Covid-19 : Non, le comportement des gens n’y est pas pour grand-chose de la situation actuelle !
« C’est un coup de massue car même dans les prévisions les plus préoccupantes, on n’en était pas là. On va faire face à des semaines très difficiles. On est en situation de guerre. » (Pr. Gilles Pialoux, le 27 octobre 2020).
Le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon à Paris, a-t-il réussi, parmi d’autres éminents médecins, à convaincre le Président de la République que la situation de la pandémie de covid-19 passerait nécessairement par un reconfinement national en France ? C’est en tout cas ce qui se dessinerait actuellement : un confinement généralisé pendant au moins quatre semaines, voire six. Emmanuel Macron devrait prononcer une allocution télévisée ce mercredi 28 octobre 2020 à 20 heures pour l’annoncer. Rien que dans la forme, la gravité a conquis tous les esprits depuis ce week-end et ce nombre ahurissant de plus de 52 000 nouvelles contaminations en une seule journée.
Invité de BFM-TV le 27 octobre 2020, Gilles Pialoux a estimé qu’il fallait prioriser les urgences : « Il faut reconfiner le pays et laisser de côté l’économie car ça, c’est rattrapable. En revanche, la réanimation loupée, ça ne l’est pas. ». En d’autres termes, sauver des vies. Ce n’est pas un vain objectif, je sais ce que cela veut dire, j’ai perdu un ami très cher au début de la première vague. Reconfiner, un mot terrible que le gouvernement voulait totalement exclure de son vocabulaire depuis le début du déconfinement le 11 mai 2020. Et pourtant, comment faire autrement ?
Le choix n’est pas entre l’économie et la santé, entre la population active et les retraités (considérés comme "à risques"). Le choix est national. Si une grande proportion d’actifs devenait malade du covid-19, ils ne travailleraient plus et l’économie serait paralysée tout autant. Certes, en confinant, on réduit les capacités financières de la Sécurité sociale, et en plus, on réduit les chances des personnes ayant d’autres pathologies de se faire soigner (le bilan, pas encore dressé, du premier confinement, devra bien être établi un jour). Mais la logique exponentielle ne laisse plus aucun choix au gouvernement. En tout cas, à un gouvernement soucieux de la vie de ses compatriotes.
Peuple paradoxal qui s’apprête à juger, pour de vrai, il y a déjà eu des perquisitions !, des ministres et un ancien Premier Ministre, pour avoir prétendument sous-évalué la gravité de la première vague du coronavirus SARS-CoV-2 au début du printemps et qui, en même temps, dénonce au début de l’été des mesures considérées comme trop restrictives des libertés publiques en croyant que le gouvernement surestimait la gravité de la situation sanitaire. Franchement, qui veut être à la place du ministre de la santé depuis février ?!
Depuis mai, le gouvernement ne voulait plus entendre parler ni de mesures sanitaires, ni de coronavirus, ni d’épidémie, ni de confinement et misait à fond sur le plan de relance historique de 100 milliards d’euros, la dernière "séquence" du quinquennat actuel.
Depuis quelques jours, la réalité revient affreusement au galop et les statistiques sont effrayantes. Oui, les effets exponentiels sont toujours traîtres, la raideur de la pente est toujours précédée d’un faux plat. Ce 27 octobre 2020, 523 décès dus au covid-19 ont été déclarés pour cette seule journée en France, dont 288 à l’hôpital, les seuls à vraiment prendre en compte pour analyser l’effet statistique (en effet, les déclarations des décès en EHPAD sont parcellaires et rarement quotidiens, il faut les prendre en compte avec le recul du temps, mais pas dans l’analyse immédiate des statistiques). Le rythme des décès monte vertigineusement : de 200 par jour la semaine dernière, il passe à 300 par jour. Pour les entrées en réanimation, c’est hélas le même phénomène : 431 entrées en réanimation pour la seule journée du 27 octobre 2020 ; avant le week-end, le rythme était de seulement 300 par jour.
Quand Jean Castex a prévenu, lucidement, le 22 octobre 2020 que le mois de novembre allait être "éprouvant", hélas, il ne savait pas encore qu’on allait passer de 10 000 à 30 000 voire 40 000 nouveaux cas de contamination par jour. 33 417 pour la journée du 27 octobre 2020. Rappelons-nous toujours la cinétique : X cas de contaminations au jour J, cela signifie 10 à 20% de X à l’hôpital au jour J+8 voire J+15, dont certains en réanimation (séjour d’au moins deux semaines, certains, environ 18%, n’en sortiront jamais, mais nous sommes déjà à J+30). Cela veut dire que les décès d’aujourd’hui, c’étaient les malades détectés d’il y a environ un mois, fin septembre, beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui… Le rythme est passé à 3 000 nouvelles hospitalisations chaque jour (2 988 exactement ce 27 octobre 2020).
Un autre indice effrayant, c’est le taux de positivité. Certains ont voulu se rassurer en se disant qu’il y avait plus de personnes détectées positives parce qu’on faisait beaucoup plus de tests, et ce n’était pas faux, évidemment. Mais la logique voulait que plus on fasse de tests, plus le taux de positivité (nombre de tests positifs sur nombre total de tests) diminue. Or, depuis deux mois, c’est l’inverse qui s’est produit : le 26 octobre 2020, ce taux de positivité a atteint 18,7% ! Il augmente presque d’un point chaque jour !
Pas la peine de faire un dessin, ce qu’on appelle la "seconde vague" va être terrible, effrayante. Protégeons-nous ! Inutile de parler des Didier Raoult et autres gogos du tout à l’ego pourtant médecins qui ont nié (au mépris de la science) la persistance de l’épidémie voire l’existence de la seconde vague : l’actualité, hélas, leur donne tristement tort (soyons assurés que tout le monde le regrette) mais tout le monde s’en moque d’eux, car tout le monde est focalisé sur la catastrophe.
Elle ne concerne pas seulement les plus âgés : la moitié des patients qui entrent en réanimation a moins de 62 ans. Il faut que cela se sache ! Le coronavirus concerne tout le monde, frappe tout le monde, et s’il tue rarement les plus jeunes, il peut leur laisser des séquelles graves et durables, dont il est difficile de connaître l’issue puisqu’on ne connaît le virus que depuis janvier 2020, et dans tous les cas, il peut tuer leurs proches, leurs parents, grands-parents. Tout à l’heure, je lisais une petite annonce d’une association qui recueille les chats abandonnés et qui les propose à l’adoption : elle concernait une chatte de cinq ans… à adopter parce que ses deux propriétaires sont morts du covid-19. Les deux. Protégeons-nous !
Oui, le gouvernement était raisonnable en voulant une riposte graduée : dès le 20 juillet 2020, obligation du port du masque dans les endroits confinés. Mais pourquoi ne pas l’avoir imposé dès la sortie du confinement, en mai ? En fin août, ce fut l’obligation du port du masque même à l’extérieur dans certaines villes. Et les nouvelles mesures n’ont cessé de se durcir durant le mois de septembre, fermeture des bars, puis couvre-feu il y a deux semaines. Mais chaque fois, c’est le risque de la riposte graduée, on arrive avec un coup de retard.
Depuis quelques jours, les esprits évoluent très rapidement, et la prise de conscience devient heureusement généralisée. Il ne s’agit pas d’avoir peur, il s‘agit de se prémunir. En mettant ma ceinture de sécurité quand je conduis, je n’ai pas peur de mourir sur la route, je sais simplement que c’est stupide de ne pas le faire et de risquer inutilement ma vie en cas d’accident, qui peut arriver à tout le monde. Je sais que je mourrais, mais pourquoi mourir d’une cause que je pourrais éviter ? C’est exactement la même chose pour une pandémie, mais mon masque n’est pas ma ceinture de sécurité. En quelque sorte, porter un masque, c’est mettre la ceinture de sécurité à mon passager, pas à moi-même. Atteinte aux libertés que devoir porter un masque ? Dans quelques heures, on le regrettera, ce temps où l’on ne devait "que" porter le masque.
Dans cette prise de conscience, les médias ont leur part, bien sûr, et certains éditorialistes ont la fâcheuse tendance à collectiviser leurs propres errements depuis plusieurs mois. J’en prends pour preuve deux éditorialistes, Guillaume Roquette, souvent pertinent dans son domaine de confort (l’économie) mais particulièrement inconsistant sur la crise sanitaire (peut-être trop ébloui par le bagou du professeur Raoult ?).
Toujours est-il que son évolution très récente est heureuse et, au contraire des Raoult et consort, il a l’humilité de dire qu’il s’était trompé, il était resté aveugle aux signaux faibles. Guillaume Roquette, en effet, depuis les premières alertes du corps médical qui datent d’avant le 14 juillet 2020, trouvait que le gouvernement en faisait déjà trop (les masques, les tests, les mesures contre les bars, les restaurateurs, etc.). Et surtout, il avait trouvé en la personne du professeur Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique mis en place par le Président de la République, chargé d’éclairer le gouvernement, l’un de ceux qui alarmaient inutilement les pouvoirs publics au détriment de l’économie.
Or, en écoutant Jean-François Delfraissy sur RTL le 26 octobre 2020 dire qu’il avait mis en garde contre l’arrivée de la seconde vague, mais il n’avait jamais imaginé à quel point cela allait être aussi grave, du reste ce qu’a dit aussi le professeur Gilles Pialoux le lendemain sur BFM-TV, Guillaume Roquette s’est rendu compte que tout le monde était hors-sol, et pour minimiser ses propres errements, en a conclu que tout le monde s’était trompé. Sauf que ceux qui avaient lancé l’alerte depuis deux mois s’étaient quand même un peu moins trompés que les autres. Hélas, aujourd’hui, on le sait, mais pourtant, c’est la seconde fois que cela arrive : les expériences du passé ne servent-elles donc jamais à rien ?
Avec encore moins de finesse que Guillaume Roquette, l’éditorialiste socialiste Françoise Degois, ex-conseillère de Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007, elle, dénonce depuis une semaine le comportement de tout le monde, les relâchements de l’été pour reconnaître qu’elle s’était un peu "relâchée" elle-même cet été. Mais pourquoi ne parle-t-elle pas que pour elle au lieu d’y impliquer les autres ? Beaucoup de personnes "vulnérables", au contraire, ne se sont jamais relâchées depuis la fin du confinement, et c’était difficile pour elles, elles ont été très prudentes, au point de ne pas voir leurs enfants, ou très peu souvent et dans des conditions loin d’être idéales (masques, distance, etc.).
C’est un discours qu’on entend pas mal en ce moment. Oui, les "gens" se sont relâchés, cet été, ont cru que l’épidémie était finie, et à cause d’eux, car il y a un lien de causalité qui est un lien de responsabilité, dans l’idée, la seconde vague arrive, et grandement.
Eh bien, je trouve que c’est doublement injuste.
D’une part, j’ai trouvé, en France du moins, que les "gens" ont, au contraire, été très raisonnables. D’abord lors du confinement du printemps qui a été très largement respecté. Ensuite lors du déconfinement et à chaque nouvelle mesure sanitaire, les Français les ont généralement appliquées, même si parfois, ils ont râlé, ils sont restés dans les faits raisonnables (après tout, qu’importe de dire non et de faire oui, c’est le résultat qui compte). Je trouve d’ailleurs que les pouvoirs publics n’insistent pas assez sur la bienveillance et l’esprit collectif des Français, peut-être parce que cela étonne tellement qu’on ne le voit pas, trop habitué aux préjugés qui n’ont pus cours.
D’autre part, si effectivement il y a eu une minorité d’insouciants, de gens plutôt jeunes qui faisaient la fête l’été, cela n’explique pas d’une part, pourquoi il n’y a eu aucune recrudescence en été ni, d’autre part, pourquoi la seconde vague arrive aussi violemment à la figure en octobre.
Je reste avec mon analogie qui mêle de la même manière liberté individuelle et sécurité collective, le code de la route. Les automobilistes respectent dans leur grande majorité les limitations de vitesse, la preuve, c’est qu’une très grande proportion a gardé tous les points du permis de conduire (ce qui ne les empêche pas de râler contre certaines de ces limitations, évidemment), et il y a toujours un petit pourcentage de fous du volant, de chauffards qui, quoi qu’on fasse, ne respecteront pas le code de la route, mais malgré leur existence, cela n’a pas empêché de réduire de 17 000 à 3 000 le nombre de morts sur les routes chaque année. Ces "chauffards" de la route, ce sont les fêtards du coronavirus : leur existence reste très minoritaire.
En fait, et c’est ce que vient de découvrir Guillaume Roquette qui semble n’avoir jamais eu jusqu’ici l’esprit scientifique, les personnes ont eu une très faible responsabilité dans la situation désastreuse actuelle de la pandémie. En effet, on le voit dans la courbe d’incidence au niveau national, on le voit encore mieux dans celle de la ville de Paris qui fut, avec Marseille, l’une des premières villes les plus préoccupantes et les plus précoces dans les restrictions sanitaires.
On voit en effet au milieu du mois de septembre une première inflexion de la courbe, ce qui signifie que les mesures gouvernementales ont eu un effet positif. En revanche, à partir de fin septembre (29) et début octobre (5), la courbe monte en flèche, toutes les courbes, de toutes les régions, de tous les pays d’Europe (et la République tchèque, qui s’était maintenue très honorablement au printemps, est pire qu’en France).
Une telle explosion n’est pas le fait des "gens" : il n’y a pas eu plus de fêtards depuis quatre semaines, mais l’explication la plus vraisemblable serait le temps qu’il a fait, une baisse brutale de la température, et ce coup de froid aurait accéléré de manière drastique la circulation du virus (c’est du reste ce que l’on observe avec les virus de la grippe). C’est bête à dire, mais les conditions météorologiques ont eu certainement un impact majeur sur la situation d’aujourd’hui. C’est la Nature qui s’en mêle. Il faut être un peu plus humble avec l’humain : le peuple a eu peu de responsabilité dans l’explosion délirante des dernières semaines. Cela n’enlève pas, évidemment, la responsabilité individuelle : seuls les gestes barrières peuvent casser la transmission, puisque le virus a besoin des humains pour se propager. Pas d’humains, pas d’épidémie.
Cette explication fait aussi comprendre, dans l’autre sens, pourquoi, en été, alors qu’il y a eu beaucoup de relâchement, aucune explosion des contaminations n’avait été observée en fin juin et en juillet, alors qu’on pouvait se dire que les gens ne faisaient pas beaucoup attention car ils ne se préoccupaient plus du virus. Lorsque la température est plus élevée, apparemment, le virus se propagerait plus difficilement, réflexion pas tout à fait cohérente, néanmoins, avec ce qu’il s’est passé aux États-Unis (et en Russie, Inde, Iran, Turquie).
Si impact du peuple il doit y avoir, c’est celui du taux de reproduction du virus (nombre de personnes que contamine une personne contaminée : pour maîtriser une épidémie, il faut que ce taux soit inférieur à 1) : il est d’environ 1,35 aujourd’hui alors qu’il était supérieur à 3 voire 6 au printemps. À l’évidence, c’est le signe que les gestes barrières sont mieux respectés aujourd’hui qu’au printemps : masque, distanciation physique, etc.
On voit bien, avec ce rythme de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas chaque jour, que cela dépasse très largement la responsabilité des individus mais aussi du gouvernement (quelles que soient les mesures prises dans les différents pays, l’explosion est la même en Europe).
C’est pour cela que seule, une réponse de type reconfinement généralisé peut mettre un arrêt brutal à l’explosion de l’épidémie d’aujourd’hui. Renoncer à faire ce choix très difficile, c’est devoir le faire dans deux semaines ou quatre semaines, avec un bilan humain bien plus désastreux et une durée de confinement bien plus longue. Rappelez-vous qu’il y a quelques mois, la Chine avait reconfiné toute la ville de Pékin (la capitale !) à cause de la contamination de quelques centaines de nouvelles personnes. Plus tôt on prendra les mesures "difficiles", plus court on les maintiendra, et moins l’économie en pâtira. C’est tout l’enjeu de ce mercredi soir.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 28 octobre 2020 (texte intégral et vidéo à venir).
Covid-19 : Non, le comportement des gens n’y est pas pour grand-chose de la situation actuelle !
Covid-19 : faut-il reconfiner dès maintenant ?
Documentaire de LCP sur la grippe de Hong Kong en 1968-1969 ("Le Mag" du 26 juin 2020).
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 22 octobre 2020 sur les nouvelles mesures sanitaires contre le covid-19 (texte intégral et vidéo).
Nouvelle attestation de déplacement pour le couvre-feu à partir du 17 octobre 2020 (à télécharger).
Covid-19 : couvre-feu, liberté et réanimation.
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 15 octobre 2020 sur l’application du couvre-feu (texte intégral et vidéo).
Interview du Président Emmanuel Macron le 14 octobre 2020 sur TF1 et France 2 (vidéo).
Emmanuel Macron et l’électrochoc du confinement nocturne.
10 ans après la loi anti-burqa, la loi masque-obligatoire.
Les supposés "bons" résultats de l’IHU Méditerranée du professeur Didier Raoult…
Covid-19 : Donald Trump, marathonman.
Le casse-tête sanitaire de Jean Castex.
Olivier Véran.
Le cap de 1 million de décès franchi.
Conférence de presse du Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran le 23 septembre 2020 à Paris (vidéo).
Finie, l’épidémie de covid-19 : vraiment ??
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
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