La maladie de Lyme serait largement sous-évaluée en France
Alors que l'agence du médicament vient d'interdire la commercialisation du Tic Tox, un remède naturel contre la maladie de Lyme, la polémique enfle sur cette pathologie méconnue et sans doute sous évaluée. Avec un million d'Allemands diagnostiqués, contre seulement 10 000 en France, les méthodes de diagnostic sont attaquées.
Bernard Christophe, diplômé d´Etat en pharmacie, préparateur du Tic Tox, un traitement contre les borrélioses (maladie de Lyme, attribuée aux tiques), dénonce le comportement de l´Afssaps qui vient d´interdire son produit. Selon lui, la pathologie est sous-évaluée en France, avec « seulement 10 000 cas reconnus, contre un million en Allemagne » ! Mais derrière cette affaire se cache une querelle scientifique internationale entre experts de haut niveau.
Passionné par une famille de bactéries très particulières, les borrélies, Bernard Christophe est devenu un spécialiste de la maladie de Lyme, une pathologie encore mal connue qui donne bien du fil à retordre aux médecins car elle est difficile à déceler tant les symptômes peuvent être variés. Il y a quinze ans, diplômé en pharmacie (spécialité biologie), il a mis au point un remède naturel, qu´il a baptisé Tic Tox, d´abord pour tuer les tiques puis les éventuelles borrélies transmises lors de la morsure.
Mais il est aujourd´hui dans le collimateur de l´Afssaps (agence du médicament) : sur décision de « police sanitaire », son remède vient d´être interdit le 2 janvier dernier. Son laboratoire, Nutrivital à Mundolsheim, qui commercialise ce produit à base d´huile essentielle de sauge officinale, est lui aussi contraint à la fermeture par dépôt de bilan.
« Ils ont retiré le Tic Tox ! »
Dans le monde des malades de Lyme, l´info s´est répandue comme une traînée de poudre : « Ils ont retiré le Tic Tox ! » Le petit réseau sur la borréliose de Lyme en France ne cache pas son inquiétude et son indignation, dans un récent article paru sur son site. Ce retrait est « un vrai séisme à la mesure de l´importance que revêt pour la communauté des "chroniques", ces rejetés de la médecine qui n´ont pas d´autres choix de traitement, ce complexe d´huiles essentielles dont on ne compte plus les effets bénéfiques ».
En cas d´échec du traitement officiel (à savoir une antiobiothérapie de quatre semaines maximum, pas toujours efficace et potentiellement agressive pour l´organisme), les malades de la borréliose pouvaient se tourner vers ce remède, par ailleurs conseillé par certains médecins phytothérapeutes.
« C´est un véritable scandale aux multiples facettes qui soulève les questions du rôle et de la compétence des autorités sanitaires, du coût des homologations, des priorités de santé publique, de la médecine dite "alternative". Des centaines de personnes, voire des milliers, en France mais pas seulement, sont désorientées. Comment cette affaire est-elle possible ? »
Forte concentration de thuyone
« Qui a de la sauge dans son jardin, n´a pas besoin de médecin », dit le dicton.
Cette plante, aux propriétés bactéricides connues, est interdite en France à la commercialisation sous la forme d´huile essentielle (une forme concentrée obtenue par distillation et qu´on ne trouve donc pas naturellement dans la nature), du fait de la forte concentration de thuyone, un principe actif qui peut provoquer des convulsions à haute dose (neurotoxique et abortive). La commercialisation de la sauge officinale sous la forme d´huile essentielle pure a donc été réglementée en France. En Allemagne et Autriche, elle est en vente libre avec une recommandation de prise journalière maximale de 0,3 ml, c´est-à-dire la dose qui figure dans un flacon de 15 ml de Tic Tox (pour un mois).
Aux doses indiquées par le protocole du Tic Tox, les malades ne courraient aucun risque, assure Bernard Christophe (voir son site). « Dans la dose journalière maximum de 15 gouttes il y a 3,75 mg et maximum 4,5 mg de thuyone. Or l’Afassaps écrit que la dose acceptable établie à partir des données bibliographiques disponibles est de 4,8 mg par jour ! Au bon dosage, les effets neurologiques des malades de Lyme s´estompent avec le Tic Tox ».
Demande d´autorisation de mise sur le marché
L´« erreur » de Bernard Christophe est d´avoir introduit l´huile essentielle de sauge officinale dans sa préparation, mais c´est aussi d´avoir redécouvert ses vertus pour une maladie émergente puis adapté une posologie par le biais d´un protocole pour les malades. Or, toute allégation thérapeutique doit faire l´objet d´une demande d´autorisation de mise sur le marché. Bien que naturelle, l´huile essentielle de sauge, en tant que produit toxique, ne pouvait échapper à cette règle en France.
Le problème, c´est que le traitement officiel ne parvient pas toujours à vaincre la maladie de Lyme, surtout dans sa phase chronique tardive. Une forme qui serait bien plus répandue qu´on ne le croit. « C´est un véritable problème de santé publique », assure Bernard Christophe (voir notre interview). Chez certaines personnes, la forme chronique est quasiment impossible à diagnostiquer, les tests sérologiques pratiqués en France ne permettant pas de déceler la présence des différentes espèces de borrélies européennes en cause et leurs formes enkystées dans les cellules. Le Réseau sur la borréliose de Lyme en France (RBLF), branché sur la recherche scientifique allemande, a ainsi été créé l´an dernier pour porter la voix de ces malades qui présentent une forme non reconnue de la maladie de Lyme. Le RBLF se fait notamment le relais d´une pétition internationale pour la reconnaissance de la forme chronique. « Cette bactérie borrélia divise le monde médical », explique à Ouvertures le RBLF.
Nouveau coup dur pour les malades, la suspension du laboratoire Schaller
Outre la récente interdiction du Tic Tox, un autre sujet d´inquiétude agite le réseau sur la borréliose de Lyme. Par arrêté préfectoral, l´autorisation de fonctionnement du laboratoire Schaller, installé à Strasbourg, vient d´être suspendue pour non respect de la réglementation sur diverses normes mais aussi pour le motif suivant : « Diagnostic de la maladie de Lyme par biologie moléculaire non validé, non conforme aux recommandations officielles en vigueur ».
« Pour Viviane Schaller, les 12 motifs invoqués par l’ARS pour fermer son laboratoire (non respect des normes d’hygiène, entre autres) sont des prétextes. Cette décision n’a été rendue publique à travers un communiqué de l’Agence Régionale de Santé qu’une semaine après la fermeture du laboratoire, à la suite d´une levée de boucliers des patients. "Il y a des personnes qui veulent ma fermeture", affirme Mme Schaller », aux Dernières Nouvelles d´Alsace.
La sérologie pratiquée par ce laboratoire est couramment pratiquée en Allemagne, elle est plus récente que celle proposée en France (par le laboratoire BioMérieux notamment). « Aux USA, 95 % des souches sont des Borrélia Burgdoferi entraînant des symptômes essentiellement articulaires et cardiovasculaires. En Europe, les souches sont beaucoup plus diversifiées en conséquence de quoi la maladie est beaucoup plus complexe, pouvant imiter toute une série de pathologies, et rendant le diagnostic clinique difficile à établir par manque de spécificité des symptômes, déclare à Ouvertures, Viviane Schaller. Ceci explique pourquoi le diagnostic de laboratoire, par la mise en évidence des anticorps spécifiques, devient indispensable, à condition d´utiliser des tests fiables, ce qui est loin d’être le cas en France. La maladie n´étant pas détectée, elle évolue vers la chronicité et l´aggravation des signes cliniques ».
« La suspension du laboratoire de Viviane Schaller est un événement grave pour les malades et leurs médecins. La communauté avertie et lucide des malades de borréliose se demande s´il s´agit d´une action concertée pour détruire les preuves de la réalité de la maladie, évacuer purement et simplement la question de la chronicité et instaurer un définitif déni », dénonce le RBLF. Parallèlement, des médecins généralistes font aussi état de fortes pressions de la part de la Sécurité sociale et du Conseil de l´ordre pour ne plus envoyer d´analyse au laboratoire Schaller et pour ne plus prescrire le Tic Tox à leurs patients...
Querelle scientifique entre experts mondiaux
La maladie de Lyme commence à peine à se faire connaître et le contexte est déjà à la polémique. Ce n´est probablement qu´un début... L´affaire Tic Tox et Schaller n´est que la partie émergée d´une querelle entre experts internationaux sur la maladie de Lyme. Début janvier, au moment où l´Afssaps interdisait le Tic Tox, une bombe explosait aux Etats-Unis. Un pavé de 192 pages lancé dans la mare de l´IDSA (International Diseases Society of America), société de référence en matière de Lyme, écrit par le fondateur même de l´institution, le Pr B Waisbren ! Dans cet essai intitulé « Traitement de la maladie chronique de Lyme, 51 études de cas », il présente les possibilités de traitementssur le long terme tout en fustigeant les positions dogmatiques de l´institution dont il se détache. Aveuglement, déni, refus de se remettre en question ? Waisbren tente de comprendre pourquoi l´IDSA s´accroche comme une tique à la théorie de la non-chronicité de la maladie de Lyme. Un point de vue que seul l´ILADS, International Lyme and Associated Diseases Society, conteste en mettant en lumière co-infections et chronicité. Pour les deux sociétés ennemies, ce revirement d´un membre va raviver le débat à l´échelle internationale. Mais pas forcément dans l´intérêt immédiat des patients...
Source : Ouvertures.net
Lire également :
- Bernard Christophe : « La maladie de Lyme est sous-évaluée en France ».
- Professeur Christian Perronne : « L´interdiction du Tic Tox intervient dans un contexte polémique ».
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