La nouvelle campagne pour le don d’organes : choquante ?
Je souhaiterais dire ici le malaise que cause cette image dans le monde des enseignants. Quelle pédagogie pour cette image ?
Gêne de certains enseignants. "Cette image est d’une violence !", "Le Professeur Bernard Debré a raison, c’est choquant !", "Les intégristes du don d’organes ont encore frappé, c’est lourdement marketé, leur truc !". Je cite quelques propos sur le vif, recueillis en "salle des profs" dans un bon lycée des Yvelines.
Des images comme celles-ci ne contribuent pas à mettre en place une pédagogie pour parler du don d’organes à l’école. Elles sont source de malaise. Si bien qu’on entend des profs de SVT (biologie-physique) ou de langues vivantes dire : "Ah oui, il faut que je parle du don d’organes à mes élèves !", mais cette (bonne) résolution reste lettre morte, faute de matériel pédagogique n’évacuant pas la seule question centrale sur le sujet (les élèves ne sont pas dupes) : quelle mort pour le donneur d’organes ? Un élève a fait remarquer que "même si on ne croit pas à la mort encéphalique (car le potentiel donneur d’organes est encore chaud), on peut discuter avec les médecins pour savoir si ce potentiel donneur (notre proche !) sera anesthésié et s’il ne souffrira pas lors du prélèvement des organes."
"Les transplantations d’organes constituent une glorification de la mort", disait le Professeur Christian Cabrol, pionnier des greffes en Europe. Professeur, je trouve ce point de vue extrêmement choquant. La mort n’est pas glorieuse. A moins de se prendre pour Jésus Christ. Ou Superman. Mais visiblement, vos propos ont fait école, ils ont même été illustrés par cette belle image, que, à l’instar de mes collègues, je me garderai bien d’utiliser en cours.
En lieu et place de cette image, nous avons réfléchi à une petite phrase pour ouvrir le débat : "Le don d’organes, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique !" (Lire l’article correspondant sur AgoraVox : lien)
Une remarque au passage : dans cette émission sur LCP (La Chaîne Parlementaire), il est précisé que le chirurgien qui prélève les organes vitaux d’un donneur en état de "mort encéphalique" n’a pas la droit de pratiquer la greffe d’organes vitaux, et inversement : un chirurgien qui greffe n’a pas le droit de prélever les organes. Veut-on montrer au grand public une indépendance de bon aloi entre les équipes chirurgicales de prélèvement et celles de greffe ? A y regarder de plus près, on pourrait penser que cette indépendance (ce cloisonnement) tend à faire oublier un élément pourtant fondamental du don d’organes : le don passe par la mort.
C’est précisément ce qu’a rappelé le Professeur Bernard Devauchelle, pionnier de la greffe des "tissus composites de la face" (CHU d’Amiens), en mai 2009 lors des sessions "éthique et transplantations" à l’Académie Nationale de Médecine (Paris) :
"Cette cérémonie du prélèvement d’organes se fait avec un respect du corps de celui qui est encore en vie et qui ne le sera plus après, ça c’est un point important qu’il convient de souligner. Par ailleurs, dans cette balance de mise en avant de la greffe par rapport au prélèvement, il s’avère que bon nombre des gens qui font les transplantations (i.e. greffe de foie, coeur, visage) sont ceux-là même qui font le prélèvement. Et dans le même esprit, il n’y a pas dissociation du tout, il n’y a pas transplantation [i.e. greffe, Ndlr.] sans prélèvement, et il est bon que ce soient les mêmes personnes qui fassent et l’un et l’autre". (source)
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