Le créateur du LSD, Albert Hofmann s’est éteint à l’âge de 102 ans
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L125xH164/albert-hofmann-8ae01.jpg)
Engagé comme chimiste dans l’entreprise Sandoz à Bâle, Hofmann est chargé avec Werner-Arthur Stoll de développer un stimulant circulatoire à partir des dérivés de l’acide lysergique tiré de l’ergot du seigle. C’est en 1938 que les deux scientifiques fabriquent le diéthylamide, aussi appelé lysergamide ou LSD-25, obtenu grâce à la synthèse de l’acide lysergique. Toutefois les effets sur le sang en vue d’un usage thérapeutique ne sont pas concluants.
Ce n’est que cinq ans plus tard, en 1943, que les effets hallucinogènes du diéthylamide seront découverts. C’est en tentant de purifier le produit isolé que Hofmann voit apparaître des formes colorées et se sent pris de délires incontrôlables. L’expérience fortuite lui semble incroyable et Hofmann décide de la renouveler en absorbant de son plein gré du LSD-25 afin de vérifier les effets sur sa personne. Le chimiste consigne par écrit l’ensemble des réactions ressenties après avoir ingéré la substance.
- 16:20 Absorption de la substance.
- 17:00 Début d’étourdissement, angoisse, troubles de la vue, paralysies, rires.
- Retour en vélo à la maison. Crise la plus forte vers 18-20 heures, voir compte-rendu spécifique :
- Ce n’est qu’avec beaucoup d’effort que je pus écrire les derniers mots. [...] les modifications et les sensations étaient du même genre [que la veille], seulement bien plus prononcées. Je ne pouvais plus parler de manière intelligible qu’au prix d’efforts extrêmes, et demandai à ma laborantine, que j’avais mise au courant de l’expérience, de m’accompagner jusqu’à chez moi. Rien que lors du trajet en vélo [...] mon état prit des proportions inquiétantes. Tout ce qui entrait dans mon champ de vision oscillait et était déformé comme dans un miroir tordu. J’avais également le sentiment de ne pas avancer avec le vélo, alors que mon assistante me raconta plus tard que nous roulions en fait très vite. [Arrivé à la maison,] les étourdissements et la sensation de faiblesse étaient par moments si forts que je ne pouvais plus me tenir debout et était contraint de m’allonger sur un canapé. Mon environnement se transforma alors de manière angoissante. [...] les objets familiers prirent des formes grotesques et le plus souvent menaçantes. Ils étaient empreints d’un mouvement constant, animés, comme mus par une agitation intérieure. La voisine [...] n’était plus Madame R. mais une sorcière maléfique et sournoise au visage coloré, etc, etc.
- Plus tard, vers la fin de l’intoxication : je commençai alors progressivement à apprécier ce jeu insolite de formes et de couleurs qui continuait derrière mes yeux fermés. Des formes fantasmagoriques et bariolées déferlaient sur moi en se transformant à la manière d’un kaléidoscope, s’ouvrant et se refermant en cercles et en spirales, jaillissant en fontaines de couleur, se réorganisant et se croisant, le tout en un flot constant. Je remarquai notamment la façon dont toutes les perceptions acoustiques, tels que le bruit d’une poignée de porte ou celui d’une voiture passant devant la maison, se transformaient en sensations optiques. Chaque son produisait une image animée de forme et de couleur correspondante.
Après cette nouvelle expérience, l’équipe de chimistes du laboratoire bâlois saisit toute la portée de leur découverte et refuse d’en publier les conclusions, de crainte qu’elles ne tombent entre les mains des Nazis qui travaillent à la conception d’armes chimiques.
Le L.S.D. 25 (initiales de son nom allemand Lysergic Diethylamid Saüre) est en effet le plus puissant hallucinogène connu. Il suffit d’une dose d’un microgramme par kilo de poids corporel pour que les hallucinations se déclenchent trente minutes environ après l’ingestion. Mais à dose plus élevée, la mort est une issue possible, soit comme conséquence des troubles respiratoires et moteurs qui entraînent une tétraplégie, soit du fait d’une tendance suicidaire libérée. Après l’absorption de LSD, la personne présente tous les symptômes du psychotique schizophrène qui peut être entraîné à commettre des actes violents envers elle-même autant qu’envers autrui car le voyage qui s’enclenche dans le cerveau procure des phénomènes d’angoisses intenses.
Le laboratoire Sandoz commercialisera la découverte d’Albert Hofmann dans le but de susciter des réactions chez les malades qui ne réagissent plus à aucune stimulation ni à aucun médicament. De même dans le traitement de l’alcoolisme chronique, le LSD a été utilisé pour ses vertus analgésiques. Toutefois, les dangers de l’emploi du LSD ont conduit les médecins à lui préférer des traitements sans effet psychodysleptique.
Peu avant sa mort, Albert Hofmann reconnaissait que sa découverte avait causé beaucoup de dommages en raison d’une utilisation comme stupéfiant et non comme thérapeuthique. Toutefois, il déclarait que grâce à ses travaux des malades en fin de vie avaient vu leurs souffrances apaisées avec le LSD. Ultime réconfort pour un chercheur qui aura assisté au détournement de ses découvertes. Car très vite celles-ci servirent à mettre au point une substance capable de tuer des milliers personnes, une drogue distribuée aux hippies par la CIA pour détruire le mouvement de contestation contre la guerre du Vietnam.
- A lire sur le sujet : l’article de l’encyclopédie Universalis sur le LSD
- Albert Hofmann extraits du journal sur Wikipedia
- La question des drogues aux Etats-Unis : livre de Paul Moreira "Les nouvelles censures" publié aux éditions Robert Laffont
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