors d’évaluer ses principaux paramètres de fiabilité.
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Malades |
Non malades |
Test positif |
VP |
FP |
Test négatif |
FN |
VN |
Sur une population de taille X, où chaque personne est testée :
- VP (vrais positifs) : nombre de personnes malades avec un résultat de test positif.
- FN (faux négatifs) : nombre de personnes malades avec un résultat de test négatif,
- FP (faux positifs) : nombre de personnes non malades avec un résultat de test positif.
- VN (vrais négatifs) : nombre de personnes non malades avec un résultat de test négatif.
Exemple d'échantillon (186 malades et 827 non malades)
|
Malades |
Non malades |
Test positif |
145 |
820 |
Test négatif |
41 |
7 |
Calcul de la sensibilité
La sensibilité d’un test se définit par la probabilité que le test soit positif si la maladie est présente chez un patient. Elle est déterminée sur une population de patients dont on sait qu'ils sont porteurs de la maladie grâce à un test de référence. Elle est donnée par la formule : VP/(VP+FN), c’est-à-dire le ratio entre le nombre de malades identifiés comme positifs et le nombre de malades testés.
Dans l’exemple, la sensibilité serait égale à 145/(145+41) soit 78%
Ce paramètres pris tout seul n’a aucun sens pour évaluer la fiabilité d’un test. Il doit être associé avec la spécificité
COVID-19
En ce qui concerne les tests RT-PCR appliqués à la détection du SARS-CoV2, ils présentent un niveau de sensibilité assez faible de l’ordre de 60 à 80 %, variables selon les conditions de prélèvement (charge virale, seuil de détection, etc.), d'après les indications de certains services hospitaliers et de premières études (cf. Site revmed.ch). Il faut encore rester prudent sur le niveau de sensibilité du test.
Prenons un niveau de sensibilité moyen de 70% sur lequel s’accordent à ce jour beaucoup de praticiens. Cela signifie que si vous êtes porteur de la maladie et que l’on pratique ce type de test, il y a 70 % de chances qu’il se révèle positif et donc 30% de chances qu’il soit faussement négatif (faux négatif). Il y a alors une probabilité non négligeable pour que le test indique que vous n’êtes pas atteint du coronavirus alors que vous êtes réellement infecté.
Par contre, comme on le verra dans le paragraphe consacré à la spécificité, si le test est positif il est quasiment certain que vous soyez atteint du coronavirus.
Calcul de la spécificité
La spécificité d'un test se définit par la probabilité d'obtenir un test négatif chez les non malades. Elle est déterminée sur une population de patients dont on sait qu'ils n'ont pas la maladie grâce à un test de référence. Elle est donnée par la formule VN/(VN+FP) c’est-à-dire le ratio entre le nombre de personnes testées négatives chez les non malades et le nombre total de non malades.
Dans l’exemple la spécificité serait égale à 820/(820+7) soit 99,1%
Ce paramètre pris tout seul n’a aucun sens pour évaluer la fiabilité d’un test. Il doit être associé avec la sensibilité
COVID-19
La spécificité des tests destinés à la recherche de la maladie Covid-19 correspond à la probabilité d’avoir un test négatif chez les non malades, c’est-à-dire ne pas déclarer la présence de virus SARS-CoV2 dans des prélèvements de personnes exemptes de la maladie. Les tests de type RT-PCR appliqués à la recherche du SARS-CoV2 ont une très bonne spécificité, proche de 99-100% (cf. site revmed.ch), signifiant que si le test est positif, la personne est quasiment sûre d'être porteuse du virus. Il y a très peu de faux positifs, donc une probabilité très faible de déclarer qu’un patient est malade du Covid-19 alors qu’il ne l’est pas. Mais comment un test pourrait-il être positif si la personne n'est pas malade, et donc n'est pas porteuse du virus ? Il peut s’agir tout simplement d’erreurs de manipulation en laboratoire !
Valeurs prédictives positive et négative
Nous avons vu qu’un test diagnostique ne permet pas, en règle générale, d’affirmer avec certitude la présence ou l’absence d’une maladie, du fait que la sensibilité et la spécificité sont rarement toutes les deux égales à 100%. Il faut cependant essayer de répondre à 2 questions essentielles face à un résultat.
- Quelle est la probabilité que le patient soit atteint de la maladie recherchée s’il est constaté que le résultat du test est positif ?
- Quelle est la probabilité que le patient n’ait pas la maladie recherchée s'il est constaté que le résultat du test est négatif ?
La réponse à ces questions va se faire à travers deux paramètres :
La valeur prédictive positive (VPP) : c’est la probabilité que la maladie soit présente lorsque le test est positif. Formule : VPP=VP/(VP+FP)
La valeur prédictive négative (VPN) : c'est la probabilité que la maladie ne soit pas présente (être sain) lorsque le test est négatif. Formule : VPN=VN/(VN+FN)
Contrairement aux paramètres de sensibilité et de spécificité qui sont des invariants par rapport à la prévalence de la maladie, c’est-à-dire du nombre de personnes porteuses d'une maladie dans une population donnée, les valeurs prédictives dépendent, elles, de la prévalence de la maladie.
Pour information, d’un point de vue strictement théorique, il faudrait employer dans les calculs qui suivent, le théorème de Bayes qui utilise les probabilités conditionnelles. Mais pour des questions de simplification, j’utiliserai dans les exemples qui suivent les formules simplifiées vues plus haut, sur des cas théoriques, qui aboutissent exactement au même résultat.
Exemple : Cas du COVID-19
On l'a vu, la sensibilité du test RT-PCR qui permet de détecter la maladie du Covid-19 est de l’ordre de 70% et la spécificité proche de 99%.
Prenons une population testée de 1000 personnes (pour réaliser les calculs, je pourrais prendre 10000) avec une hypothèse de prévalence de 20 % au sein de cette population issue des cabinets médicaux (population sélectionnée par les médecins qui ont déjà effectué ce qu'on appelle un prétest clinique).
Note : On imagine bien que ce n’est pas la même chose de prendre 1000 personnes au hasard dans la population globale où il y aurait une prévalence très faible (très certainement moins de 1 pour mille) pour la coronavirus, que de sélectionner des patients de cabinets médicaux où on observe de nombreuses suspicions de maladies de Covjd-19.
Cela donne en théorie 200 malades et 800 non malades. Les résultats théoriques sont les suivants :
140 vrais positifs (200*70%)
60 faux négatifs (200*30%)
792 vrais négatifs (800*99%)
8 faux positifs (800*1%)
La valeur prédictive positive est égale à : 140/(140+8) soit 94,6%. Cela signifie qu’un patient ayant réalisé un test produisant un résultat positif, a 94,6% de probabilité d’avoir réellement la maladie dans cette population. C’est un taux relativement élevé ; quand le test est positif on est pratiquement certain que le patient est atteint du Covid-19, surtout si cela confirme le diagnostic clinique préalable fait par le médecin.
La valeur prédictive négative est égale à : 792/(792+60) soit 92,9%. Cela signifie qu’un patient ayant réalisé un test produisant un résultat négatif, a 92,9% de probabilité de ne pas être malade. Ce qui représente une très bonne valeur prédictive négative. Cependant, le médecin doit être méfiant par rapport à un résultat négatif s’il a détecté des symptômes faisant penser à un Covid-19.
Voyons l’influence de la prévalence :
Prenons à présent une prévalence de 50% dans une population à risque qu’on désire tester (50% des personnes sont malades et 50% sont non malades en théorie)). Nous avons 350 vrais positifs (500*70%) et 5 faux positifs (500*1%), soit une VPP égale à 98,6% (350/(350+5)), supérieure au cas précédent.
Dernier exemple avec une prévalence de 0,1% sur la population globale. Prenons cette fois-ci 100000 personnes pour effectuer les calculs (100 malades et 99900 non malades, toujours avec un test ayant une sensibilité de 70% et une spécificité de 99%). Nous avons 70 vrais positifs (100*70%) et 999 faux positifs (99900*1%), soit une VPP égale à 6,5% (70/(70+999)). On voit dans ce cas que la valeur prédictive positive est très faible. Les paramètres de sensibilité et de spécificité du test ne sont pas suffisamment élevés pour offrir une fiabilité convenable. Il ne servirait à rien aujourd'hui de tester l'ensemble de la population avec une aussi faible valeur prédictive positive si on suppose qu’il y a moins d’une personne sur 1000 infectée. C'est très probablement pour cette raison que l'on teste uniquement les personnes symptomatiques issues d’une population où la prévalence est suffisamment élevée (20 à 30% minimum grâce aux prétests) comment on l'a vu sur le premier cas.
Ce dernier exemple pourrait s’appliquer aux maladies rares, où nous aurions le même constat, à savoir une valeur prédictive positive très faible, ce qui rend les tests totalement inopérants, à moins de disposer de tests ayant une excellente sensibilité et une excellente spécificité très proches de 100%.
Par conséquent, on voit que lorsque la prévalence s’élève, meilleure est la valeur prédictive positive, et inversement moins bonne est la valeur prédictive négative.
Conclusion
On voit que la problématique des tests diagnostique est plus compliquée qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Et je n’ai développé que des généralités ! Un test pour être fiable doit offrir les meilleures sensibilité et spécificité possibles, sachant que pour certains types de tests l’amélioration de l'un entraîne l’affaiblissement de l’autre (tests quantitatifs). Aujourd’hui, dans le cadre de l'épidémie du Covid-19, le corps médical et les politiciens comptent beaucoup sur les tests RT-PCR pour casser les chaînes de contamination, mais il faut rester conscient que cela ne représente pas une panacée, du fait d’une assez médiocre fiabilité des tests, du doute sur notre capacité à tester un grand nombre de personnes, de la difficulté d’identifier les cas contacts à travers des enquêtes difficiles, et des éventuels blocages liés au secret médical.
À suivre …
Alain Desert
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