Finie, l’épidémie de covid-19 : vraiment ??
« Un élément suscite particulièrement notre inquiétude : pour la première fois depuis de longues semaines, nous constatons une augmentation sensible du nombre de personnes hospitalisées. Or les personnes qui arrivent en réanimation sont les mêmes qu’au mois de mars. Tout confirme que le virus n’a pas baissé en intensité, avec une proportion toujours aussi élevée de personnes âgées. Cela signifie qu’il n’y a pas de ligne Maginot : même si le virus circule principalement chez les jeunes, dont beaucoup ne présentent aucun symptôme, il finit inévitablement par toucher les plus vulnérables, pour lesquelles le virus présente un danger. » (Jean Castex, le 11 septembre 2020 à Matignon).
Certains estiment que l’épidémie de covid-19 est terminée. Tout le monde le souhaite et les pouvoirs publics les premiers, mais il y a une sorte de déni qu’on retrouve aussi lors du deuil d’un être cher. On peut être là, juste devant le cercueil, dans la chambre funéraire, et se dire : non, il n’est pas mort (elle n’est pas morte), ce n’est pas possible. Pourtant, il y a les faits. Le complotisme peut se nourrir d’un éloignement des faits, éloignement géographie et éloignement temporel (par exemple : les hommes sur la Lune, c’est loin, il faut retrouver des "preuves", des témoins), mais pour le cas de la pandémie actuelle, elle est là, sous notre nez, comme le cadavre encore chaud de l’être cher. Le déni est une réponse psychologique classique, une étape mais normalement temporaire. Car le déni empêche toute prise de décision.
Or, le problème, c’est que depuis le début de l’été 2020, le virus circule à folle allure en France. Il ne s’agit pas de faire peur, il s’agit d’ANTICIPER, ce qu’on demande à tout gouvernement pour éviter les catastrophes à venir. Un politique avisé sait bien que les "opinions publiques" se retournent facilement au gré des événements. Même impopulaire, prendre des mesures courageuses sera reconnu par la suite, et ne pas les prendre sera au contraire fustigé ultérieurement. L’art de gouverner, ce n’est donc pas se réduire à répondre aux attentes sans cesse fluctuantes de "l’opinion publique", mais de servir l’intérêt général.
Le point sur l’épidémie de covid-19 en France de ce vendredi 18 septembre 2020 est à ce point de vue une note très pessimiste. Pour la première fois depuis mai, on retrouve presque un nombre de décès à trois chiffres : 154 morts du covid-19 (dont 32 dans les EHPAD et 76 un "rattrapage" dans les décès à l’hôpital), ce qui donne depuis le début de l’épidémie le nombre de 31 249 décès par covid-19. Sans compter ce "rattrapage", cela donne un nombre de décès quotidien de l’ordre de 50 à 80, ce qui est beaucoup qu’il y a un ou deux mois. Ce n’est hélas pas incohérent dans la mesure où la virulence du virus n’a pas varié, et à partir de la fin du mois d’août, le taux d’incidence chez les personnes vulnérables est monté (alors qu’auparavant, c’étaient surtout les plus jeunes qui étaient contaminés).
Ce 18 septembre 2020 a été aussi le record du nombre de nouvelles personnes dépistées positives au covid-19 en un jour, 13 215 nouveaux cas. Nous avions franchi le seuil des 10 000 quotidiens il y a une semaine, et l’accélération se poursuit de manière inquiétante. Au plus fort de la première vague, une étude a estimé que ce nombre a dû atteindre 50 000 voire 100 000 par jour (mais à l’époque, nous n’avions pas les moyens de faire des tests de dépistage aussi nombreux).
Tous les cas positifs ne sont heureusement pas des malades, puisque, pour une grande majorité d’entre eux, ce sont des asymptomatiques. Mais cette hausse ne s’explique pas seulement par une augmentation du nombre de tests réalisés (1,2 million cette semaine), car le taux de positivité, lui aussi, augmente (autour de 5% ; c’est le rapport entre le nombre de cas positifs sur le nombre total de personnes dépistées en PCR).
Inquiétant aussi le nombre de personnes développant la forme sévère. En une seule journée, il y a eu 850 hospitalisations supplémentaires, et surtout, 100 entrées en service de réanimation, ce qui porte le nombre de lits en réanimation occupés par un malade du covid-19 à 827. C’est bien inférieur au pic du début avril (7 800) mais il faut rappeler que le 14 août 2020, le nombre total de personnes malades du covid-19 en réanimation était seulement de 367. En clair, dans les hôpitaux, en juin et début juillet, il n’y avait pratiquement plus d’entrées en service de réanimation, ou quelques personnes par semaine, maintenant, ce sont des dizaines par semaine. Et la durée du séjour en réanimation est très longue, plusieurs semaines.
La circulation du virus accélère et touche principalement les grandes métropoles. Une impression qui mériterait d’être confirmée, c’est que l’éviction d’Édouard Philippe de Matignon a eu une incidence sur la prise en compte de la crise sanitaire. Cette impression, c’est que Jean Castex semble plus préoccupé par la relance économique (et il n’a pas forcément tort, pas de santé publique si l’économie est vacillante) que par la crise sanitaire. Peut-être est-ce d’ailleurs un changement de paradigme provenant de l’Élysée ? L’idée qu’il faut préserver à tout prix la survie économique.
Or, le problème, c’est que si la situation sanitaire devenait critique (ce qui n’est pas heureusement encore le cas), il faudrait bien revenir à une forme de confinement, ce qui serait mortel pour l’économie. Israël a décidé d’un reconfinement général de trois semaines à partir du 18 septembre 2020, pour éviter des surpercontaminations durant cette période de fête (et pour éviter la stigmatisation de deux communautés bien particulières dans lesquelles le nombre de contaminations a explosé en raison de leur mode de vie).
Il y a eu une reprise en main du gouvernement le 11 septembre 2020 avec une déclaration solennelle du Premier Ministre Jean Castex n’apportant pas grand-chose de nouveau sinon l’expression de la gravité de la situation. La vraie innovation, c’est que les décisions pour ralentir la circulation du virus sont prises au niveau départemental par le préfet, en concertation avec les élus locaux, ce qui signifie en quelque sorte que, dans les "territoires", le Ministère de l’Intérieur a pris la main sur le Ministère de la Santé (ARS). Il serait même envisagé de nommé des "sous-préfets covid". Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran revient aussi sur le devant de la scène, après un été discret, pour présenter un point hebdomadaire à la presse, le premier a eu lieu le 17 septembre 2020.
Chaque week-end, des grandes agglomérations vont être soumises à des mesures sanitaires plus strictes. Le week-end dernier, ce fut pour Marseille, Bordeaux et la Guadeloupe. Ce week-end, pour Nice, Lyon, Toulouse. D’autres villes ont été envisagées comme Paris, Lille, Dijon, etc. Bref, la cellule de crise du ministère travaille aussi sur des plans de reconfinement local, pour l’instant pas encore décidés (dans la région parisienne notamment). Le préfet de la région Île-de-France a recommandé ce 18 septembre 2020 de ne pas faire de réception de plus de dix personnes chez soi. Recommandé et pas obligé, car si c’était une contrainte, il faudrait alors mettre un policier à chaque domicile ou encourager les voisins à épier et à dénoncer, ce qui n’est pas, dans mes valeurs, un sens très élevé du civisme et du respect des autres.
Paradoxalement, le comportement des Français est plutôt respectueux des gestes barrières, la plupart portent leur masque lorsque c’est obligatoire, or, depuis la fin du mois d’août, il est souvent obligatoire même dans les rues, dehors. Le vrai problème concerne les réunions familiales, souvent sans masque, ou les soirées d’étudiants ou de jeunes, également sans masque.
Deux exemples, un en France, un à l’étranger. Des élèves infirmiers ont passé le concours et arrivent à l’année de stage à l’hôpital. Première réunion en amphi sans problème, distanciation physique et masque, mais le soir, fête étudiante sans masque, 13% ont été détectés positifs et les stages évidemment annulés pour ne pas exposer l’hôpital. L’autre exemple est plus grave, dans le Maine, aux États-Unis, un mariage a tourné au massacre. Des dizaines de contaminations, 7 décès et plusieurs foyers de contamination mettant en ébullition un État américain. Plus que dans d’autres circonstances, la responsabilité individuelle est essentielle en termes de solidarité.
Masque et rencontres sociales, ce n’est pas une question de peur, c’est une question de solidarité avec les personnes vulnérables. Les contraintes (porter un masque, reporter de quelques mois les fêtes familiales, etc.) sont rien par rapport à la perspective d’un nouveau confinement ou à celle d’une seconde vague aussi meurtrière. Les inconforts et les supposées pertes de liberté sont peu de choses comparées au traumatisme de plusieurs semaines voire mois à l’hôpital, avec des séquelles aux poumons, ou pire, sans sortie…
La pandémie de covid-19 est loin d’être finie, tant en France que dans le reste du monde. Au Royaume-Uni et en Espagne, on envisage des reconfinements ciblés. Le coronavirus continue à ravager la population mondiale. Au 18 septembre 2020, il y a eu plus de 955 000 décès du covid-19, soit plus de 5 000 en un jour, dans quelques jours, le million sera atteint et dépassé. La courbe des décès est depuis plusieurs mois en (affreux) plateau. Plus de 30,6 millions de personnes ont été dépistées positives au covid-19 dans le monde, ce qui fait un rythme quotidien de 300 000 contaminations.
Quelles sont les différences entre la situation actuelle et celle de février à mai derniers ?
Ce qui est mieux : c’est la manière de prendre en charge les patients atteints de la forme sévère du covid-19. Avec une meilleure capacité à oxygéner, certains patients n’ont plus à aller en réanimation maintenant, et dans tous les cas, on réussit souvent à éviter l’intubation. En réanimation, on a sensiblement réduit la mortalité par un traitement d’anticoagulants et de corticoïdes. Ce qui est mieux aussi, c’est les protections et les munitions : stock de masques, capacité de faire des tests massivement, même si, sur les tests, il y a encore des problèmes pour organiser les priorités et accélérer les procédés.
Ce qui est pire qu’au printemps, c’est que le système de santé est moins solide : le personnel soignant est démotivé, épuisé et risque d’être moins efficace en cas de nouvelles tensions. Il ne partira plus la fleur au fusil, parfois au péril de sa vie. De plus, si seconde vague il y a, elle aura une amplitude beaucoup plus basse qu’au printemps, mais il faudra compter aussi sur les autres maladies, car il n’est plus question de ne pas soigner les autres maladies (cancer, maladie cardiaque, etc.) ; une étude a estimé qu’au Royaume-Uni, il faudrait compter sur une surmortalité de 50 000 décès supplémentaires due à des maladies dont on a repoussé les traitements ou retardé trop longtemps le dépistage. Autre élément négatif : alors qu’au printemps, la vague était très localisée (Paris, quart Nord-Est), maintenant, elle est sur tout le territoire en métropole (notamment les grandes agglomérations), ce qui signifie qu’il n’y aura plus de région sans tension qui pourrait aider des régions sous tension. Enfin, en cas de nécessité de reconfinement, son acceptabilité sera probablement bien plus faible qu’au printemps, ce qui poser inévitablement des problèmes pour éventuellement le faire appliquer.
Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement est toujours sur une ligne de crête qu’a rappelée Jean Castex le 11 septembre 2020 : « Face à cette épidémie, notre stratégie ne varie pas : lutter contre le virus en évitant de devoir mettre entre parenthèses notre vie sociale, culturelle, économique, l’éducation de nos enfants et notre capacité à vivre normalement. Oui, le virus est là pour quelques mois encore, et nous devons réussir à vivre avec lui sans nous laisser entraîner à nouveau dans une logique de confinement généralisé. La solution la plus simple et la moins contraignante, on la connaît : c’est appliquer scrupuleusement les gestes barrières. Cela dépend fondamentalement de nous. ».
Jean Castex a même eu l’occasion d’illustrer ses propos quelques temps plus tard puisqu’il s’est retrouvé le 12 septembre 2020 pendant plusieurs heures dans la même voiture que le directeur du Tour de France, et que ce dernier fut dépisté positif en début de semaine. Jean Castex, a priori, n’a pas été contaminé par lui grâce au port du masque et aux différents autres gestes barrière (qui se révèlent donc efficaces dans cet exemple précis).
Dans le Gers le 18 septembre 2020, le Président Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne s’agissait ni d’infantiliser ni de culpabiliser. Certes. Mais dans ce cas, il faut savoir se responsabiliser soi-même. Jamais le moment n’a été aussi crucial pour la responsabilité individuelle et la solidarité nationale. À nous de choisir !…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Finie, l’épidémie de covid-19 : vraiment ??
Conférence de presse du Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran le 17 septembre 2020 à Paris (vidéo).
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 11 septembre 2020 à Matignon sur la crise sanitaire (texte intégral).
Ne nous masquons pas la réalité !
Les vrais émotifs du coronavirus.
À propos de l’obligation du port du masque.
Covid-19 : seconde vague ? La prudence s’impose …par le masque.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…
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