Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
« Dans toutes les crises sanitaires, le public comme les politiques étaient prompts à pointer les errements des scientifiques et leur incapacité à fournir des scénarios indiscutables qui apporteraient des réponses fiables et permettraient d’anticiper l’avenir. Comme si une épidémie était une science exacte, prévisible et maîtrisable ! » (Xavier Müller, "Erectus", éd. XO éditions, 2018).
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) va se réunir ce mercredi 22 janvier 2020 à Genève pour peut-être décréter une "urgence de santé publique de portée internationale". Il y a de quoi s’inquiéter, effectivement. Un nouveau virus vient d’être détecté en Chine qui peut se transmettre entre humains. L’épidémie deviendrait-elle une pandémie, c’est-à-dire qui connaît un développement à l’échelle mondiale ?
À l’origine, plusieurs personnes furent atteintes d’une pneumonie de cause non explicable. Le foyer de l’épidémie est situé dans la ville de Wuhan, une grande métropole chinoise de plus de 11 millions d’habitants. Il proviendrait d’un marché (Huanan Seafood Market) qui fait de la vente en gros de poissons et de fruits de mer et qui a été fermé le 1er janvier 2020. Le premier cas suspect a été signalé le 31 décembre 2019 mais les premiers symptômes datent du 8 décembre 2019. Le virus s’est rapidement propagé.
Selon le maire de Wuhan, le bilan est passé ce mardi 21 janvier 2020 à 6 personnes mortes (le premier décès a eu lieu le 9 janvier 2020, le deuxième le 15 janvier 2020). Au 21 janvier 2020, il y a eu 77 nouveaux cas recensés en Chine, soit un total de 291 cas et 922 patients sont en observation. Trois patients étrangers ont été contaminés, deux Thaïlandaises (dont une hospitalisée le 8 janvier 2020) et un Japonais (hospitalisé le 10 janvier 2020), qui s’étaient rendus à Wuhan. Le 22 janvier 2020, ont été diagnostiqués un premier cas à Taiwan et un premier cas hors d’Asie, aux États-Unis, près de Seattle. Des cas ont été diagnostiqués également en Corée du Sud.
Avec la globalisation des échanges, la transmission peut se faire rapidement d’un continent sur l’autre. Selon la Ministre de la Santé et des Solidarités Agnès Buzyn, le risque est peu probable mais pas impossible que le coronavirus puisse atteindre la France et des mesures ont été prises aux aéroports pour éviter toute contamination.
Des biologistes chinois ont réussi à isoler le virus impliqué. Il s’agit d’un coronavirus, appelé 2019-nCoV, jusqu’à maintenant inconnu, qui serait une septième souche de cette famille de virus (coronavirus),
Ce genre de virus SRAS circule parmi les animaux et peut être transmis aux humains, se diffuse dans l’air, lors de contacts rapprochés ou au contact avec des objets contaminés. Les autorités chinoises l’ont placé dans les maladies infectieuses de classe B (c’est-à-dire les moins graves), mais avec des mesures de prévention et de surveillance utilisées pour les maladies de classe A (les plus graves, comme la peste et le choléra). Le Président chinois Xi Jinping est même intervenu le 20 janvier 2020 en affirmant que la vie et la santé du peuple étaient sa priorité absolue.
Les signes observés sont : fièvre, toux, souffle court, difficultés respiratoires, symptômes gastriques et diarrhée. Dans les cas graves : pneumonie, syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), insuffisance rénale et mort pour les personnes les plus fragiles (personnes âgées, nourrissons, etc.). Il n’existe pas de vaccin mais on peut soigner les symptômes.
L’inquiétude des autorités chinoises est grande car les Chinois vont fêter le nouvel an chinois le 25 janvier 2020, c’est une période généralement de nombreux déplacements dans le pays pour rejoindre la famille ou des amis.
Cette épidémie est une tragédie en raison des premiers décès, elle est aussi un fait historique : détection d’un nouveau virus et risque de panique générale sur toute la planète. La rapidité des informations mondiales a un effet anxiogène mais il faut aussi comprendre que plus l’information se transmet rapidement, moins le virus se transmettra. Depuis quelques jours, de nombreux pays sont prêts à accueillir et isoler les éventuelles personnes qui seraient atteintes de ce nouveau virus. En France, on sait faire puisqu’on a déjà accueilli il y a quelques années (en 2014-2015) des patients contaminés par le virus Ebola.
Ce nouveau drame sanitaire mondial (il n’est pas le premier et ne sera hélas pas le dernier) me fait penser à un très bon roman de Xavier Müller, intitulé "Erectus" sorti chez XO éditions en 2018. Ce "thriller" (comme on appelle ce genre), qualifié d’apocalyptique effrayant par le critique de VSD, a été écrit par un docteur en science qui semble bien connaître les rouages de l’OMS et le fonctionnement des virus, et qui s’est reconverti dans l’écriture pour le grand plaisir de ses lecteurs.
Je présente rapidement ce roman en cherchant à éviter d’en dire trop. L’idée principale est très originale puisqu’il est question d’un virus très nouveau dont le foyer est près d’une réserve en Afrique du Sud, plus précisément dans un laboratoire secret d’un grand groupe pharmaceutique. Le virus se transmet tant par les animaux que par les humains et il n’y a pas de vaccin. En quelques semaines, la planète entière est contaminée, et en quelques mois, plusieurs millions de personnes meurent de ce mal étrange dont on a réussi à isoler le virus.
Le livre est bien écrit, les personnages crédibles et décrits avec une certaine profondeur des sentiments (ce qui est assez rare pour ce genre de thème), il se déroule dans de très nombreux points du monde (Afrique du Sud, France, Suisse, États-Unis, Nouvelle-Guinée Papouasie, au fond des océans, etc.), il y a des scènes qui se déroulent à l’ONU, etc. Le suspense est intéressant même s’il y a une (petite) incohérence scientifique que je ne précise pas ici pour ne pas trop en dire.
Si je parle de ce livre, c’est parce qu’il y a beaucoup de pages qui analysent avec vraisemblance les relations entre les scientifiques (biologistes, virologues, paléontologues), les responsables politiques (ceux qui décident), et le grand public (en particulier, la presse). Le problème d’une pandémie, c’est l’urgence : l’urgence à détecter la cause du mal, à savoir le virus, savoir éventuellement en faire des vaccins (ce qui est très rare), mais aussi l’urgence à mettre en place toutes les procédures de prévention et de contrôle pour éviter toute propagation du virus (isolement, mise en quarantaine, etc.). Or, ces deux urgences sont contradictoires en termes de communication publique. L’urgence pour éviter la propagation nécessite une information publique immédiate et totale, tandis que l’urgence pour faire de la recherche sur le sujet nécessite réflexion, doute, discrétion, silence et efficacité.
Notons d’ailleurs que l’information concernant ce nouveau coronavirus de Wuhan provient du gouvernement chinois et que celle-ci a été émise rapidement et en toute transparence. Il semble qu’aucune rétention d’information n’a été faite pour le drame actuel, ce qui n’est pas une évidence dans un pays dont l’idéologie communiste préfère ne parler que des choses qui vont bien (on se rappelle les problèmes de transparence pour la catastrophe nucléaire de Tchernobyl).
Le livre reste assez subtil puisque, au-delà des enjeux scientifiques, économiques, sanitaires et politiques, l’auteur y glisse aussi, malicieusement, des enjeux d’ego et de susceptibilité personnelle qui épicent, humanisent et rendent plus difficile toute résolution du problème.
J’aurais néanmoins deux critiques à formuler sur "Erectus". D’une part, la fin est peu intéressante et peu originale, une sorte de guérilla urbaine au cœur de Paris que Bernard Werber a déjà proposée dans son livre "Demain les chats", et d’autre part, une sorte d’anachronisme géopolitique en donnant à l’ambassadeur de Russie le "mauvais rôle", c’est-à-dire le rôle du "méchant" qui n’a pas de cœur et qui milite pour la sauvegarde de l’espèce (humaine) au mépris froid et inhumain de toutes les autres espèces. C’est donc inutilement caricatural carr le rôle de la Russie aurait pu échoir sur n’importe quel autre pays assez influent pour emporter l’adhésion internationale).
Je termine avec cet autre extrait du livre "Erectus" en espérant qu’on arrivera à contenir l’épidémie du coronavirus de Wuhan avant une catastrophe mondiale :
« De son passé de traqueur de virus, le médecin avait tiré une certitude : la guerre invisible que l’humanité menait contre les microbes exigeait qu’on suive toutes les pistes, même les plus improbables. L’expérience lui avait appris qu’éradiquer des micro-organismes en perpétuelle évolution nécessitait une vigilance extrême. Le danger pouvait éclore partout, en n’importe quel point de la planète. Or, pour qu’une épidémie démarre, il suffisait qu’un seul microbe infectant un organisme unique. Au début du siècle, quelque part en Afrique de l’Ouest, le chasseur de viande de brousse infecté par le sang d’un chimpanzé ignorait qu’il serait à l’origine, quelque quatre-vingts ans plus tard, de vingt millions de morts du sida. » (Xavier Müller).
NB du 22 janvier 2020. Selon le nouveau bilan rendu public ce 22 janvier 2020 par le vice-ministre chinois de la commission nationale de la Santé, le bilan s'est aggravé à 9 personnes décédées et 440 patients atteints par le coronavirus. Ce virus qui se transmet par les voies respiratoires « pourrait muter et se propager plus facielement ».
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (21 janvier 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le coronavirus de Wuhan va-t-il contaminer tous les continents ?
L’apocalypse par l’invasion de paléovirus géants ?
Le virus de la grippe A(H1N1) beaucoup plus mortel que prévu.
"Estimated global mortality associated with the first 12 months of 2009 pandemic influenza A H1N1 virus circulation : a modelling study" ("The Lancet", 26 juin 2012).
Publication d’origine sur le Mollivirus sivericum du 08 septembre 2015 (à télécharger).
L’arbre de la vie.
Découverte du virus du sida.
Vaccin contre le sida ?
La grippe A.
Un nouveau pape de la médecine.
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