La menstruation, véritable « mystère » pour les hommes
En dehors des médecins, et encore en ont-ils de moins en moins l’occasion d’en parler, (car de nos jours les patientes consultent de plus en plus chez une gynécologue pour leurs problèmes dits intimes), la plupart des hommes ignorent quasiment tout de la menstruation, même s’ils en parlent d’un ton goguenard entre copains en dehors bien-sûr de toute présence féminine. Ils n’en savent le plus souvent que ce qu’ils voient lors des spots publicitaires à la télévision pour les tampons, les serviettes et autres garnitures. Et si ce que nous montre la télévision est véridique, les règles seraient étrangement, tout comme l’urine dans les démonstrations d’absorption, de couleur bleue !
Les médecins mâles ont quasiment abandonné la gynécologie en consultation de cabinet privé pour deux raisons majeures. D’abord, il y a ceux qui pratiquent l’abattage, le terme est choisi sciemment. Ceux-là pour faire du chiffre avec des consultations de 15 minutes maximum, y compris la rédaction de la feuille de maladie et de l’incontournable arrêt de travail de complaisance, ne peuvent perdre du temps à faire baisser un slip, palper et attendre que la patiente se rhabille. Les autres ne pratiquent d’examen gynéco que si la patiente insiste et présente des symptômes objectifs, car ils ont trop peur de se créer une réputation de voyeur lubrique en proposant un toucher vaginal à une femme venue pour une angine ou une douleur intercostale. Et puis, même si la femme déclare vaguement quelques troubles d’ordre génital ou sexuel, elle préfère le plus souvent en parler à sa gynéco qui la suit régulièrement depuis l’adolescence.
Et désormais, on ne peut plus faire confiance aux seules qualités diagnostiques d’un praticien. La peur de l’erreur médicale oblige à une batterie d’examens complémentaires du type échographie, frottis, endoscopie et tant d’autres dont les patientes raffolent. Le malheureux généraliste qui tenterait un traitement sans dosages hormonaux du fait de son intuition, de sa connaissance des symptômes et de ses qualités cliniques, prendrait le risque d’un procès à la moindre erreur d’appréciation. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, un diagnostic de kyste ovarien se faisait à l’examen de la patiente et le traitement des règles douloureuses ne demandaient pas tout ce tralala.
Rappel anatomique et physiologique succinct sur le flux menstruel :
Il n’ y a rien de plus naturel que les règles, physiologiquement parlant. L’être humain étant un primate avec un appareil reproducteur différencié selon le sexe et non un escargot, il incombe donc à la femme de porter les grossesses. Mais, comme la femme ne pond pas des œufs comme les poules, (ce qui soit dit en pensant serait fort pratique, car diminuerait le coût des congés de maternité et les arrêts de travail), elle à besoin d’un organe pour recevoir le fœtus. Cet organe, c’est l’utérus qui possède un revêtement interne, l’endomètre, sorte de tapis cellulaire qui réagit à l’imprégnation hormonale (progestérone, ostéogènes pour faire simple) en vue de préparer l’implantation éventuelle d’un embryon. S’il n’y a pas eu de procréation durant le mois, ou plutôt le cycle, cette préparation de l’utérus s’avère inutile et elle s’élimine par voie basse vaginale en un flot de sang, de mucosité et de débris cellulaires. C’est ce que l’on appelle les règles. Donc, pas de quoi en faire une affaire d’état ! Et encore moins de faire tourner le lait ou de faire rater la préparation des boudins en octobre quand on tue le cochon, comme beaucoup de villageoises le croyaient encore au début du siècle dernier. Les femmes n’ont plus les superstitions de jadis, mais ont gardé le désir du secret concernant cette période considérée encore souvent comme honteuse et où la place de l’homme doit être bannie.
Signe de répulsion sexuelle des primates pour éviter des tentatives de copulation en dehors du rut, l’odeur des menstruations, différente de celle de période de chaleurs, est aujourd’hui masquée par des parfums, des déodorants, des sprays. Une véritable industrie de l’hygiène féminine c’est développé depuis plus de cinquante ans et la plus farouche partisane de Cécile Duflot ou Dominique Voynet est loin d’être prête à retourner à l’utilisation de protections périodiques nettoyables sans détergent avec des billes de lavage pour sauver la planète. Jadis, dans les corons, les femmes des ouvriers surveillaient le séchage des « gros mouchoirs blancs », comme disaient les gamins, et au moindre retard de lessive, elles étaient informées des grossesses à venir, elles sont désormais satisfaites avec Nana, Obe, Tampax et consorts. Que l’on se souvienne aussi des tampons Rely de Procter & Gambler en 1978, si parfaits et hermétiques qu’ils entrainèrent il y a environ vingt ans une épidémie de « toxic schock syndrom ». L’odeur naturelle des corps doit être masquée, estompée ; c’en est devenu une forme de politesse, si ce n’est un tabou, voire une obsession féminine.
Mais revenons au profane, au non initié, au citoyen lambda qui se demande pourquoi son épouse ou sa compagne fait tant de chichis quand elle se dit « indisposée », doux euphémisme, pourquoi est-elle de si mauvaise humeur pendant « ces jours là ». Parce que la femme en général, est peu bavarde sur le thème dès qu’il y a la moindre présence masculine, même intime dans l’entourage d’une conversation. Par contre, elle est très prolixe avec ses copines et est intarissable sur la durée, les douleurs, les odeurs, les ballonnements, les irritations et possède tout un vocabulaire imagé variant selon l’âge et la classe sociale. Cela va jusqu’aux « scientifiques de cafétéria » qui utilisent doctement les termes de dysménorrhée, de spanioménorrhée, de syndrome prémenstruel et de dysfonctionnement hormonal tout en se donnant des tuyaux sur les déodorants intimes et les savons miracles. Par contre, les femmes s’adonnant à la littérature, sont souvent inépuisables sur le sujet quand elles commencent à l’aborder. Il n’est qu’à se souvenir des romans de Murielle Cerf, d’Erika Jung, de certains écrits de Simone de Beauvoir pour s’apercevoir que le créneau est littérairement porteur. On se souviendra du livre remarqué de Charlotte Roche, « zones humides », qui n’aurait pu être écrit par un homme.
L’homme, en revanche, se demande toujours quelle sensation cela peut faire de saigner régulièrement de l’intérieur du corps et ne possède d’autre approximation possible comme point de comparaison que les hémorroïdes, quand il a le malheur d’en être atteint. Ce qui est très approximatif, reconnaissons-le, car toute femme atteinte de cette pathologie vous le dira, cela n’a pas grand-chose à voir. Côté création, le romancier n’est pas très bavard et ne se prend pas pour Virginie Despentes. Henry Miller a dû en parler succinctement, sauf erreur il ne s’agit pas d’un thème récurent dans sa correspondance avec Anaïs Nin. On ne doit pas trouver plus de deux allusions dans la série des SAS et Jean Marc Reiser était l’un des rares à placer des Tampax dans ses dessins, mais il était un précurseur dans bien des domaines. Gainsbourg ose parler de « celles qui saignent » dans l’une de ses chansons et Miou-Miou fait une apparition remarquée dans « Les Valseuses », arborant une serviette hygiénique bien visible sous un slip en coton. Et c’est à peu près tout.
Les règles, c’est sale, c’est impur, c’est du domaine réservé aux femmes depuis le temps bibliques, comme les couches culottes qui sentent. Car l’impureté vient de loin, du monothéisme et les interdits concernant les règles se retrouvent dans le Talmud et la Thora, dans les préceptes des Pères de l’Eglise et dans les Hadiths. Les catholiques, avides de relique qui s’inclinaient dévotieusement devant le petit doit de Sainte Geneviève ou le sang de San Genaro, n’auraient jamais eu l’idée de conserver dans une fiole, les menstruations d’une Bienheureuse. La Loi Salique, d’origine franque, bien que tombée dans les oubliettes, fut ressortie plusieurs fois par les Capétiens pour empêcher la transmission du pouvoir royal par les femmes. En réalité pour contrecarrer l’arrivée d’un Anglais sur le trône de France ; « Femme impure treize fois par an ne peut transmettre couronne », retrouve-t-on dans les Rois Maudits.
Dans cet état d’esprit, revenons donc aux Anglais, qui « lorsqu’ils débarquent » sont les malvenus et dérangent les femmes. L’expression imagée vient du temps de Louis XIV ou Louis XV, époque où nos ennemis héréditaires avaient le mauvais goût de nous envahir et de débarquer sur nos côtes avec de rutilants uniformes rouges. Aussi désagréables que les ours, qui comme ils sont mal léchés, correspondent à un état d’esprit féminin lors de ces périodes. Donc, quand un sang impur abreuve son sillon, la Française fait tout pour le dissimuler.
Le Congo, ex-Zaïre, est probablement le pays où le discours féminin sur les règles est le plus décomplexé. A la question : « Tu prends une bière ? », il peut vous être répondu « Non, pas ce soir, je saigne ! », histoire de ne pas vous faire perdre votre temps ou votre argent. Et quand on demande à une femme comment vas-tu aujourd’hui ? Elle peut répliquer ingénument « Ca va, mais je saigne impoliment ». Le plus franc et le plus surréaliste étant la réplique : « Si tu ne trouves pas de pharmacie ouverte (à deux heures du matin) accompagne moi aux toilettes pour que je puisse laver mon Tampax et le tordre, pour finir la soirée ». Par contre le Japon exacerbe les réactions féminines vis-à-vis de toute excrétion corporelle, allant jusqu’à avoir créé des toilettes à flot continue pour masquer le bruit de la miction. Un fantasme difficile à réaliser doit être de persuader une Japonaise de l’écouter uriner. Dans le roman de Murakami, « Kafka sur le rivage » l’écrivain japonais à la mode, une institutrice surprise par un élève entrain de jeter des protections périodiques gifle un élève qui l’a surprise lors d’une sortie scolaire.
De nos jours où il n’est plus permis de fumer dans les lieux publics, le tabac ne peut plus masquer les odeurs corporelles tant des hommes que des femmes qui s’agitent sur les pistes de danse. Comme discothèques, boites de nuits et bars n’attirent que très peu de femmes enceintes ou ménopausées, que le cycle menstruel est en moyenne de 28 jours et que les règles durent normalement trois ou quatre jours, on peut en conclure que dans une assistance de 50 femmes dans une boite de nuit, sept environ sont en période de menstruation, on passe à quinze quand elles sont une centaine. L’odeur dégagée après un jerk ou une salsa endiablée peut tout de même rassurer les pudibonds et les moralistes, car un endroit qui ne dégagerait aucun fumet spécial vers deux heures du matin serait uniquement fréquenté par des prostituées, des michetonneuses ou des aventurières qui normalement restent chez elles pendant les jours délicats. Les autres mâles à l’odorat sensible, peuvent toujours se rabattre sur les thés dansants, uniquement fréquentés par des grands-mères. Mais l’imprégnation hormonale est différente à cet âge et l’odeur s’en ressent.
PS : Que les féministes se rassurent, un article prochain parlera de la prostate, mystère aussi important pour les femmes que les règles pour les hommes et peut être une suite sur la peur de la castration chez l’homme et le fantasme du viol chez la femme.
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