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Accueil du site > Actualités > Santé > Les humains ne sont pas des rats de 70 Kg

Les humains ne sont pas des rats de 70 Kg

Il faut environ 12 ans et 500 millions d’euros pour mettre un nouveau médicament sur le marché, depuis sa découverte jusqu‘à sa vente. Les essais sur l’homme (dits “essais cliniques”) sont de loin l‘étape la plus coûteuse, comptant pour 80% du coût total, tandis que les essais sur des animaux comptent pour environ 1% du total. Sur 100 composés nouveaux qui semblent prometteurs au laboratoire, un seul arrivera aux essais cliniques. Et sur 10 composés qui subissent les premiers essais cliniques, un seul passera avec succès tous les tests et obtiendra son autorisation de mise sur le marché (AMM). Ceci représente un taux de succès d’environ… 0,1% !

Réglementation obsolète

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Dans le cadre de la Journée Mondiale des Animaux dans les Laboratoires, une marche européenne contre la vivisection aura lieu samedi 23 avril 2011 à Paris.Tous les citoyens sensibles à la cause animale sont invités à se joindre au mouvement d’opposition à l’expérimentation animale, scientifiquement et éthiquement irrecevable. Rendez-vous Place de l’hôtel de ville (Paris 4ème) à 13h30 – Métro Hôtel de Ville ou Châtelet.

Idéalement, les éventuels effets toxiques des candidats médicaments devraient être découverts le plus tôt possible afin de ne pas obliger l’industriel a retirer une substance au cours des essais cliniques de phase 2 ou 3 car, à ce stade, le développement du médicament a déjà coûté très cher. Toutefois, une limite majeure de cette stratégie est l’utilisation d’animaux et les différences entre espèces, ce qui mène à l‘échec dans la prédiction de la réponse humaine.

Le développement de médicaments implique bien plus que des tests sur des animaux. Par exemple, on étudie les propriétés chimiques des substances, comme la solubilité ou la stabilité. Leurs caractéristiques moléculaires peuvent aussi être étudiées sur des cellules en culture (in vitro).Finalement, leur toxicité sera évaluée sur deux espèces animales : un rongeur (généralement le rat) et un non rongeur (généralement le chien). Ces tests visent à déterminer la dose létale minimale du médicament expérimental. Si de grandes quantités de substance sont requises pour provoquer des symptômes d’empoisonnement, le profil de sûreté du produit sera probablement considéré comme acceptable. Toutes les données obtenues en laboratoire (sur les animaux et in vitro) seront alors soumises aux autorités de réglementation pour approbation.

Les autorités de réglementation, telles la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis et l’Agence européenne du médicament (EMA) exigent que les firmes pharmaceutiques fournissent des données montrant que les médicaments sont sûrs et efficaces. Mais comment sont obtenues ces données est largement laissé au choix de l’industrie. Toutefois, le cadre réglementaire encourage la soumission de données desquelles les autorités sont familières. Ainsi, les tests de routine sur des animaux sont plus facilement acceptés que des données obtenues par des méthodes modernes sans recours aux animaux, car les autorités ont moins l’habitude de traiter ces dernières. Ceci a créé une situation aberrante où les données issues de tests sur des animaux sont exigées par la réglementation alors que les données obtenues en utilisant des cellules humaines ne sont que facultatives.

Modèles variables

Revenons sur l’exigence réglementaire faite aux firmes pharmaceutiques de fournir des données de toxicité pour un rongeur et un non rongeur. Si les deux espèces tolèrent bien le nouveau médicament, ces données sont soumises à l’autorité de réglementation en vue d’obtenir la permission de procéder aux premiers essais sur l’homme. Ces premiers essais sont dits de “phase 1” et sont faits sur des volontaires sains. Toutefois, si une seule des deux espèces animales tolère bien le médicament, la firme qui effectue les tests est autorisée en fait, obligée à trouver une autre espèce animale de sorte que les données obtenues sur le rongeur et celles obtenues sur le non rongeur concordent et respectent les critères de “sûreté” des médicaments. Ainsi, des souris peuvent remplacer des rats, ou bien, des singes être utilisés à la place des chiens. Les autorités de réglementation font confiance aux firmes pour choisir le “modèle animal” le plus “approprié” pour tester leur candidat médicament.

Une fois complétée l‘étude de phase 1, des données humaines sont disponibles. Pour la première fois, le fabricant du médicament peut comparer les données de toxicité sur l’homme et sur des animaux et voir si elles concordent. Si oui, les mêmes espèces animales seront choisies pour les études de toxicité chronique (jusqu‘à 90 jours chez le rat et un an chez le chien). Mais si les données ne concordent pas, le fabricant devra rechercher une autre espèce animale et sélectionner celle dont la réaction est la plus semblable à la réaction humaine.

Si les autorités de réglementation acceptent les données animales, la deuxième phase des essais sur l’homme pourra commencer. Si tout va bien, le médicament recevra son AMM à la fin des essais sur l’homme. Si le médicament est susceptible d‘être prescrit à des femmes en âge de procréer, de nouveaux tests sur les animaux (ratte ou lapine gestante) seront exigés. Si le médicament peut traverser le placenta, il sera considéré dangereux de le prescrire à une femme enceinte.

Sûreté aléatoire

Si cette stratégie de tests ressemble plus à une série d’essais et erreurs qu‘à de la science… c’est parce que c’est exactement cela ! Malgré tous les tests requis sur des animaux, les effets secondaires de médicaments sont la quatrième cause de mortalité (après les maladies cardiovasculaires, le cancer et les attaques cérébrales). La principale cause de retrait du marché de médicaments est la toxicité hépatique, une donnée que les tests sur des animaux révèlent rarement.

Cette situation n’est pas meilleure pour évaluer les possibles effets sur le foetus humain. Les exigences réglementaires sont les mêmes aujourd’hui que dans les années 1960, lors de la tragédie de la thalidomide. Si nous voyons moins de médicaments provoquer des malformations foetales, ce n’est pas grâce aux tests sur des animaux, mais tout simplement parce que les médecins hésitent davantage à prescrire quelque médicament que ce soit aux femmes enceintes. La réglementation actuelle ne protège pas mieux qu’il y a cinquante ans les bébés à naître.

Quand il faut évaluer la toxicité des médicaments, les humains ne sont pas des rats de 70 kilos ! Il est temps de dépasser le paradigme actuel d‘évaluation de la toxicité des médicaments. La première étape serait de supprimer les exigences réglementaires pour des tests sur des animaux et remplacer ces tests par des méthodes scientifiques du 21ème siècle.


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14 réactions à cet article    


  • Greys 6 avril 2011 11:32

    Je suis globalement d’accord avec l’article, il manque un niveau de contrôle sur la veille médicamenteuse, cependant vous pointez du doigts les problèmes sans donner/proposer aucune solutions.

    Les méthodes actuelle n’ont pas réellement évoluée depuis 40ans, parce qu’il n’existe pas actuellement de solution alternative.
    Pouvez vous donner une méthode du 21e siècle efficace autre que tester sur du vivant ?
    Quel serait les normes acceptables aujourd’hui ?

    En général les médicaments sont test sur des rats car leur système immunitaire est relativement proche de celui de l’Homme et sont elevables en grande quantité.
    Passe la phase de test animale (6 mois a 1an).
    y a t-il un autre choix que de tester le médicaments sur des volontaires ?
    Bon a la différence des rats, on ne peut pas les sacrifier pour inspecter leur foie (droits de l’homme, toussa).
    Ca implique essentiellement des prises de sang, oscultation, etc.. bref un suivis régulier.
    La période de test peut aller de 1 a 5ans sur une gamme de 500 a 10 000 volontaires et ca coute cher, très très cher, plusieurs millions voir dizaine de millions d’euros.

    Les laboratoires pharmaceutique font de plus en plus appel a des organismes indépendants, tel que des services pharmaco-épidémiologique spécialisé dans ces études, relie a des Université et des hôpitaux.

    Comment peut-on déterminer les effets secondaire néfaste d’un médicament sur le long termes ? a 10ans ? a 20 ans ?

    Avec le temps, ces laboratoires dispose de matériel plus moderne, plus précis, permettant de mieux isoler les molécules actives.
    Cependant personnes ne peut prévoir un élément externe auprès d’un patient/volontaire provocant un effet indésirable.
    un petit exemple : qu’est ce qui se passe si une personne depressive traite sous valium decide de se prendre un petit whysky pour se remonter le morale en attendant que ca prenne effet ?
    Cela peut varier en fonction de l’environnement, de l’alimentation, de la physionomie d’une personne.
    Il est impossible de prévoir tout les paramètres faisant qu’une tranche de la population va présenter des symptômes alors que les études effectue jusque la étaient au vert.

    Si je devais présenter des idées pour faire évoluer le systèmes
    - Rendre obligatoire les études pharmacologies par des organismes indépendant.
    - Créer des bases de données nationaux de suivis de patient (référence par des ID pour ceux qui craignent pour leur vie prive) traite sous tel ou tel médicaments afin de de continuer la surveillance des effets sur le long termes. (existent a l’etrange mais curieusement pas en France a l’échelle national).

    Bon après si y a que des gens qui préfèrent se plaindre en disant que c’est une honte, sans rien apporter de constructif, je propose qu’il arrêtent de prendre des médicaments, ainsi ils ne seront plus concerne.


    • Antidote Europe 6 avril 2011 13:37

      Et pourtant, il existe des méthodes scientifiques peu connues du grand public, bien plus fiables et rapides. La toxicogénomique en est une. Cette approche a démontré que le bisphénol A est impropre à la consommation.


    • Greys 6 avril 2011 14:26

      Merci pour cette information :)
      Apres si on parle de toxicologie genetique, je doute que ce champ de recherche soit en lui même connu du grand publique ^^
      Comme je l’ai dit plus haut, les techniques sont amené a évoluer avec le temps et je doute que la toxico-génomique existait dans les annees 60.
      Même principe que dans tout les domaines savoir maintenir une veille technologique et agir en consequence.
      D’ici 10ans il existera surement de nouvelle techniques/études montrant que tel molécule active/médicament a un effet secondaire non désiré.
      Je pense que l’exemple le plus parlant pour illustrer mon propos est le cas de l’amiante qui a d’excellence propriété d’isolation avant qu’on se rende compte que c’était cancérigène.
      Tout évolue avec le temps.


    • Andre Menache 6 avril 2011 21:24

      Je vous invite, ainsi que tous les lecteurs, de visiter le site d’Antidote afin d’apprendre plus au sujet des méthodes fiables comme la pharmacogénomique et la toxicogénomique. Il s’agit d’appliquer plusieurs méthodes utilisant des donnés pertinents pour les humains, en étapes. Regardez par exemple ce video http://animal-tv.org/html/english/movie_good_bad_science_French.html
      Il est important de comprendre que les tests sur animaux sont moins fiables pour prédire l’effet chez les humains d’une substance, que jouer a pile ou face. Dans ce cas, il faut donc supprimer les tests sur animaux et a leur place, utiliser (et améliorer) toutes autres méthodes actuellements pertinentes pour les humains.


    • foufouille foufouille 6 avril 2011 12:44

      ca depend qui la fait et comment
      « notre poison quotidien » sur arte montrait la methode pour l’aspartame


    • Sous réserve de précisions ultérieures, pour Antidote Europe, le modèle du rat notamment, n’est pas transposable à l’homme du fait de la barrière des espèces. Ces tests purement réglementaires ne sont faits que pour permettre aux commanditaires (complexes industries) de décrocher une autorisation de mise sur le marché de la consommation.


    • Clojea Clojea 6 avril 2011 13:51

      Bonjour. Au delà des molécules « miracles » qui soulagent les maux de têtes et autres choses, il serait grand temps que la recherche s’oriente un peu plus sur les médicaments à base de plantes et autres. Mais cela ne rempli pas les poches des Labos pharmaceutiques, n’est-ce pas ? La chirurgie, la micro chirurgie etc.... ont fait d’énormes progrès. La médecine traditionnelle peu. C’est dans ce domaine ou il faudrait que cela évolue. Cela m’étonne toujours de constater que la médecine à peu évolué dans le traitement des migraines, de la ménopause, des polypes etc.... Réponse des médecins honnêtes : Ils ne savent pas comment enrayer ces quelques maux. Pourtant, je reste persuadé que des solutions existent. A quand une recherche extensive ? Pour les cobayes humains ou des rats, cela dépend comme dit Foufouille de comment cela est fait, de qui la fait etc...


      • BOBW BOBW 6 avril 2011 20:57

        C’est trés juste particulièrement pour l’allergie l’arthrite et l’arthrose qui sévissent chez des millions d’humains sans qu’ils aient encore trouvé de remèdes efficaces.


      • Tuscany 6 avril 2011 18:06

        ce qui est mauvais, mais avant d’utiliser un médicament à un enfant vaut mieux essayer sur un animal.
        By Tuscany


        • J-J-R 6 avril 2011 19:33

          Mettre dans la balance un enfant et un chien est une escroquerie intellectuelle qui confine à psychopathie. Émouvoir la population en émoustillant notre fibre émotionnelle est une sacrée supercherie faisant fi du recul rationnel inhérent à la méthodologie scientifique.
          Voilà l’unique argument que peut tenter de faire valoir les scientistes pour faire perdurer une pratique d’un autre âge.  Cela a fonctionné pendant des siècle mais une conscience collective est aujourd’hui à même de faire vaciller ce dogme mal fondé scientifiquement pour le plus grand bonheur des malades qui ont gardé une grande espérance dans les progrès de la science.


        • Croa Croa 6 avril 2011 22:57


          Pauvres gosses !

          Les essais sur les animaux constituent un « parapluie » efficace en effet....  smiley

          ... pour les laboratoires !  smiley


        • perlseb 6 avril 2011 19:59

          La mise sur le marché de nouveaux médicaments est comme la mise sur le marché de nouveaux insecticides, pesticides, c’est aussi comme le nucléaire. Ce sont des hommes orgueilleux qui croient maîtriser ce qu’ils font alors qu’ils ne font qu’analyser un effet principal à court terme (adieu la recherche d’effets secondaires, bien trop coûteux l’étude d’effets à long terme : la sécurité n’a jamais été rentable).

          Nous vivons une époque formidable, où nous sommes tous des cobbayes que nous le voulions ou non (je ne prends aucun médicament mais je prends comme tout le monde ma dose de nucléaire, d’ondes électromagnétiques et de produits phytosanitaires). Dans 100 ans, avec le recul et les résultats effectifs de tous ces tests en grandeur nature, nous n’aurons qu’une meilleure connaissance statistique (car les individus sont tous différents et peuvent avoir des réponses très différentes). Mais tout ça est loin d’être un véritable progrès. D’ailleurs la médecine ne fait qu’achever la race humaine en la rendant de plus en plus fragile. Nous nous approchons inéluctablement d’une grande hécatombe et finalement, vu le nombre de rats humains dévastateurs qu’il y a, ça ne sera pas une mauvaise chose pour cette planète.


          • Croa Croa 6 avril 2011 23:04

            « Mais tout ça est loin d’être un véritable progrès. »

            Ha si !

            Tous ces « nouveaux » médicaments, toutes ces « innovations » ça marche !

             smiley CA MARCHE TRES FORT MEME...  smiley

            ... commerçialement !  smiley


          • Annie 6 avril 2011 20:40

            Je trouve cette approche intéressante, mais je suis incapable de juger si vous avez raison ou tort. J’ai visité votre site internet, pensant trouver peut-être un site de scientologie (difficile de ne pas voir des complots partout), et il est intéressant et informatif. Je me pose quand même la question suivante et cela sans considérer l’aspect déontologique des expériences sur les animaux. Comment est-il possible de tester les risques de mutation sur des cellules humaines ? Si les rats ont été choisis, c’est parce qu’ils se reproduisent rapidement. Il me semble qu’il y autant de risques à choisir d’expérimenter sur des cellules humaines que sur des rats, seulement les expériences n’essayent pas d’évaluer les mêmes risques.

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