Le Dr Sarkozy au chevet de l’assurance maladie
Le 18 septembre 2007, le président de la République française a prononcé un discours très attendu devant les journalistes de l’information sociale. Alors que la plupart des oreilles se tendaient sur le sujet des retraites et régimes spéciaux, le déficit de l’assurance maladie a été abordé, sans tambour ni trompette.
Après une introduction convenue et prudente : "Je pense que la solidarité est le fondement de notre protection sociale, entre jeunes et moins jeunes, entre chômeurs et salariés, entre malades et bien portants", Nicolas Sarkozy est entré dans le vif du sujet qui le préoccupe : comment diminuer les dépenses de santé ?
La fraude, premier mal du système français ?
"Je ne veux plus que les Français paient pour les excès de quelques-uns, particuliers ou entreprises qui jettent le discrédit sur l’ensemble du système." C’est un argument habituel dans la bouche du candidat de l’UMP. Il a fait mouche pendant la campagne des présidentielles et sert de base aux décisions à suivre.
"Je ne veux plus que des sommes considérables soient volées à la collectivité alors qu’elles pourraient être si utiles ailleurs." Comment ne pas être d’accord avec cette évidence ? Le problème est de démontrer que des sommes considérables soient réellement volées à la collectivité ! Par qui ? Comment ? Particuliers ou entreprises ? Que fait la police ? Mystère.
Suivent alors deux mesures simples :
- les fraudeurs perdront leurs droits aux prestations sociales ;
- la fraude des entreprises ("qui concerne souvent le travail illégal") sera punie par des peines planchers forfaitaires.
Bref, le Dr Sarkozy attaque ce sujet délicat par l’angle de la fraude, jugé sûrement très important au regard du déficit de la Sécurité sociale. Mais, aucun chiffre n’étant donné, on ne peut affirmer le contraire !
La franchise, remède ou placebo ?
Vient ensuite le sujet de la franchise médicale, censée "prendre en charge nos nouveaux besoins de santé (maladie d’Alzheimer, plan cancer, soins palliatifs) sans grever les comptes de l’assurance maladie ni peser sur les générations futures."
Le but de cet outil est "d’être collectivement responsable". L’intention affichée est donc de ne pas creuser le trou de la Sécu et de ne pas emprunter à outrance, reportant la dette à nos enfants. Alors qui paiera ?
C’est simple : ce sont les malades qui paieront le plan cancer et le plan Alzheimer. Une franchise par boîte de médicaments, c’est censé être indolore et invisible pour les malades, occupés à se soigner. Mais alors, il n’y a plus de solidarité puisque seuls les malades actuels paieront ces plans coûteux !
Peut être le président est-il satisfait de ne pas faire payer tous les bien portants ? Ceux-là se frottent-ils les mains à l’idée d’échapper à cette nouvelle ponction sur le budget du foyer ?
Dans ce cas, il sera demandé plus de respect aux malades actuels, obligés de se soigner quotidiennement (par prescription médicale, rappelons-le et pas par ordonnance frauduleuse) pour des affections de longues durées, des cancers, diabète et autres réjouissances... Ceux-là, en plus de se battre contre la maladie, paieront pour les futurs malades, peut-être leurs parents atteint d’Alzheimer. Pendant ce temps, les "biens portants", chanceux de ne pas être malades, garderont leur argent bien au chaud.
On peut s’interroger sur le but réel de cette franchise. S’agit-il d’un trompe-l’oeil ? Ne servira-t-elle pas à combler un peu le déficit de la branche maladie ? Si oui, le président pourrait nous épargner l’argument du financement du plan Alzheimer, qui est en contradiction avec sa merveilleuse phrase d’introduction : "Je pense que la solidarité est le fondement de notre protection sociale, entre jeunes et moins jeunes, entre chômeurs et salariés, entre malades et bien portants".
La franchise n’est pas solidaire. On fait payer les malades (les enfants, les personnes âgées, les malades de longue durée) en priorité.
La franchise est en plus perverse, à l’image des taxes sur l’alcool ou le tabac : plus il y aura de prescriptions, plus l’argent rentrera dans les caisses ! Est-ce un aveu de l’impossibilité de régler le problème suivant ?
Baisser le nombre de prescriptions médicales
Nicolas Sarkozy avoue ensuite un objectif important : diminuer fortement le nombre de médicaments prescrits aux patients par les médecins (diplômés et responsables, rappelons-le). "Il n’est pas normal que 90 % des consultations donnent lieu à une prescription de médicaments, là où cette proportion n’est que de 40 % aux Pays-Bas."
J’avoue mal comprendre cet argument. Je ne m’étendrai pas sur le choix des Pays-Bas comme pays de comparaison avec la France. Est-ce le pays où ce chiffre est le plus bas ? Pile dans la moyenne ? On n’en sait rien, mais puisque c’est dit, cela doit être vrai...
Non, je ne comprends pas cet argument. En quoi est-ce choquant que 90 % des consultations entraînent une prescription ? Peut-être est-ce le signe que les patients ne vont voir leur médecin que lorsque c’est nécessaire ? Peut-être est-ce que ce sont nos amis néerlandais qui consultent pour rien et font perdre le temps précieux de leurs médecins ?
Non, décidément, il faut trouver un argument plus percutant pour justifier la volonté de diminuer les taux de remboursements, les visites aux médecins et culpabiliser les malades sans mettre en cause les médecins.
Les affections de longue durée, futures cibles du président
Nicolas Sarkozy en vient finalement à désigner une autre source potentielle d’économie : les plus grands consommateurs de médicaments sont les malades atteints de maladies chroniques ou de longue durée !
La logique de notre président est limpide : "Il n’est pas normal que les dépenses consacrées aux affections de longue durée dérapent chaque année de manière incontrôlées", et donc : "Je souhaite que nous concentrions nos efforts sur ce qui est essentiel".
Comment interpréter ce souhait ? Limiter les remboursements à ce qui est vital et ne pas rembourser le reste ? Diminuer le nombre de bénéficiaire du 100 % ? Supprimer le 100 % ?
M. Sarkozy connaît-il la vie des malades atteints de maladies chroniques ? Pense-t-il que ces malades profitent du système pour se faire rembourser des soins inutiles, des traitements sans action réelle, des hospitalisations pour le plaisir ?
Sait-il la difficulté qu’ont connu certaines familles pour subvenir aux besoins de soins d’enfants malades ou handicapés ? Connaît-il les visites aux médecins conseils, les dossiers à remplir, les suspicions incessantes face aux dépenses lourdes ?
Les malades n’ont pas vocation à profiter du système ! Bien au contraire, leur souhait le plus cher est d’être guéri pour ne plus en dépendre...
Une solution pratique : le secteur privé
Les solutions avancées par le président donnent le beau rôle au secteur privé. Comme "l’assurance maladie n’a pas vocation à tout prendre en charge", il souhaite développer la participation du privé :
- pour la couverture complémentaire ;
- l’assurance individuelle contre le risque de dépendance.
Les compagnies d’assurance se frottent sûrement déjà les mains à l’idée d’encaisser des sommes énormes pour ces "produits financiers innovants" et "fiscalement avantagés".
Mais ces produits seront-ils abordables pour toutes les couches de la population ? Un smicard aura-t-il la possibilité de les financer tout au long de sa vie professionnelle ? Le risque est grand de voir se creuser un fossé entre foyers aux revenus modestes ou aisés.
Tout cela est balayé rapidement par une proposition obscure : "Je veux donc offrir une aide à l’acquisition de la couverture complémentaire beaucoup plus généreuse et étendue qu’elle ne l’est aujourd’hui".
Argumentaire présidentiel limité
On peut d’ores et déjà dire qu’entre les bonnes intentions et l’attachement à la solidarité affichées en introduction et les propositions évoquées pendant le discours, il existe un écart important.
Pointer du doigt ce qui met en péril l’assurance maladie, dans un même amalgame, les fraudeurs, les malades, les affections de longue durée est pour le moins choquant.
Ne pas aborder des thèmes tout aussi importants comme les tarifs des médecins, l’industrie pharmaceutique, les cotisations patronales et salariales, la dette de l’état à la Sécurité sociale, le taux de chômage qui pénalise la Sécu : c’est étrange.
Les remèdes du Dr Sarkozy sont pourtant dans la lignée des précédents gouvernements et le cap semble clair : il y aura encore des diminutions de remboursement, des économies même pour les affections de longue durée, des frais supplémentaires pour les malades (la franchise). Et, il n’y aura pas d’extension de droits sans financement privé.
On s’attend à des jours plus difficiles pour les malades aux revenus modestes, ou les familles avec un enfant malade car le budget santé risque de prendre un peu de poids. Les bien portants peuvent dormir sur leurs deux oreilles, on ne viendra pas les solliciter.
37 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON