Inquiétudes covidiennes : la pandémie est-elle vraiment terminée ?
« Après une 5e vague de covid-19 d’une ampleur inédite, la situation sanitaire s’améliore nettement depuis plusieurs semaines. En particulier, la pression pesant sur les hôpitaux du fait de l’épidémie diminue fortement. » (Jean Castex, le 3 mars 2022).
Les médias sont comme leurs auditeurs ou lecteurs (dont je suis), un peu shadoks sur les bords. Lorsqu’il y a une case nouvelle à faire rentrer dans le cerveau, ils en évacuent une case ancienne. On ne peut pas penser en permanence à toutes les misères du monde. Avec l’Ukraine en guerre, qui mobilise, avec raison, l’ensemble des médias, on ne parle plus de la pandémie de covid-19. Pour autant, a-t-elle disparu ? Dans le monde ? En France ?
Dans le monde, assurément pas. Les pics dépendent de la géographie et c’est ce qui fait que la pandémie peut être récurrente, surtout si dans d’autres lieux sévit un nouveau variant. En ce moment, la Corée du Sud, Hongkong, le Vietnam, la Nouvelle-Zélande, dans une moindre mesure, la Thaïlande, sont en pleine flambée épidémique. À Hongkong, il s’agirait du variant omicron et probablement que dans les autres pays cités, il s’agit aussi de ce variant (à vérifier néanmoins), ce qui peut rassurer l’Europe qui a déjà subi cette vague.
Pour autant, on assiste en France à la fin de la descente du nombre de cas, et même à un léger rebond cette semaine. Il est encore trop tôt pour dire si ce rebond est temporaire ou pas, mais ce qui est sûr, c’est que la chute vertigineuse du nombre de cas qu’on a vécue depuis plus de trois voire quatre semaines est bel et bien terminée. Assisterons-nous alors à un plateau jusqu’à la fin du printemps comme cela s’était passé en 2021 ? D’autres pays européens suivent aussi cette évolution, les plus marquants sont les Pays-Bas, l’Autriche, la Suisse et la Grande-Bretagne. L’Allemagne est un cas à part puisque, en retard par rapport à la France, elle a subi de plein fouet la vague omicron et reste l’un des pays les plus contaminés du monde (1,1 million d’Allemands ont été contaminés ces sept derniers jours).
Cette évolution très récente de l’épidémie en France ne remet pas les fondamentaux actuels qui restent positifs : le nombre d’hospitalisations conventionnelles a beaucoup baissé, jusqu’à 22 253, le nombre de réanimations jusqu’à 2 079 (on devrait descendre bientôt en dessous du seuil des 2 000), ce qui justifie la prochaine levée des plans blancs et le retour aux opérations programmées dans les hôpitaux, même si ces deux données, le 6 mars 2022, ont été marquées par une légère hausse (respectivement +57 et +4). Guillaume Rozier, l’auteur du site CovidTacker a évalué que le taux nombre d’hospitalisations sur nombre de cas covid est en train de légèrement remonter.
Quant aux décès, le "rythme" quotidien n’est toujours pas négligeable, on en est encore à 150-160 décès par jour, mais il continue heureusement à baisser, ce qui fait à ce jour (6 mars 2022) un total de 139 275 personnes décédées du covid-19 en France. Dans le monde, le chiffre est d’autant plus impressionnant qu’il est partiel, parcellaire et sous-estimé : plus de 6 millions de décès (le seuil de 6 millions recensés a été atteint le 3 mars 2022), avec presque 1 million aux États-Unis (983 976), 652 143 au Brésil et plus d’un demi-million en Inde (515 133) au 6 mars 2022.
Par rapport au nombre de cas encore très élevé (le taux d’incidence était de 538,2 nouveaux cas par 100 000 habitants en une semaine au 3 mars 2022), le nombre de décès a été assez faible en raison de la réussite de la politique de vaccination et d’une plus faible virulence du variant omicron auprès des personnes vaccinées.
Cette politique de vaccination en France est un grand succès puisqu’au 3 mars 2022, on comptait 54 219 766 personnes ayant reçu au moins une dose, ce qui correspond à 94,0% chez les personnes de 12 ans et plus (soit seulement 6,0% qui n’ont reçu aucune dose, c’est extrêmement faible). Et 61,8% des plus de 12 ans ont reçu leur troisième dose. En revanche, la vaccination des 5 à 12 ans n’a pas été beaucoup suivie, seulement 9,2% des enfants de 10 à 12 ans ont reçu une première dose et seulement 3,1% des enfants de 5 à 10 ans.
Le changement actuel du nombre de cas détectés quotidiens ne devrait pas affecter les données sanitaires avant une ou deux semaines, mais cela peut susciter de l’inquiétude avec les deux mesures phares que le Premier Ministre Jean Castex a prises le 3 mars 2022 et applicables à partir du 14 mars 2022, soit dans une semaine : la suspension du passe vaccinal et la levée de l’obligation du port du masque dans les espaces intérieurs publics à l’exception des transports collectifs. Alors que tous les élèves sont rentrés ce lundi 7 mars 2022, ils n’auront plus à porter de masque à partir du 14 mars 2022.
Jean Castex a maintenu ces mesures d’allégement car : « les modélisations scientifiques ne prévoient pas d’infléchissement de cette trajectoire favorable dans les prochaines semaines ». Tout le monde, d’ailleurs, sera heureux d’en profiter, même s’il arrivera toujours quelques râleurs pour évoquer un supposé électoralisme de ces mesures : à moins d’un mois de l’élection présidentielle, c’est en effet un atout du gouvernement de pouvoir lever des mesures contraignantes (masque et passe), mais le calendrier épidémique n’a jamais suivi le calendrier électoral et rien ne dit qu’en début avril, dans un mois, on ne devra pas reprendre des mesures plus contraignantes. D’ailleurs, l’emploi du mot "suspension" pour le passe vaccinal peut laisser entendre qu’on le réutilisera le cas échéant.
Cette précipitation dans l’allégement (on reste quand même à plus de 50 000 nouveaux cas détectés par jour en moyenne sur les sept derniers jours), elle s’explique aussi par la règle du gouvernement de proportionnalité (qui est d’ailleurs l’une des conditions de la validation constitutionnelle) : « Ces assouplissements s’inscrivent en cohérence ave la stratégie du gouvernement visant, depuis le début de la crise, à ne prendre que des mesures strictement proportionnées et nécessaires. ».
Pourtant, le R0, taux effectif de reproduction, qui décrit la dérivée seconde de la pente des contaminations par rapport au temps (en quelque sorte, l’accélération), a brusquement changé de pente et désormais remonte depuis quelques semaines. Dans le calcul de Guillaume Rozier, il ne semble pas encore atteindre le 1 fatidique (seuil à partir duquel l’épidémie progresse) mais les chiffres des contaminations du 5 et du 6 mars 2022 (à savoir respectivement 53 678 et 45 328) confirment bien un début de rebond épidémique, ce qui laisse entendre que le calcul paraît sous-estimé (en fait, il prend en compte aussi les admissions aux urgences, mais elles non plus ne baissent plus).
Si l’on regarde la courbe des nouveaux cas, tout semble montrer que l’échappée omicron est terminée et qu’on retrouve le niveau de la vague delta là où on l’avait quitté quand omicron a surgi (vers mi-décembre 2021). Chose d’ailleurs étrange, le taux du variant delta remonte depuis trois semaines, à des niveaux très symboliques mais il remonte, de 0,10% à mi-février 2022 à 0,30% au 3 mars 2022. Je ne sais pas ce que cela signifie, est-ce simplement un effet mécanique avec la baisse globale du nombre de cas (moins rapide pour les cas "résiduels" de delta) ou au contraire, un phénomène nouveau ?
Ce qui semble en tout cas probable, c’est que le variant omicron continue toujours de baisser, mais cette baisse est contrecarrée par une résurgence du sous-variant BA.2. Effectivement, selon Santé Publique France, le sous-variant BA.2 représenterait 38% des nouvelles contaminations durant la semaine du 21 au 27 février 2022, alors qu’il ne représentait que 15,6% durant la semaine du 7 au 14 février 2022.
Toutefois, les modélisations de l’Institut Pasteur qui valident le fait que l’arrivée de ce sous-variant freine la baisse du variant omicron, aboutissent à une conclusion plutôt rassurante, à savoir qu’il y aura un ralentissement de la décroissance mais que le mouvement général à la baisse serait maintenu. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, lui aussi, demeure serein : « Nous considérons qu’il n’y a pas de risque qu’il y ait un rebond épidémique du BA.2. ».
Ce virus garde encore son capital de surprise après plus de deux ans d’existence. S’il ne faut donc pas paniquer, il faut cependant surveiller ces données comme le lait sur le feu, bien vérifier que les fondamentaux restent satisfaisants, car on n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise même avant le premier tour de l’élection présidentielle. De plus, même après la fin de l’obligation du port du masque, il reste toujours recommandé lorsque la situation le rend utile, et chacun a sa part de responsabilité dans cette nouvelle liberté de cette nouvelle période que j’espère la dernière, celle de la fin réelle de l’épidémie.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (06 mars 2022)
http://www.rakotoarison.eu
(Les deux graphiques proviennent du site de Guillaume Rozier, covidtracker.fr).
Pour aller plus loin :
Inquiétudes covidiennes : la pandémie est-elle vraiment terminée ?
Luc Montagnier.
La Science, la Recherche et le Doute.
Omicron tue encore !
Faut-il faire payer les soins covid aux personnes non-vaccinées ?
Martin Hirsch.
Passe vaccinal (3) : validé par le Conseil Constitutionnel, il entre en vigueur le 24 janvier 2022.
Où en est la pandémie de covid-19 ce 18 janvier 2022 en France ?
Novak Djokovic.
Novax Djocovid.
Passe vaccinal (2) : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
Discours de Claude Malhuret le 11 janvier 2022 au Sénat (texte intégral et vidéo).
Les Français en ont marre des antivax !
Passe vaccinal (1) : quel député a voté quoi ?
Claude Malhuret le 4 mai 2020.
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