Est-ce que l’autisme est une maladie liée aux pollutions ?
L’autisme est une des maladies les plus mystérieuses, dont les causes supposées – génétiques, psychologiques ou environnementales – déclenchent souvent des débats passionnés. Sans qu’on puisse trancher cette question, une série d’études illustre la montée en puissance d’une approche liée aux pollutions, qui semble désormais la plus pertinente pour comprendre la montée d’une maladie qui désempare souvent parents et soignants.

Assiste-t-on à une explosion des cas d’autisme ? Les chiffres sont très variables selon les pays, mais en Angleterre et aux Etats-Unis, les cas d’autismes auraient été multipliés par trente entre 1980 et 2010, nous apprend un article du Point. Est-ce parce que les diagnostics sont plus précis aujourd’hui ? Ou bien parce que notre exposition aux pollutions n’a cessé de croître pendant la même période ?
Difficile à dire car la définition de l’autisme varie d’un pays à l’autre, selon le type de troubles de comportements qui sont inclus. Ainsi les cas de prévalence seraient en France de 1/1000, contre 1/100 aux Etats-Unis et 1/38 en Corée. Tout le monde s’accorde toutefois à reconnaître l’ampleur croissante de la maladie. Et de plus en plus d’études scientifiques esquissent des liens entre expositions aux pollutions et risques d’autisme.
Pollution atmosphérique
Il y a quelques jours des chercheurs de Pennsylvanie ont présenté les résultats d’une étude comparant deux populations tests d’enfants. Les enfants et femmes enceintes qui ont été exposés à un plus haut niveau de polluants industriels présentaient 1,4 à 2 fois plus de chances de présenter des symptômes d’autisme. Deux études locales réalisées aux Etats-Unis et une étude nationale avaient déjà mis en évidence un lien entre autisme avec la pollution de l’air.
Les travaux les plus significatifs, révélés par l'université de Harvard (HSPH) en 2013, estimaient que les polluants comme les particules de diesel, de plomb, de manganèse, de mercure, de chlorure de méthylène et tout type de composant connu pour affecter les fonctions cérébrales, jouent un rôle décisif dans l’apparition de la maladie.
« Notre recherche est préoccupante car elle montre que, selon le type de polluant, de 20 % à 60 % des femmes de l'étude vivaient dans des zones où le risque d'autisme était élevé », commentait Andrea Roberts, l’une des auteurs de ces travaux cités par Le Monde. Pour établir ces corrélations, les chercheurs ont comparé l’environnement de l’air de 325 parents dont les enfants sont autistes avec celui de 22 000 autres dont l’enfant ne souffrait pas de ce trouble. Résultats : les femmes enceintes qui vivaient dans les endroits ou les concentrations de l'air en particules de diesel et de mercure sont particulièrement élevées avaient deux fois plus de risque d’avoir un enfant autiste. Celles qui évoluaient dans un environnement « où les teneurs de l'air en plomb, manganèse et chlorure de méthylène étaient les plus élevées avaient 50 % de plus de risques d'avoir un enfant autiste » poursuit Le Monde. Une réserve toutefois : on ne connaît pas encore les mécanismes exacts qui permettraient d’expliquer comment ces polluants affectent les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Les effets liés aux combinaisons de polluants sont également très difficiles à investiguer.
Eau et médicaments
Les résidus de polluants dans l’eau courante pourraient également jouer un impact. Il existe une suspicion sur une corrélation entre antidépresseurs et risques d’autisme. En réalité, les travaux sont contradictoires : une étude danoise invalidait par exemple l’impact des antidépresseurs pris pendant la grossesse. Mais mettait en garde les femmes qui ont pris certains types d’antidépresseurs – ceux qui agissent sur la sérotonine - quelques mois avant la grossesse. Dans ce cas, le risque serait plus élevé de 46%. D’autres études, comme celles d’une université de Californie estiment que la prise d’antidépresseurs pendant le premier trimestre de grossesse multiplierait par trois les risques d’autisme. Mieux vaut donc être prudent avec certaines catégories d’antidépresseurs et ne pas hésiter à changer de molécule en cas de grossesse, tout en demandant conseil à son médecin.
L’autre source d’expositions, plus problématiques car passive, est liée aux résidus de médicaments présents dans l’eau courante. Une étude de l’Université d'État de l'Idaho réalisée sur des poissons montre que de très faibles doses de résidus médicamentaux peuvent impacter le cerveau du phoetus. « Si d'autres chercheurs ont suggéré un lien de causalité entre les médicaments psychotropes et l'autisme, nous avons été très surpris de voir que cela pourrait survenir à de très faibles niveaux, tels que ceux trouvés dans le milieu aquatique » s’inquiétaient les chercheurs. Or en France, selon une étude de l’Anses de 2011, 25% de l’eau courante que nous consommons contiendrait au moins 4 molécules médicamenteuses, au premier rang desquels des psychotropes ou antidépresseurs (carbamazépine et oxazepam). Ce serait 343 gènes liés à l’autisme qui pourraient être impactés par une exposition à ces résidus médicamenteux via l’eau courante selon les auteurs de ces travaux.
Polluants chimiques
Autre source d’exposition, les pesticides joueraient un effet direct sur la prévalence de l’autisme. « Une femme enceinte qui vit près d'une ferme utilisant des pesticides à un risque 66% plus élevé d'avoir un enfant autiste », selon une étude réalisée par des chercheurs de l'université Davis de Californie. « Le message est très clair : les femmes enceintes doivent faire attention à éviter tout contact avec les produits chimiques de l'agriculture » recommandaient les auteurs de l’étude cités par Le Parisien. Outre les contacts directs avec ces produits à proscrire, les modes d’expositions via l’air, la pluie ou l’eau doivent être minimisés autant que possible.
Plus globalement, alors qu’on pensait que l’hérédité représentait 80% à 90% des causes de l’autisme, une grande étude suédoise – la plus grande jamais menée car elle concernait un échantillon de 2 millions de personnes - a revu cette estimation en baisse à seulement 50%. « Nous sommes surpris par nos résultats, car nous ne nous attendions pas à ce que les facteurs environnementaux soient aussi importants dans l'autisme » expliquaient les auteurs de l’étude. Les facteurs environnementaux sont toutefois à prendre au sens large car ils incluent le « statut socio-économique du foyer, des complications à la naissance, des infections maternelles et les médicaments pris avant et pendant la grossesse » résume Le Monde. Ce sont les facteurs environnementaux au sens large qui sont aujourd’hui privilégiés.
Il serait très incertain de dresser une liste de produits à proscrire, du fait même que plusieurs types de corrélations ont été mises en évidence en fonction des différents types de polluants. Mais autant dire que les femmes enceintes, doivent prendre un certain nombre de précautions pour éviter, ou au moins minimiser autant que possible leurs expositions aux produits polluants, que ce soit sur leur lieu de vie professionnel comme à leur domicile.
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