Les preuves continuent de s’accumuler contre un produit chimique dont le nom nous est devenu familier, le BISPHÉNOL A (BPA). Cette molécule avait été initialement produite comme estrogène de synthèse pour lutter contre l’infertilité féminine. En fait le BPA n’avait finalement jamais été utilisé dans cette indication supplanté par le Distilbène plus puissant et devenu depuis de sinistre mémoire. Ce sont ensuite les chimistes de l’industrie du plastique qui l’on redécouvert, dans les années 50, pour ses propriétés à polymériser un plastique transparent, résistant à la chaleur, le polycarbonate. Cet « oestrogène-like » s’est donc ainsi reconverti dans la composition des biberons en plastique, des emballages alimentaires plastifiés ainsi que dans les résines tapissant l’intérieur des boîtes de conserves et les canettes. Le chauffage, au micro-ondes ou au bain-marie, de même que l’acidité des aliments contenus dans ces divers récipients favorise le relargage du BPA vers le contenant. L’absorption répétée de cette molécule aboutit à une imprégnation chronique non négligeable, en particulier chez le foetus et le nourrisson, du fait de leur faible poids et de leurs organismes en croissance.
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C’est le Canada qui avait en premier lieu lancé la bataille contre le Bisphénol en interdisant, en avril 2008, l’utilisation de ce produit dans la composition des biberons puis en le classifiant comme substance toxique. D’autres pays, Australie, Danemark, ont ensuite suivi cette décision. En France, c’est
le RES (Réseau Environnement santé) et l
a CNMSE (Coordination Nationale Médecine Santé Environnement) qui ont été conjointement lanceurs d’alerte de la dangerosité du BPA. Cette molécule démontrait en effet, au fil des publications internationales, ses effets de perturbateur endocrinien particulièrement néfaste chez la femme enceinte et le jeune enfant. Après quelques tergiversations, l’agences de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA) s’est ressaisie du problème et les parlementaires ont accéléré les procédures en interdisant, au printemps 2010, au nom du principe de précaution, la vente des biberons contenant du Bisphénol.
La
Commission Européenne vient de faire savoir qu’elle était également favorable à cette interdiction. Mais cette mesure doit à l’évidence être complétée, car personne ne comprendrait que l’on se préoccupe de protéger les nourrissons nourris via un biberon au BPA, en ignorant ceux qui sont nourris au sein où ils vont absorber un lait maternel risquant fort d’être tout autant contaminé. Il est très louable de se préoccuper de la contamination des nourrissons, mais puisque celle-ci
débute dès la gestation, l’enjeu est d’éliminer également la contamination maternelle. Celle-ci passe par l’alimentation et provient en premier lieu du revêtement intérieur des boîtes de conserve, des canettes de boissons ou des bouteilles plastifiées. C’est pourquoi le RES et la CNMSE demandent l’interdiction totale du BPA dans les contenants alimentaires.
Les données scientifiques continuent en effet de s’accumuler, démontrant un effet délétère du BPA dans 95% des études publiées aussi bien chez l’animal que chez l’homme. Le bilan de la veille scientifique effectuée par
le RES est édifiant : sur 88 études publiées dont 31 chez l’homme, 84 démontrent un impact négatif.
Chez l’homme,
une publication récente réalisée chez des travailleurs chinois montre que les teneurs en BPA plus élevées multipliaient par plus de trois le risque d’une concentration diminuée de leur sperme et de leur vitalité.
Une étude réalisée à Mexico met en évidence une corrélation entre imprégnation par le Bisphénol et naissance prématurée.
Une récente étude de l’
INRA Toulouse a démontré que la contamination pouvait aussi venir d’un contact avec la peau du papier thermique, lequel contient du BPA libre. Le risque est principalement pour les personnes exposées professionnellement, comme les caissières. C’est ce que confirme une étude américaine qui a observé que celles-ci forment le groupe de femmes le plus imprégnées en BPA. Des mesures de protection de ces femmes doivent donc être prises.
Il est de plus en plus évident que le Bisphénol A possède des propriétés similaires au
diéthylstilbestrol (Distilbène), en entraînant des changements de comportements, une altération de la croissance et un avancement de la maturation sexuelle secondaire.
La fréquence de la contamination par cette substance est manifeste démontrant l’importance du
problème puisque 93 % de la population américaine et 91 % de la population canadienne sont imprégnés, les enfants plus que les adultes, les femmes plus que les hommes et les bas revenus plus que les hauts revenus.
En raison de sa toxicité, de son mode d’action et du niveau d’imprégnation de quasiment toute la population, de la transmission trans-générationnelle, toutes choses qui rappellent l’impact du Distilbène, le Bisphénol A représente un problème majeur de santé publique. Le principe de précaution trouve là une application évidente et il serait absurde d’attendre des années afin d’évaluer l’impact réel de cette molécule sur la santé humaine en général et les multiples expositions in utero du fœtus en particulier.
Dans l’immédiat, il est important de connaitre quelques mesures simples qui s permettent d’éviter le passage du BPA dans l’organisme maternel et donc dans celui de l’embryon et du fœtus puis chez le jeune enfant. De plus, il faut savoir que l’organisme ne stocke pas cette molécule et qu’il est éliminé en 24 h.
Mesures préconisées :
- L’utilisation des biberons en plastique est désormais possible à moindre risque en évitant malgré tout de les passer aux micro-ondes. L’utilisation des biberons en verre reste le plus sûr.
- Limiter la consommation d’aliments en conserves (revêtement intérieur contenant du BPA) de même que les canettes de boisson pour prtéfrere les bouteilles en verre.
- N’utiliser que des récipients en plastique sans BPA (Eviter les plastiques avec les chiffres 3, 6 ou 7 dans le triangle du culot des récipients).
- Les bouteilles d’eau, de lait ou de soda en plastique ne doivent être utilisées qu’une fois. Celles qui sont abimées ne doivent plus être réutilisées.
- Ne jamais chauffer aux micro-ondes les aliments dans leur récipient en plastique, les déposer dans une assiette ou un récipient en verre et les recouvrir d’un couvercle en verre ou d’une assiette.
- Bannir les bouilloires dont le revêtement interne est en plastique.
- Ne jamais mettre au lave-vaisselle les éléments en plastiques sans logo « Peut être lavé en machine » : la lessive associée à l’eau chaude augmente l’abrasion et donc le relargage de molécules du plastique.
- Eviter le contact des mains avec le papier thermique (tickets de caisse).