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Accueil du site > Actualités > Santé > La santé est-elle une marchandise comme les autres ?

La santé est-elle une marchandise comme les autres ?

Combien de fois l’avez-vous entendue cette question en vous rendant chez le pharmacien : « Vous avez une mutuelle ? » En fait, il vous demande si vous avez une complémentaire santé qui va compléter le remboursement de la Sécurité sociale. Alors pourquoi prononce-t-on systématiquement le mot « mutuelle » ?

Et, que représente ce vocable dans le système de protection sociale française ?

Un peu d’histoire

La mutualité, premier mouvement social de notre pays, forge ses origines au XVIIe siècle dans l’entraide solidaire rurale des ouvriers de toutes les corporations. S’organisant en sociétés, se réunissant ensuite en unions départementales, puis régionales, notre mouvement est devenu au fil des siècles un maillon essentiel du système français de protection sociale.

La loi du 1er avril 1898 : la Charte de la mutualité

Votée après de longs débats, la loi du 1er avril 1898, appelée parfois la "Charte de la mutualité", occupe une place importante dans l’histoire du mouvement. Elle remplace le dispositif mis en place par Napoléon III, la Mutualité impériale, par un système infiniment plus libéral. 

A côté des sociétés approuvées, maintenues, existent des sociétés reconnues comme établissements publics et des sociétés libres. La loi autorise la création de sociétés libres sur simple déclaration. (Sources le musée de la Mutualité française)

Etre sociétaire d’une mutuelle, ce serait donc différent d’être client d’une compagnie d’assurance ?

Sociétés de capitaux, les compagnies d’assurance traitent avec des clients qui ne peuvent intervenir dans le mode de gestion de l’entreprise. Sociétés de personnes, les mutuelles regroupent des adhérents (sociétaires) qui participent à la gestion de leurs mutuelles en élisant leurs représentants.

Leur moyen : par souci de gestion bénéficiaire, les compagnies d’assurance procèdent à la sélection des risques. Par respect de la personne, les mutuelles prôneront l’égalité devant les risques et la solidarité entre sociétaires.

On se pose la question de cette égalité devant la maladie depuis l’annonce de ce que la presse a pris l’habitude d’appeler "La franchise Sarkozy".

Franchise Sarkozy : kesako ?

Lors de sa dernière intervention télévisée, le chef de l’Etat à déclaré :

Extraits :

"La franchise sur les soins servira à financer les dépenses de santé supplémentaires et pas à combler un trou sans fin..."

"La franchise, je suis pour son principe, parce que ça fait de l’argent supplémentaire...". "Cet argent supplémentaire, on le mettra sur des dépenses supplémentaires, pas pour combler un trou sans fin..."

"Pour le reste, on va débattre, peu m’importe qu’elle soit annuelle ou à l’acte, remboursable (NDLR : par les mutuelles) ou pas quel que soit son montant, il devra être faible, des gens devraient être exonérés." (Source Nouvel Obs)

Familier des milieux de l’économie sociale (à laquelle appartiennent les mutuelles), j’ai décidé de proposer une interview sur ce sujet à un responsable de mutuelle de santé. C’est Richard Hasselmann, directeur général de la mutuelle les Ménages prévoyants, qui a accepté de s’y coller.

Question : Richard Hasselmann, vous dirigez une des plus anciennes mutuelles françaises. Pouvez-vous nous dire à quand remonte sa création ?

RH : En premier lieu merci de penser aux vraies mutuelles actrices majeures en matière de prise en charge de la santé dans notre pays.

Il faut marteler sans relâche que plus d’un citoyen sur deux est mutualiste pour sa santé. C’est dire qu’une démarche solidaire reste possible, encore faut-il ne pas brouiller l’image et donner la parole à ceux qui sont porteurs de ces valeurs.

Notre Mutuelle interprofessionnelle, parmi les plus anciennes de France, a été créée en 1854 et, depuis cette date, elle respecte les fondamentaux édictés dès l’origine et qui restent d’une brûlante actualité.

Question : L’utilisation générique du terme "mutuelle" pour qualifier l’ensemble des complémentaires santé ne vous irrite-t-il pas un peu ?

RH : Le terme "Mutuelle" se mérite, il recouvre des réalités. Le non-lucratif, la solidarité, l’implication de l’adhérent dans la gestion, pour ne citer que les principales. "Mutuelle", c’est porteur et, bien que protégé par les textes et notamment l’article L.112-2 du Code de la mutualité, de nombreux opérateurs se parent du label, sans totalement le mériter.Comme les mousquetaires, la devise des vraies mutuelles pourrait être : "Un pour tous, tous pour un".

Le contrat mutualiste est global, il n’est pas l’addition de contrats particuliers. Cela dit la confusion entretenue arrange beaucoup de monde. Il est facile de se repaître de concepts de transparence, de bonne information, alors que dès l’accroche, le grand public est abusé sur la nature réelle de l’opérateur.

Question : Vous avez, comme beaucoup de français, pris connaissance des déclarations du chef de l’Etat sur l’hypothèse d’une franchise médicale. Quel est l’avis du professionnel mutualiste que vous êtes ?

RH : Cette question de "Franchise" ne peut à mon sens être dissociée de ce que l’on veut vraiment en matière de santé. Avec la franchise dont vous aurez noté le caractère fluctuant, on reste dans les travers franco-français.On ne va pas au bout de nos logiques, on empile, on bricole, comme quand on a instauré en son temps le VRTS (Versement représentatif de la taxe sur les salaires) ou mieux en matière de fiscalité locale : "Les principaux fictifs". Cela ne s’invente pas.

A cet égard le bouclier sanitaire mérite attention, mais il pêche au niveau de l’assiette de cotisation. Le revenu des ménages, hormis celui du salarié est trop méconnu en France !

En l’espèce, il n’y a qu’une seule question a poser :

Une santé de qualité pour le plus grand nombre est-elle une priorité nationale ? Toutes les enquêtes, tous les comportements, donnent à penser que la réponse largement majoritaire sera "oui" !

"Oui", car c’est le simple bon sens de la vox populi qui vous dit : "sans santé toutes les activités humaines sont impossibles ou altérées, et le préventif, le curatif et l’accompagnement sont des signes tangibles d’une société avancée et solidaire."

Question : A votre avis comment peut-on rétablir l’équilibre des comptes de l’assurance santé sans avoir recours à cette franchise ?

RH : A réponse claire, mesure claire : la santé devient une priorité budgétaire absolue pour l’Etat et, comme telle, commande des arbitrages de crédits et une optimisation de sa gestion administrative.

A l’heure où le Parlement cherche à exister, je vais plus loin, en préconisant la réintégration du budget de la Sécurité sociale dans le budget global du pays. Les débudgétisations sont souvent trompeuses.

Vous allez me dire qu’ainsi j’ouvre la porte à toutes les dérives et que j’élimine l’utilité du fait mutualiste.

Sur le premier point c’est faire injure à la clairvoyance du citoyen et à la probité de la grande majorité des professionnels de santé. En ce domaine comme dans beaucoup d’autres, face à une offre libérale revendiquée, polymorphe et individualiste, il faut simplement éduquer la demande.

Si l’on se donne les moyens d’informer sans relâche le citoyen patient, il devient acteur de sa santé et vecteur vers son médecin généraliste, pivot du système. L’offre s’en trouvera automatiquement rationalisée en quantité et en qualité. Le contrôle qualité s’organise.

Sur l’utilité du fait mutualiste, ne vous inquiétez pas. Les vraies mutuelles espace de liberté, à adhésions librement consenties, seront là, pour des plus ou des prestations périphériques, et pour diligenter comme elles le font, sur leurs deniers de vraies actions de solidarité ou du mécénat social.

J’ajoute pour reprendre une formule ancienne "que le sans but lucratif doit veiller à ne pas devenir lucratif sans but !"

En d’autres termes, les vraies mutuelles, entreprises de sens, affinitaires, éthiques et solidaires n’ont rien à craindre d’une remise à plat totale et courageuse du financement de la santé dans ce pays !

Merci, Richard Hasselmann d’avoir accepté d’éclairer le débat.

 

 

Jean-Claude Benard

Pour en savoir plus sur le plan d’économie de la Sécurité sociale, on peut consulter l’article qui lui est consacré sur le site de la Mutualité française

Sources

Le Figaro

Le NouvelObs

Le Sénat


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8 réactions à cet article    


  • alberto alberto 5 juillet 2007 16:48

    La rareté des commentaires à cet article a quelque chose d’inquiétant : comme si la formule « solidatité sans but lucratif » servait de repoussoir à l’heure ou le « lucratif » devient le seul but !

    Bien à vous, M. Benard (de Bondy) .


    • Jean Claude BENARD Jean Claude BENARD 5 juillet 2007 18:31

      Bonjour Alberto et merci de votre commentaire.

      Le sujet évoqué par M. HASSELMANN est pourtant important et la fougue avec laquelle il défend sa vision de « solidarité sans but lucratif » est rassurante dans un monde ou tout peut devenir une marchandise.

      Bien à vous


      • autrepseudo 6 juillet 2007 07:48

        - La santé est un bien comme les autres, pour ceux qui veulent faire du bénéfice : fonds de pension, entreprises du médicament, sociétés d’assurance, les chefs d’entreprise...

        - La réduction de la participation des entreprises à la santé est le principal problème. Les entreprises veulent avoir des esclaves, c’est à dire avoir pour rien de la main d’oeuvre en bonne santé et s’en débarrasser quand elle présente un défaut.

        - Il semble que les mesures fiscales coûtent environ 11 à 12 milliards d’euros, c’est a peu près le déficit de la sécu. Cela laisse rêveur. ’http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/20070704.OBS5107/le_paqu et_fiscal_coutera13_milliards_deuros_par_an.html)


        • claude claude 6 juillet 2007 13:27

          bonjour,

          c’est ce que veulent faire croire les technocrates des cabinets ministériels : ils ne sont pas loin de croire que l’on « s’offre » une maladie, comme l’on se paye une semaine aux baléares. en plus, ils ignorent tout de la maladie et de leurs traitements.

          on se trompe de cible : au lieu de chasser les gaspillages là où sont, on préfère accuser médecins et malades des déficits.

          la sécurité sociale n’a jamais été créée pour être rentable, mais pour aider ceux qui sont pénalisés par la vie.

          sanctionner les malades, c’est enfoncer encore plus les plus démunis, ceux qui n’ont pas le moyens de s’offrir une mutuelle. donc à côté de la précarisation sociale, la précarisation sanitaire va s’accroître au risque de voir réapparaître beaucoup de pathologies des payas sous-développés...

          finalement, ce ne seront que des économies de bout de chandelle... dont on risuque fort de regretter le choix dans quelques années.


          • Gilles Gilles 8 juillet 2007 10:24

            Les vraies mutuelles ne risquent t-elles pas de disparaitre au profit des assureurs privés ?

            Quand je compare les remboursements de la mgen de ma conjointe par rapport à la complémentaire privée offerte en partie par mon employeur, ils sont pour pas mal de soins largement moins bons, plus chers (bien plus cher)

            Bien sûr, je suis relativement jeune, pas besoin de lunettes et une fois retraité je l’aurai dans l’os bien profond (plus de complémentaires...). La mgen suivra tous ces adhérents jusqu’à la mort...d’où des coûts plus « mutualisés » sur toute la durée de vie.

            Je me demande juste si cet état d’esprit a encore de l’avenir. En proposant toujours moins cher (oups...plus performant, excusez moi) au moment présent au détriment du futur, récupérant de plus en plus de marchés à la suite des dé-remboursements et franchises instaurées, en s’imposant parmi les entreprises privées (cotisations moins chères pour elles),le privé ne va t-il pas pouvoir récupérer progressivement des pans entiers de l’assurance santé ?

            Un système mutualiste qui ne cherche pas le profit, mise sur la solidarité, est quelque peu stigmatisé an tant que dinosaures, pourra t-il résister sur le long terme dans cette ambiance ?


            • HASSELMANN 9 juillet 2007 17:27

              @Gilles,

              Permettez moi de dire encore un mot, sur ce théme pour le quel j’ai été interrogé. Il faut d’abord redire ici qu’une Mutuelle est un espace de liberté. C’est un groupement de personnes qui décident de mettre en commun des cotisations pour les restituer en forme de remboursements ou de prestations si l’un des membres du groupe en a besoin. Ce que l’on sait moins c’est que certaines Mutuelles, ont sur cette base, sans jamais recevoir le moindre denier public de subvention, réussit a regrouper des milliers de citoyens fidéles , attentifs et acteurs de leur santé.Bien plus ces Mutuelles ménent des actions de préventions et de mécénat social de proximité. On sait encore moins, que les vraies Mutuelles sont éloignées de toutes considérations politiques.Les conseils d’administration des vraies Mutuelles interprofessionnelles sont des espaces de rencontres pour toutes les sensibilités, politiques, syndicales ou religieuses.Il faut effectivement s’attacher à cet aspect, car le politique ou le syndical notamment, ont vite fait d’infiltrer ces instances. Elles n’ont rien à envier, au plan de la gestion aux opérateurs privés, et regardent sans complexe vers l’avenir. Encore faut-il que d’un trait de plume, un gouvernement quelle que soit sa couleur, ne décide pas de ponctionner ces initiatives libres et exemplaires, pour combler des déficits ici ou là !


              • Bof 9 juillet 2007 21:57

                J’ajoute pour reprendre une formule ancienne « que le sans but lucratif doit veiller à ne pas devenir lucratif sans but ! » Alors, bravo . Mais cela signifie-t-il réellement que nous allons voir les traitements ridiculement peu cher retrouver leur place dans les protocoles de traitements ? En 35 ans, jamais je n’ai vu un nouveau traitement moins couteux que le précédent. Il reste même des contres indications formelles qui pourraient être des indications ! certainement bien sûr avec des précautions comme de croquer un cornichon dans les grosses brûlures d’estomac . Ceci est enseigné dans les écoles de plantes et de naturopathie et ce conseil de pharmacien m’a été très bénéfique . Je n’avais pas un ulcère d’estomac ,mais mon anxiété s’est améliorée et naturellement les spécialistes montent sur leurs grands chevaux pourtant ce remède est efficace !mais quel labo va payer la recherche ?? Nous avons « donné » la santé en 1981 à la France en la nationalisant . A ce jour, tout est ruiné !.... alors.. ???cette phrase prononcée >>J’ajoute pour reprendre une formule ancienne "que le sans but lucratif doit veiller à ne pas devenir lucratif sans but !<< n’est que du vent . Elle n’est certainement valable que pour le coté financier du problème mais pas pour le bien de la santé publique qui va crouler sans changements importants.


                • max l'économiste max l’économiste 14 août 2007 14:40

                  oui je pense à l’instar de K.POlanyi que certains secteurs de notre société ne sont pas marchandisables i.e qu’ils ne sont pas produits pour être vendus sur un marché

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