« J’ai la mémoire qui flanche... »
Qu’y a-t-il de commun entre
Rita Hayworth, Charlton Heston, Jean-Jacques Servan-Schreiber, la reine Juliana
des Pays-Bas, Ronald Reagan et Annie Girardot ? Ce sont tous des victimes
de la redoutable et incurable maladie d’Alzheimer. Hier, jeudi 21 septembre
2006, se déroulait la 13e Journée mondiale de la maladie
d’Alzheimer, l’occasion de faire le point sur cette terrible maladie et sur ses
conséquences mais aussi sur les progrès de la recherche.

Si la revue Paris-Match, en publiant le témoignage de la fille et de la
petite-fille d’Annie Girardot, qui souffre de cette maladie depuis
trois ans, nous émeut, ce sont de plus en plus de familles qui ont à connaître au
quotidien les ravages de cette épidémie sur les malades et sur
elles-mêmes.
1 - Présentation générale : L’association
France Alzheimer a organisé les rencontres en divers points du
territoire français hier. Créée en1985, par des familles de malades et
des professionnels des secteurs sanitaire et social, elle s’est fixé
pour objectifs de soutenir les familles de malades, d’informer
l’opinion et les pouvoirs publics, de contribuer à la recherche, de
former les bénévoles et les professionnels de santé. Principal
interlocuteur reconnu des pouvoirs publics pour son expertise sur la
maladie d’Alzheimer et sa prise en charge, elle a pour cette « 13e
Journée mondiale » mobilisé ses quelque 100 associations
départementales avec ses 3000 bénévoles sur le thème : « Ne restez pas
seuls face à la maladie d’Alzheimer ». Ce fut l’occasion d’une opération
journée « Portes-ouvertes » inédite.
2 - Où en est-on dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer ?
En juillet 2005, un rapport parlementaire sur la maladie d’Alzheimer
parlait de « négligence » des pouvoirs publics en termes de recherche. Un
premier Plan Alzheimer couvrait la période 2001-2005. Mais des crédits
non fléchés avaient été détournés des affectations prévues ! Un
deuxième plan, pour 2004-2007, est assorti cette fois de la garantie
formelle de Douste-Blazy, alors ministre de la santé, que cela ne
se reproduira pas. Dix objectifs sont fixés dont la création de 13 000
places d’accueil de jour et temporaire d’ici à 2007. Mais l’association
France Alzheimer pointe le rôle insuffisant de l’État pour lequel
cette maladie reste encore un sujet tabou alors qu’il s’agit d’un vrai
problème de santé publique. Pour d’autres, il manque encore une
solution sanitaire pour les périodes de crise aiguë des malades
(hospitalisation en urgence en structure sanitaire adaptée).
Plan Alzheimer
3- Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?
La maladie d’Alzheimer est une maladie dégénérative du cerveau, qui
débute autour de la quarantaine. Elle est liée à la production anormale
de la « protéine bêta-amyloïde ». Les symptômes mettent plusieurs
années, voire plusieurs dizaines d’années avant d’apparaître :
détérioration progressive des fonctions cognitives, perte de la mémoire
récente (une lésion de l’hippocampe rend incapable de former de
nouveaux souvenirs). Les lésions se diffusent ensuite pour atteindre le
raisonnement, puis le langage. Des troubles du comportement viennent
s’associer.
4 - Des chiffres alarmants :
La maladie touche 25 millions de personnes dans le monde, et, en
France, 850 000 selon les chercheurs de l’INSERM (si l’on inclut les
pathologies apparentées). La maladie frappe 5 % des plus de 65 ans, 25
% des plus de 80 ans. Les estimations françaises chez les plus de 75
ans sont de 13,2% pour hommes et 20,5% pour les femmes. Chaque année,
110 000 nouveaux cas apparaissent. En incluant l’entourage familial,
très éprouvé, c’est au moins 3 millions de personnes qui sont
directement concernées en France. Environ 65 000 décès sont dus à cette
maladie chaque année. Selon les prévisions démographiques de l’INSEE et
faute de progrès significatifs de la recherche, on estime que près de
1,3 million de personnes seront atteintes d’Alzheimer en France d’ici
2020.
(Source : Étude paquid menée par l’équipe du Professeur Jean-François Dartigues, INSERM Bordeaux.)
5 - La recherche sur la maladie d’Alzheimer :
La piste médicamenteuse :
Les médicaments existants agissent sur les symptômes et non sur la
maladie. Ils sont d’autant plus efficaces que la maladie est dépistée
tôt. Or, le problème actuel est l’absence de test biologique de
dépistage précoce. Quand les signes psychiques de la maladie
apparaissent, beaucoup de neurones sont déjà perdus ! Les médicaments
permettent cependant de ralentir la dégradation et la recherche
médicale s’efforce d’affiner l’utilisation de ces médicaments et
d’inventer de nouveaux médicaments plus efficaces qui devraient arriver
d’ici à un ou deux ans sur le marché. Il y a aussi des recherches
prometteuses en immunothérapie.
La recherche sur le contrôle des facteurs de risque :
Le but est de combattre les facteurs de risque qui favorisent
l’apparition précoce de la maladie : les lésions liées au
vieillissement, fragilité des neurones, obésité, hypertension, excès de
cholestérol. Ces recherches visent aussi à promouvoir les facteurs qui
en retardent l’expression. Des travaux ont montré que la réduction des
facteurs de risque vasculaires, en particulier de l’hypertension
artérielle, réduisait fortement l’incidence des démences. Selon Le
Figaro, une étude prospective hollandaise a montré que le taux sanguin
de deux protéines est modifié chez les personnes qui souffriront
ultérieurement d’une démence. Aura-t-on bientôt un test de dépistage
précoce de la maladie d’Alzheimer ?
La piste du vaccin :
En 1999, un chercheur américain, Dale Schenk, a eu l’intuition
d’utiliser le principe de la vaccination. Après des tests concluants
sur la souris, l’essai a été arrêté parce que des patients avaient
développé des encéphalites. Actuellement, au moins cinq essais
thérapeutiques sont en cours chez l’homme.
6 - La prise en charge de la maladie :
-Le coût financier
s’élève, pour les dépenses strictement médicales, à 5731€ par malade.
(Total estimé à 1 milliard d’euros par an, dont 97% pris en charge par
l’assurance maladie) et pour les dépenses médico-sociales à 16 307€ par
malade. Au total un malade représente 22 099 € de dépenses annuelles.
L’APA (allocation personnalisée d’autonomie) couvre une grande part des
frais engagés, mais 55% de ces dépenses restent à la charge des
familles.
-Soutenir le malade :
Très souvent, ce sont les malades qui découvrent leur pathologie avant
tout le monde. Et ils sont conscients d’être atteints d’une pathologie
grave. Mais, bien qu’atteints de cette maladie neurodégénérative, ils
ont besoin d’être entendus et associés aux décisions les concernant.
Citons une expérience locale : Alzheimer Haute-Savoie a créé les «
instants d’accueil », moments de rencontre et d’expression pour les
malades. (contact : Tel 04 50 51 49 14. email :
[email protected])
-Soulager les familles : Vivre
avec un malade d’Alzheimer demande un effort et une vigilance de tous
les instants. Le malade oublie les rituels du quotidien, devient
incontinent, peut fuguer ou errer dans la maison et provoquer un
accident. Il requiert de l’aide pour la toilette, les repas. À un stade
plus avancé de la maladie, il peut avoir des difficultés à respirer,
peut s’étouffer. L’aménagement du domicile s’impose.
Le lien familial et social est donc mis à l’épreuve. Les aidants se
sentent désemparés face à l’être aimé qui ne les reconnaît plus,
devient irascible, distant voire violent. Ils se sentent isolés.
L’entourage d’un malade d’Alzheimer est presque toujours frappé de
troubles liés à la fatigue physique et mentale. Selon une étude de
1999, le taux de morbidité chez les sujets aidant un patient est majoré
de 63% par rapport à un sujet non aidant. (Schulz R., Beach SR,
Caregiving as a risk factor for mortality : the caregiver health
effects study, 1999).
Citons cette expérience locale d’accueil de jour conviviale : le centre
Amista du Centre hospitalier d’Aubagne accueille en journée des
personnes atteintes de maladies cognitives. Les pensionnaires, que l’on
appelle des « amis », doivent se sentir « comme à la maison ». Un autre
centre Amista s’est ouvert à La Ciotat. (Contact : Association Accueil
amitié Alzheimer, tél : 06.22.32.18.84 ;
http://www.amista-alzheimer.com)
-Former les professionnels : Un
réel effort de formation des professionnels s’impose. Alzheimer est une
pathologie de la communication. Les soignants n’y sont pas préparés et
« chosifient » beaucoup trop vite la personne, ne lui parlant plus.
A Longny-au-Perche (Orne), les salariées de la maison de retraite et de
l’association d’aide à domicile ont été formées, ensemble, aux
techniques de massage. Un moyen de communiquer avec les malades. Le
toucher est le dernier support de communication, c’est ce qui reste
jusqu’au bout, même en stade de fin de vie. Cela éveille les
sentiments, rappelle des souvenirs, restitue chez les malade la
perception normale de leur corps.
(Contact Maison de retraite La Providence, tél. : 02.33.73.63.02.)
Autres expériences locales notables : le travail en réseau autour de la
personne associant les familles, avec accueil de nuit. (Hôpital local
de Mortain, dans la Manche : Contact : 02.33.69.21.00), les programmes
d’animations pour stimuler la mémoire et l’activité mentale et
sensorielle des pensionnaires (maison d’accueil du château d’Ay dans la
Marne. tél. : 03.26.51.02.51), l’accueil en petites unités de vie
(Maison de retraite spécialisée de Nègrepelisse, tél. : 05.63.25.02.90)
Il faut donner la parole aux malades et aux aidants et ne pas se
limiter aux aspects médico-biologiques. Si le malade vit normalement,
dans un environnement où il peut s’adapter facilement, son état va
s’améliorer. C’est-à-dire, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, que
l’on va noter une absence de dégradation. Il s’agit d’essayer de
réhabiliter le malade en tant que personne, de l’écouter, de lui
permettre de dire ce qu’il n’arrive pas à dire.
P.S (1) : On t’aime Annie !
P.S (2) : La photo prise chez Annie en 1989 est mon hommage au sculpteur et ami Claude Kuster ( Tarn ) disparu en 2004. Photo se trouvant sur le site de Valérie, nièce du sculpteur : http://univerval.free.fr/univerval.html
Sources Internet :
Association France Alzheimer
Fondation nationale de gérontologie
Le site de l’unité Inserm 442, à Lille
Le site du service de neurologie de l’hôpital Gui-de-Chauliac à Montpellier
Un site créé par des malades à l’attention d’autres patients et de leurs aidants
Une liste de discussion francophone
Un bottin des sites internet
Un site d’information et d’échangessur la maladie d’Alzheimer, soutenu par les laboratoires Eisai et Pfizer
Quelques Articles de journaux et revues :
- A Ivry, des malades d’Alzheimer retrouvent le goût de la vie : Le Monde 21/09/05 p10
- Maladie d’Alzheimer. Des inégalités dans la prise en charge, Gazette des communes du N°35/1805 du 19 septembre 2005 p.20
- Mise en œuvre du plan Alzheimer, Travail Social Actualités du 29 avril 2005 p.5
- Dossier spécial Alzheimer : Gazette santé social n°11 de septembre 2005
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