Covid-19 : Passeport pour la Tortore
A l’heure où la plus grande crainte de la population mondiale concernait une possible pénurie de papier-toilette, chose qui reste toujours un mystère pour moi, je dois avouer que ma plus grande crainte à titre personnel a été que l’on assiste à une pénurie de pop-corn.
Il est en effet faux de dire que le monde du spectacle a été absent durant la crise, tant les représentations d’humoristes se sont enchainées sur les plateaux télé et à l’Assemblée Nationale. Contrairement aux apparences, je pense que l’année 2020 va s’avérer être un très grand cru dans le domaine de la création artistique.
Il n’est bien sûr pas nécessaire de revenir sur Sibeth N’Diaye, version féminine de François Pignon, qui sans nul doute a reçu des invitations à dîner pour tous les mercredi soir jusqu’en 2035. Sibeth est clairement hors concours.
Il n’est pas non plus utile de revenir sur le sketch d’Oliver Véran dans lequel il envoyait tous les médecins généralistes aider les professeurs à ramasser les fraises, afin d’être bien certain que les services de réanimation seraient tous seuls pour lutter contre la maladie. Ces deux humoristes ont trusté les premières places au box-office et seront difficiles à détrôner.
Mais en cette période difficile pour le monde du spectacle, je pense important de donner un coup de pouce à une nouvelle scénariste qui commence à percer, et qui va sans nul doute agiter le milieu de la Croisette. Je veux bien sûr parler de Valérie Six, député UDI, avec son dernier film sur le passeport vaccinal.
En exclusivité pour AgoraVox, et après des péripéties qui feraient pâlir Jason Bourne, j'ai obtenu au péril de ma vie le scénario de son dernier film que je vous livre brut, sans aucune censure. Steven Spielberg et Peter Jackson peuvent aller se rhabiller.
PASSEPORT POUR LA TORTORE
Un film d’Olivier Véran
Scénario :
Valérie Six
Produit par :
Jean Castex et Emmanuel Macron
tortore \tɔʁ.tɔʁ\ féminin
- (Argot) Nourriture, bouffe
- EXTERIEUR JOUR – UN PORT DE PLAISANCE
Le port d’une petite cité balnéaire, un matin du mois de Juin. Une légère brise agite les drapeaux sur les mâts des voiliers. On distingue sur les quais l’agitation des pêcheurs qui viennent de rentrer et qui déchargent la pêche du jour en échangeant des plaisanteries. En arrière-plan, on voit le facteur qui sort du restaurant Chez Paulot, toujours fermé aux clients à cause du confinement, et qui enfourche sa bicyclette pour continuer sa tournée.
- INTERIEUR JOUR – SALLE DU RESTAURANT
La salle principale du restaurant Chez Paulot. Les chaises renversées sur les tables témoignent de la longue période de confinement qui vient d’être vécue. Derrière le comptoir, Paulot examine la pile de lettres et de factures que le facteur vient de déposer, avec un visage soucieux.
- INTERIEUR JOUR – CUISINE DU RESTAURANT
La lumière allumée montre une cuisine rutilante autour d’un îlot central sur lequel les ustensiles semblent attendre qu’ils soient utilisés de nouveau. Près du grand réfrigérateur, on distingue un tablier avec l’inscription « Le chef, c’est moi », oublié là depuis des mois. La porte du réfrigérateur est ouverte et on voit Dédé, le chef cuisinier, s’affairer pour établir la liste des marchandises qu’il faudra commander lors de la réouverture. Paulot fait alors irruption avec une grande excitation dans la pièce, avec une lettre à la main.
PAULOT
Ça y est Dédé, on a reçu un courrier. On va pouvoir ouvrir.
DEDE
Encore ? Ça fait 50 fois qu’ils nous disent qu’on va pouvoir ouvrir. Est-ce qu'ils disent quand on devra refermer ?
PAULOT
Non mais là c’est du sérieux. C’est un courrier du Préfet, avec l’entête et la signature officielle. Tout le bazar quoi…
DEDE
Et c’est quoi maintenant la condition pour ouvrir ? Il faut que je cuisine à cloche-pied ? Je dois cuisiner sans les mains ?
PAULOT
Non, non. Rien d’aussi compliqué. Il faut juste que les clients nous présentent un passeport avant d’entrer, sinon on doit les refuser.
DEDE
Complètement fadas au gouvernement… Ils ont inventé les généralistes qui peuvent ouvrir mais n’ont pas le droit de soigner, les stations de ski qui peuvent ouvrir mais qui doivent interdire de skier, et maintenant ils créent les restaurants qui peuvent ouvrir mais n’ont pas le droit de laisser entrer les clients. Et pour les toilettes du restaurant, ils ont prévu quelque chose ?
PAULOT
Ce qui m'ennuie le plus, c'est qu’avec toi en cuisine et moi au service, on n’aura pas le temps de contrôler les papiers des clients. On ne va quand même pas recruter un vigile ? On a plus un rond avec tous ces mois de confinement.
DEDE
Je vais ramener le fusil du grand-père, ça coûtera moins cher. On utilisera que du petit plomb et on pourra faire reculer les clients les plus affamés.
PAULOT
(Il se gratte la tête)
En attendant, ce n’est pas en refusant des clients qu’on va sortir la tête de l’eau. Je ne vois pas comment on peut rouvrir dans ces conditions mais bon, on a plus vraiment le choix si on veut sauver ce qui peut encore l'être.
- INTERIEUR JOUR – SALLE DU RESTAURANT
Le jour de l’ouverture est arrivé. La salle du restaurant est éclairée par la lumière du soleil qui traverse la baie vitrée. On voit Paulot qui s’affaire aux derniers préparatifs du service de midi, finissant de placer les couverts sur les tables. On entend le sifflement du percolateur qui clignote derrière le comptoir. Au-dessus de la caisse, on peut voir un grand panneau qui indique : ‘Pas de passeport. Pas de tortore’. Par le hublot de la porte battante qui donne accès aux cuisines, on voit l’ombre de Dédé qui s’agite pour préparer le service.
- EXTERIEUR JOUR – DEVANT LE RESTAURANT
De grandes jardinières fleuries entourent les tables de la terrasse. Paulot est en train d’écrire le menu du jour sur une grande ardoise. Se présente une famille de touristes allemands. Le père tend un document écrit en allemand à Paulot tout en montrant sa famille.
LE TOURISTE ALLEMAND
Ausweis ! Essen !
PAULOT
A vos souhaits !
LE TOURISTE ALLEMAND
(En montrant le document et sa femme et ses enfants)
Ausweis ! Ausweis ! Ausweis ! Essen ! Essen !
PAULOT
(Qui semble inquiet et passe la tête par la porte du restaurant)
Oh Dédé. Viens m’aider. Y’a un gars dehors on comprend rien à ce qu’il jacte et il a pas l’air commode. Je crois que c’est pas un français mais que c’est un germanois.
DEDE
(Qui crie depuis sa cuisine)
Si c’est un allemand, demande à Frédo au bar à côté. Il a tous les DVDs de la 7ème Compagnie et il va pouvoir t’aider.
PAULOT
Mais le bar est fermé ! Frédo est à la pêche. Faut faire quelque chose, les germanois ont l’air de plus en plus hostiles.
DEDE
(Qui sort du restaurant en tenant le fusil du grand-père)
Ra-housse ! Ra-housse !
Les touristes allemands prennent la fuite en courant et Dédé et Paulot rentrent dans le restaurant.
- INTERIEUR JOUR – SALLE DU RESTAURANT
La salle est toujours vide de clients. Paulot est derrière son comptoir sur lequel est posé le fusil. Dédé s’est installé sur un des grands tabourets devant le bar, et boit un petit blanc (avec modération) pour se remettre de ses émotions.
DEDE
Sur ce coup on l’a échappé belle. Je sais pas ce qu’ils voulaient mais on est déjà assez emmerdés comme ça. Allez. A la tienne Paulot !
PAULOT
(Qui semble inquiet d’un coup)
Et si les prochains sont des Japonais ou des Bulgares ? Même si Fredo est rentré de la pêche, il pourra pas nous aider. Comment tu veux qu’on comprenne ce qui est écrit sur leur passeport vaccinal ?
DEDE
(Qui réfléchit quelques instants)
T’inquiète pas Paulot. Je m’en occupe.
On voit Dédé descendre de son tabouret et se diriger vers sa cuisine.
- EXTERIEUR JOUR – VITRINE DU RESTAURANT
Au-dessus des jardinières, une nouvelle pancarte est affichée sur la vitrine, affichant en lettres majuscules ‘RESTAURANT RESERVE AUX FRANCAIS’. On voit plusieurs groupes de touristes s’arrêter, lire la pancarte, discuter quelques instants et poursuivre leur chemin. A travers la vitrine, on voit le visage de Paulot blêmir à chaque fois qu’un groupe repart.
- INTERIEUR JOUR – SALLE DU RESTAURANT
La salle est toujours aussi vide. Dédé et Paulot discutent près de la porte des cuisines quand entre un groupe de touristes.
LE TOURISTE
(En français)
Bonjour. Nous souhaiterions une table pour 4 personnes.
PAULOT
(Enthousiaste)
Bien entendu M’sieurs-Dames. Est-ce que vous avez vos passeports ?
LE TOURISTE
On a que deux passeports. Les deux autres personnes sont pas vaccinés.
PAULOT
Désolé mais je ne peux pas vous accepter.
LE TOURISTE
Vous ne pouvez pas nous imposer un passeport si vous-mêmes vous n’êtes pas vaccinés. Montrez-moi vos passeports et on s’en ira. Sinon, on reste et on mange.
PAULOT
(Qui sort son passeport de sa poche)
Voilà Messieurs-Dames.
Dédé ! Viens montrer ton passeport !
DEDE
(Qui sort de sa cuisine)
Passeport ? Qué passeport ? Je suis pas vacciné moi. C’est obligatoire que pour les clients.
LE TOURISTE
Alors on peut s’installer à table. Deux passeports contre un, on gagne…
DEDE
Paulot, tu crois qu’il a raison ce Monsieur ?
PAULOT
J’en sais rien, moi. Il n’y a rien de marqué sur les passeports. Sur les cartes Yu-Gi-Oh ! de mon fils il y a des points d’attaque et de défense mais là il n’y a rien d’indiqué. Je sais pas si ma carte est plus forte que leurs deux cartes. On fait quoi Dédé ?
DEDE
(Qui se dirige derrière le comptoir)
Je vais chercher le fusil…
On voit alors les quatre touristes s’enfuir dans la précipitation en renversant les tables à proximité de l’entrée du restaurant.
- INTERIEUR SOIR – SALLE DU RESTAURANT
On voit au travers de la vitrine que le soir tombe. Paulot et Dédé mangent un morceau sur un coin de table en se lamentant.
PAULOT
Pas un seul couvert de la journée. Finalement, je me demande si le confinement c’était pas mieux. Au moins, on pouvait aller à la pêche.
DEDE
C’est de ma faute. Je suis pas vacciné. Je pense que le mieux c’est que tu me licencies et que tu recrutes un cuisinier vacciné.
PAULOT
Oh malheureux. Ca fait quinze ans qu’on travaille ensemble. Je pourrai jamais faire cela. En plus, c’est interdit par la loi d’obliger ses employés à se faire vacciner ou de les licencier pour cette raison.
DEDE
Tu peux toujours me mettre au chômage partiel pour cause de non-vaccination. Je suppose que les intellectuels et les scientifiques qui nous dirigent ont travaillé sur leur idée de passeport et qu’ils ont prévu tous les cas. Vu qu’ils ne veulent pas obliger les gens à se vacciner, ils vont sûrement indemniser à vie toutes les sociétés qui ont au moins un employé non-vacciné.
PAULOT
(qui esquisse un sourire)
Celui qui me fait de la peine, c’est Mickey qui emploie 17.000 personnes près de Paris. Ils vont rester fermés s’ils ont un seul employé non-vacciné ?
DEDE
Tu sais quoi Paulot. Je crois qu’ils vont nous la faire à l’envers et obliger tout le monde à se vacciner. Ils ont trouvé un nouveau jouet et ils vont nous mettre du messager de partout. Le messager de la Covid, le messager du rhume, le messager du mal de tête… Ca me fout les miquettes quand je pense à ma prochaine coloscopie.
PAULOT
Que veux-tu Dédé. C’est le progrès. C’est scientifique, toussa, toussa…
- EXTERIEUR SOIR – VUE SUR LE PORT
Zoom arrière depuis la vitrine du restaurant jusqu’à une vue qui englobe tout le port éclairé par les lampadaires. La lune se reflète sur les eaux du port. Fondu-enchainé sur le générique de fin.
J'utilise l'ironie et le second degré pour parler de ce passeport vaccinal mais même si le gouvernement a décidé de reporter cette mesure, il va falloir bien réfléchir au projet avant de le mettre en oeuvre, d'une part parce que je ne suis pas certain que cela motive les gens à se faire vacciner, et d'autre part pour éviter de se retrouver avec des situations ubuesques. Les restaurateurs en ont suffisamment pris dans la poire pour pas en rajouter plus que nécessaire.
J'en profite aussi pour faire la bise à Super-Mauricette, dernier héros des temps modernes qui a accepté de se faire vacciner en premier. C'est couillu quand même.
Notes pour plus tard :
- Penser à dire à mon médecin de réduire ma dose de chloroquine. Visiblement j'en prends trop.
- Trouver une occupation pour le 31 au soir et rester loin d'AgoraVox. Au rythme d'un article par jour, je ne réponds plus de rien.
- Envoyer un mail à l'Elysée pour leur dire que je supporterai pas psychologiquement un troisième confinement
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