Le nucléaire en France : la gestion des risques est-elle en cause
Le nouvel incident à la centrale nucléaire du Tricastin révélé le 23 juillet est dit "sans risque".
Que cache cette dénomination rassurante ?
La société Socatri (filiale Areva) a été épinglée à de nombreuses reprises par l’ASN (Agence de sûreté nucléaire) concernant le site du Tricastin (Drôme) : sur son site (www.asn.fr), le document relatif à la conférence de presse post-incident dévoile qu’en 2007 la Socatri a été rappelée à l’ordre concernant ses rejets chimiques et radioactifs ainsi que pour l’état des tuyauteries qui ont subi de nombreuses fuites en 2007.
Lors de la fuite à Romans-sur-Isère, l’ASN a envoyé sur place deux agents qui selon le compte-rendu publié sur le site de l’ASN "ont relevé la non-conformité de cette tuyauterie vis-à-vis des exigences de la réglementation applicable qui demandent une capacité de résistance aux chocs suffisante pour éviter la rupture", "la rupture de cette canalisation enterrée daterait, selon l’exploitant, de plusieurs années". Ce rejet a été qualifié de non dangereux pour l’environnement et classé Niveau 1.
La Criirad a publié sur son site internet un document éloquent (www.criirad.org).
"En moins de 15 jours, la CRIIRAD a eu connaissance de 4 dysfonctionnements concernant 4 centrales nucléaires EDF et ayant entraîné, au total, la contamination accidentelle de 126 travailleurs : contamination de 7 salariés d’entreprises extérieures le 11 juillet à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine ; contamination de 4 salariés d’entreprises extérieures détectée le 12 juillet à la centrale nucléaire de Gravelines ; contamination de 15 salariés d’entreprises extérieures découverte le 18 juillet à la centrale nucléaire de Saint-Alban-Saint-Maurice ; contamination de 100 salariés qui intervenaient dans le bâtiment réacteur le 23 juillet à la centrale nucléaire du Tricastin."
Classification des incidents
Le classement de ces incidents au Niveau 1 relève d’une aberration de l’échelle INES (International Nuclear Events Scale), le Niveau 1 (anomalie) n’a aucune conséquence pour l’extérieur et implique la non-exposition du personnel du site. Par contre, le Niveau 3 (incident grave) concerne un très faible rejet dans la nature, mais implique l’exposition du personnel (comme le Niveau 2 d’ailleurs). Ce qui veut concrètement dire que, si le rejet dans l’environnement est énorme, mais que personne sur le site n’est contaminé, ça restera un incident de Niveau 1... Quelle aubaine pour la présidente d’Areva, Anne Lauvergeon, qui peut alors parler "d’anomalie de Niveau 1, (...) sans danger pour l’homme ou l’environnement" en ce qui concerne la fuite du site de Tricastin, et ce malgré 74 kg d’uranium rejetés. L’incident du 23 juillet ne concerne "que" la contamination du personnel, pas de rejet dans l’environnement, donc ça reste du Niveau 1.
Quel est le risque réel ?
La contamination d’un individu à un radioélément est dû à un contact direct. Le radioélement peut aller dans les poumons ou dans les pores de la peau et de là émettre sa radioactivité.
Pour un individu sain, les cellules en contact avec ce radioélement vont juste mourir soit par brûlure, soit par "suicide cellulaire" ou apoptose parce que le patrimoine génétique de la cellule a été endommagé.
Mais si l’individu est âgé ou possède des prédispositions au développement des cancers, alors le radioélement, en endommageant le patrimoine génétique des cellules en contact, va provoquer un cancer.
Parler de contamination sans risque est un déni ou une méconnaissance des mécanismes de cancérisation.
Est-ce une fatalité ?
Malheureusement, l’installation d’une centrale nucléaire implique l’existence d’une contamination par des radioélements ç plus ou moins longue échelle. Le pire pour la population reste le déni et l’inertie des responsables et gestionnaires de ce risque.
La transparence reste toute relative dans le milieu du nucléaire. Sur son site internet (www.criirad.org), la commission épingle la société Areva et l’ASN pour leur manque de transparence, l’inertie de leur réactivité ainsi que sur leur transparence. Par exemple, en 2007, le rejet dans l’atmosphère par la Socatri de 42 fois plus de Carbone 14 par rapport au seuil fixé a été classé Niveau 0... Ne parlons pas des 770 tonnes de déchets enfouis sur le site du Tricastin qui apparaissent sous leur vraie dénomination pour la première fois dans l’inventaire de l’Andra (Agence nationale des déchets radioactifs) en 2002 (en 1993, ils n’apparaissent pas, puis, entre 1994 et 1999, ils apparaissent comme des déchets divers)... Enfin, la Criirad fait état des manipulations de chiffres lors de l’incident du Tricastin qui fait froid dans le dos, surtout par le silence des médias.
Une gestion transparente du risque nucléaire impliquerait la mise à disposition des riverains de tous les relevés de radioactivité des sites environnant les centrales nucléaires, ainsi que l’implication d’ONG dans des commissions d’enquête menées par l’ASN (dans la mesure du respect du secret-défense).
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