Gueule de bois pour les Entreprises du Médicament
« L’industrie du médicament est aujourd’hui très proche du point de rupture. » Christian Lajoux président du syndicat de l’industrie pharmaceutique française, les Entreprises du Médicament (LEEM).
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Quand en 1938 Arthur Neville Chamberlain revînt de Munich, il déclara à la foule qui l'acclamait à Londres : « Mes bons amis, voici la seconde fois que nous rentrons d’Allemagne à Downing Street avec une paix honorable. Je crois qu’il s’agit de la paix pour notre temps. Nous vous remercions du fond du coeur. À présent, je vous conseille de rentrer chez vous, et dormez en paix. » Churchill lui répondit à la Chambre des Communes : « L’Angleterre a eu le choix entre la guerre et la honte. Elle a choisi la honte, et elle aura la guerre ».
Comment ne pas établir un parallèle entre cette décision dramatique d'un premier ministre anglais et celle qu'a pris le LEEM lorsqu'éclata l'affaire du Mediator ?
Dès le début, pour s'attirer les grâces de Xavier Bertrand, le LEEM, pourtant un syndicat professionnel représentant toute la profession, a choisi avec panache et courage d'exclure Servier, un de ses membres en difficulté, une première du genre, pour un scandale qui comme nous le voyons, chiffres à l'appui, se dégonfle de jour en jour - Lire notamment à ce sujet les déclarations d'Erik Rance, directeur de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) dans la dépêche APM du 14 juin 2012 (4° paragraphe !).
L'Histoire ne donna raison ni à Chamberlain en son temps, ni à Christian Lajoux, président du LEEM, aujourd'hui. Conserver calme et sang froid face à un ministre en pleines manoeuvres aurait été courageux pour un syndicat qui pèse 50 milliards d'euros. Ce n'est pas l'option qu'il retînt. Et cette affaire n'était-elle pas l'occasion de se débarasser à moindres frais d'un concurrent et surtout de mettre enfin à exécution les demandes réitérées des maisons mères de tailler dans les effectifs ?
Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Dans son bilan, le LEEM dresse le constat.
"En 2011, le chiffre d’affaires des médicaments en ville s’est élevé à 21,6 milliards d’euros (en prix fabricant hors taxes), soit + 0,3 % par rapport à 2010, après + 0,3 % en 2010 et + 2,4 % en 2009. Les unités de médicaments remboursables ont décru de 0,4 % entre 2010 et 2011. Le marché hospitalier a stagné. En 2011, les exportations de médicaments ont significativement décru, de près de 9 %, soit un montant global d’exportations de 22 milliards d’euros. Cette décroissance s’explique par une dégradation de la conjoncture des pays acheteurs de médicaments ainsi que par la publication d'une liste de médicaments placés sous surveillance renforcée sans aucun accompagnement par la puissance publique, de surcroit dans un contexte polémique lié à la crise du Mediator."
La crise du Mediator ! Nous y voilà !
Sur toutes les lèvres, la crise du Mediator est la cause de tous les maux de l'industrie du médicament en France. Ce prétexte régulièrement utilisé à l'égard de la maison mère (souvent américaine) pour justifier les "performances" médiocres de la filiale française a bon dos.
"Au vu de ces données internationales, les Entreprises du Médicament (Leem) ont déploré que les évaluations des autorités françaises, en réaction à l’affaire Mediator, aient été peu compréhensibles en 2011. En effet, la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) s’est inscrite en décalage avec les évaluations américaines et européennes, puisqu’elle n’a accordé, en 2011, que 23 ASMR, dont 1 seule ASMR 1, 5 ASMR 3 et 17 ASMR 4."
Des autorités peu compréhensibles... Nous avons sacrifié une vierge mais les dieux en veulent plus !
Pour justifier son bilan économique, Christian Lajoux liste les mesures prises par les pouvoirs publics à l'encontre de l'industrie pharmaceutique : baisses de prix, génériques, référentiels de bon usage et Capi,...
"Succédant à une année 2010 marquée par des engagements nationaux forts en matière de crédit impôt recherche, d’autonomie des universités et de réorganisation de la recherche publique, l’année 2011 demeurera, pour beaucoup, l’année de la refondation. Tirant les enseignements de la crise du Mediator, les pouvoirs publics ont initié une vaste réforme fondée sur une exigence renouvelée de sécurité sanitaire. Les industriels ont largement accompagné cette réflexion avec, pour le Leem, une préoccupation constante : préserver la lisibilité internationale du système français, et veiller à ce que des mesures court-termistes ne viennent pas dévoyer le sens de la réforme."
Et toujours ce satané Mediator...
"En outre, la publication irraisonnée par le Gouvernement d’une « liste des 77 médicaments sous surveillance renforcée » (mélangeant plan de gestion du risque de l’EMA et suivi de pharmacovigilance), et la confusion qui s’est ensuivie, ont eu des effets délétères sur les exportations françaises vers certains pays, notamment en Afrique ou en Asie."
Mais à la parution de cette liste, le LEEM s'est vu contraint de garder le cap qu'il s'était fixé et de suivre sans broncher et avec le sourire, (certes un tantinet crispé) les agitations du ministre.
En courbant ainsi l'échine face à Bertrand et en lui offrant en sacrifice l'un des siens, le LEEM pensait éviter la guerre. Il lui offrait bien au contraire tous les moyens de la légitimer auprès de l'opinion publique et de la gagner à la veille des élections présidentielles.
L'industrie pharmaceutique emploie directement 103 000 personnes. Les enjeux sont importants. En 2 ans, le secteur a perdu 2 600 emplois et ce n'est que le début.
Ironie du sort, Sanofi dont le président n'est autre que Christian Lajoux lui-même, a annoncé en décembre l'une des plus grandes charettes du secteur : 917 postes.
Le 16 juillet prochain, Lajoux rencontrera la nouvelle Ministre de la Santé, Marisol Touraine. Signera-t-il cette fois-ci le traité de Versailles ou de nouveaux accords de Munich ?
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