Fièvre hémorragique liée au virus Ebola : des espoirs de thérapies réels
Au 18 août denier, l’épidémie de fièvre hémorragique qui sévit en Afrique, liée au virus Ebola, avait touché 2 500 personnes environ, entraînant le décès de 1 350 d’entre elles. Des travaux et des essais thérapeutiques récents suggèrent néanmoins que des traitements basés sur l’administration d’anticorps antiviraux pourraient s’avérer efficaces.
Le nom du virus Ebola est celui d’une rivière passant à proximité de la ville de Yambuku, au Congo (ancienne ment Zaire), où le premier cas de fièvre hémorragique s’est déclaré en septembre 1976.
Quel est ce virus ?
Le virus Ebola fait parti d’une famille plus grande de virus, les filovirus, en référence à leur aspect microscopique filiforme. Dans cette famille se trouve au moins un autre virus extrêmement pathogène pour l’homme, le virus de Marburg, agent de la maladie du singe vert.
Sous le nom de virus Ebola, on distingue cependant cinq souches différentes, qui sont apparues pour la première fois sur quatre sites africains et sur un site américain. Ces souches virales présentent des agressivités variables sur leurs hôtes. La souche la moins agressive et la souche américaine, la plus agressive est celle dite « Zaïre », qui est précisément à l’origine de l’épidémie qui sévit en Afrique. Le Liberia est le pays le plus touché, avec un total de 972 cas et 576 décès, suivi de la Guinée (579 cas, 396 décès), de la Sierra Leone (907 cas, 374 cas) et du Nigeria (15 cas et cinq décès). Il est surprenant de constater que ces pays se situent à plus de 2000 km de distance des régions où sévit habituellement la souche Zaïre. Il n’y a pas d’explications claires, pour le moment, à cette observation. Il a été suggéré que les virus avaient pu être transmis d’une région à l’autre par l’intermédiaire d’un humain qui se serait contaminé en Afrique centrale avant de revenir en Afrique occidentale. Cette hypothèse est néanmoins peu probable compte tenu de l’endroit où a émergé l’épidémie actuelle, à savoir une petite localité de brousse à l’écart de toute voie de circulation. Une seconde hypothèse serait que la souche Zaïre soit aussi présente en Afrique occidentale depuis des années, mais qu’elle ait échappé à l’identification.
Comment se fait la contamination ?
La contamination de l’homme se fait essentiellement à partir d’animaux malades ou porteurs sains qui auront été consommés, voire simplement manipulés. Il est également possible que des contacts accidentels avec les déjections animales aient entraîné une contamination. Les réservoirs habituels des virus Ebola sont des chauves-souris frugivores, qui hébergent ce virus sans développer de symptômes, et ce de façon quasi permanente. Le virus est transmis à la descendance et aux congénères par simple contact avec les fluides du porteur sain. Il se trouve que les chauves-souris sont consommées comme en Guinée, un des pays touchés par l’épidémie actuelle. En rapport, une troisième hypothèse sur l’origine du virus responsable de l’épidémie actuelle serait liée à la migration des chauves-souris dont on sait qu’elle peut s’effectuer sur d’assez longues distances.
La contamination d’homme à homme se fait là aussi par les fluides (salive, urine, selles, sperme) et nécessite un contact étroit entre le malade et la personne contaminée. Les soignants sont donc particulièrement exposés à une contamination si des mesures de protection fortes ne sont pas mises en oeuvre.
Un point extrêmement important en matière de contamination, donc en matière de progression de l’épidémie, et que le virus ne peut se transmettre par voie respiratoire. Le contrôle de l’épidémie passe donc par des mesures de confinement absolu des malades potentiels ou avérés. Ceci implique par exemple l’usage de combinaisons étanches à usage unique ou décontaminable pour les soignants, l’éloignement immédiat des membres de la famille et des amis, et surtout l’identification de l’ensemble des personnes qui auraient pu être en contact avec le malade. Une raison pour laquelle l’épidémie actuelle s’est développée rapidement, en sus de la virulence de la souche, est par ailleurs associée aux rites funéraires locaux qui impliquent des contacts étroits entre la personne décédée et les membres de sa famille.
Quels ont les risques hors Afrique ?
Les risques de développement d’une épidémie hors Afrique, en dépit des propos récents non dénués d’arrière-pensées de certains politiques, sont extrêmement faibles. Selon l’OMS, et selon l’European Centre for Disease Control (ECDC), « le risque d’importation du virus Ebola par le biais des voyageurs au sein de l’Union Européenne est très faible mais ne peut être totalement exclu ». En effet, la seule porte de contamination pourrait être celle d’un individu malade qui se serait rendu d’Afrique en Europe par exemple, et ce d’autant plus que la durée d’incubation, c’est-à-dire le temps écoulé entre l’infection et l’apparition des symptômes, varie de 4 à 20 jours environ. Point remarquable et qui permet de couper court à toute psychose relative à une transmission par un malade non identifié n’ayant pas déclaré la maladie, est que la transmission est strictement impossible lors de la période d’incubation.
En matière de propagation hors d’Afrique, il n’y a donc pas lieu de paniquer mais simplement d’être vigilant et préparé si un patient venu de ce continent se révélait être malade. Les hôpitaux français disposent pour les plus importants d’entre eux de tous les moyens techniques permettant le confinement de ces malades. C’est actuellement la seule façon d’enrayer la progression de l’épidémie.
Quels sont les espoirs thérapeutiques ?
L’épidémie actuelle aura eu pour conséquence inattendue l’accélération d’essais thérapeutiques à partir d’anticorps dirigés contre le virus Ebola. Des recherches étaient menées depuis des années pour mettre au point un tel traitement, aux États-Unis. Cet essai a impliqué des anticorps de synthèse produits par un double procédé d’ingénierie génétique. Des souris au répertoire génétique modifié pour ressembler - par certains côtés tout au moins - à celui de l’homme ont été infectées par le virus Ebola. Leur globules blancs, producteurs des anticorps ont été prélevés et fusionnés in vitro à des cellules cancéreuses humaines pour former ce que l’on appelle des hybridomes, que l’on peut facilement cultiver in vitro. Des anticorps anti-Ebola, ne « ressemblant » pas à des anticorps de souris mais à des anticorps humains ont ainsi pu être purifiés en très petite quantité. À partir de ces anticorps purifiés, les chercheurs ont pu identifier els plus actifs et « remonter » aux gènes responsables de leur synthèse. Les gènes identifiés ont ensuite été clonés dans des cellules de tabac. Ces anticorps sont constitués de deux chaînes protéiques, une courte et une longue, chacune étant quasi inactive isolément. Ce sont donc deux lignées de tabacs transgéniques qui ont été construites : l’une possédant le gène responsable de la production de la chaîne courte et l’autre possédant le gène responsable de la production de la chaîne longue. Les deux lignes de plants de tabac ont été cultivées à grande échelle. Chacune des chaînes d’anticorps a pu ensuite être purifiée à partir d’extraits de tabac, et les deux chaines réassemblées ont reconstitué l’anticorps de synthèse qui a été injecté aux patients. Il ne s’agit donc pas, comme on a pu le lire dans certains articles de journaux, de sérum, produit qui est du sang débarrassé de ses globules blancs et rouges, et que l’on utilisait voilà des années, effectivement, comme source d’anticorps. Il ne s’agit pas non plus d’un vaccin dans la mesure où ce traitement n’est pas destiné à stimuler les défenses immunitaires d’un individu de façon à ce qu’elles reconnaissent le virus virulent lors d’un éventuel contact, mais « simplement » d’anticorps destinés à s’attaquer immédiatement au virus.
L’entreprise de biotechnologie qui a mis au point ce traitement, Mapp Biopharmaceutical, est située en Californie. Elle indique que l’anticorps injecté seul a permis de guérir plus de 90 % de singes malades. Or le produit utilisé contient un antiviral complémentaire, qui ne serait pas un anticorps, mais dans la nature pour le moment n’a pas été révélée. Point intéressant, Mapp Biopharmaceutical est largement financé par l'armée américaine via un programme de recherche sur ce sujet.
Les espoirs thérapeutiques sont réels. Il reste à décider si l’injection d’un traitement non validé chez l’homme des patients humains et « éthiquement acceptable ». Si les autorités médicales, morales et philosophiques en décident ainsi, la question de savoir si des quantités suffisamment importantes d’anticorps peuvent être produites, distribuées, et à quel coût et selon quelles priorités, deviendra, devant l’ampleur de l’épidémie, extrêmement prégnante.
Crédit photo : Algérie-focus.com
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