Les chirurgiens dentistes français soignent leur image de marque
Rire, manger, aimer, ces trois mots sont au centre de la campagne institutionnelle des chirurgiens-dentistes français. Lancée en octobre et destinée à revaloriser l’image de marque des chirurgiens-dentistes, cette campagne n’intervient pas au hasard. En effet, l’image des dentistes français a subi récemment quelques revers.
Tout commence avec un reportage diffusé dans le cadre de l’émission Envoyé Spécial le 26 février 2009 sur France 2. Intitulé Fausses dents, vrais doutes, le reportage réalisé par deux journalistes, Laurent Hakim et Alexis Orand, lève le voile sur une pratique tabou chez les dentistes : l’importation de prothèses dentaires de l’étranger. Les deux reporters montrent comment des prothèses de piètre qualité sont fabriquées dans des laboratoires chinois et envoyées en France à des prix défiant toute concurrence. Plus préoccupant, le reportage établit que les prothèses arrivent en France sans qu’aucun contrôle ne s’exerce. Preuves à l’appui, les journalistes pointent du doigt l’absence de traçabilité de ces dispositifs médicaux dont la fiche porte des numéros de conformité CE totalement fantaisistes correspondant… à des pièces pour ascenseurs ! Plus grave encore, certaines prothèses contiendraient des composant indésirables ou toxiques comme le plomb.
Au lendemain de la diffusion du reportage accusateur, le Conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes publie un communiqué de presse sur son site. Mais le mal est fait. Le doute s’est désormais instillé dans l’esprit de millions de téléspectateurs.
Autre tabou, le coût réel des prothèses dentaires est un secret extrêmement bien gardé. Nouveau coup dur pour les dentistes, la loi sur la traçabilité des prothèses dentaires entre en application à compter du printemps prochain. La nouvelle loi oblige désormais le chirurgien dentiste à mentionner, non seulement le pays où la prothèse a été fabriquée, mais également son prix de revient réel, élément par élément.
Plan média d’envergure
"Face à la récente multiplication d’émissions de télévision et d’articles de presse écornant l’image de notre profession, il était important de réaffirmer notre rôle sociétal" peut-on lire sur le site de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes. Affiches dans les cabinets dentaires, dépliants destinés aux patients, site Internet, location d’espaces publicitaires dans la presse, la campagne orchestrée par l’Ordre et l’ADF (Association Dentaire Française) est à la mesure de l’enjeu. De mi-octobre à fin novembre, une soixantaine d’organes de presse relaient la campagne de communication de la profession. Les principaux quotidiens nationaux (le Monde, le Figaro, Libération, l’Equipe, le Journal du Dimanche) ont été sollicités, de même qu’une quarantaine de quotidiens de la presse régionale dans la France entière. Des magazines (Express, Nouvel Observateur, le Point et le Figaro Magazine) relaient également le message dans leurs pages, sans oublier la presse santé grand public à travers Santé Magazine et Top Santé. L’Ordre annonce également que 350 sites Internet sélectionnés serviront de relais à la campagne de communication (holodent n’en fait pas partie).
Dans le but de prolonger l’impact d’une campagne que l’Ordre qualifie lui-même d’ambitieuse, chaque dentiste est invité à la relayer dans son cabinet dentaire grâce à un "kit de communication" composé de posters à afficher et de dépliants. Le but est de rassurer les patients, en particulier sur le sujet sensible de la qualité et la provenance des prothèses mises en bouche.
Enjeu d’une campagne ambitieuse
"Cette vaste campagne pour défendre notre image était nécessaire" assène l’Ordre des dentistes. Nécessaire, oui mais pourquoi ? C’est que l’enjeu est de taille. Les doutes sur l’origine des prothèses, autant que leurs coûts, font reculer les patients. Dans le même temps, les cliniques spécialisées dans le tourisme dentaire s’engouffrent dans la brèche et déploient des offres alléchantes dans le but de séduire les patients déçus par les cabinets dentaires français. Les filières du tourisme dentaire à l’étranger sont évidemment toutes prêtes à exploiter la perte de confiance des patients envers leur dentiste et, crise aidant, les cabinets dentaires pourraient bien se vider au profit de la Hongrie, de la Turquie ou d’autres destinations étrangères où la prothèse est plus attractive car notablement moins chère. La possibilité de se faire rembourser de tels soins, à condition qu’ils soient effectués dans un pays de l’Union Européenne, pourrait priver les cabinets français d’une partie de leur patientèle, comme c’est déjà le cas en Grande Bretagne.
La communication d’envergure des chirurgiens-dentistes suffira-t-elle à redonner confiance aux patients ?
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