Les mots révoltants de la crise sanitaire
Malheureusement, il n’y a pas que le bilan sanitaire, le bilan économique et les atteintes à nos libertés qui posent problème dans la gestion de cette crise sanitaire. Les mots qui ont été choisis par nos dirigeants lors de cette crise ont trop souvent également été choquants, entre approximations blessantes et infantilisation outrancière de l’ensemble des Français. Retour sur quelques exemples…Malheureusement, il n’y a pas que le bilan sanitaire, le bilan économique et les atteintes à nos libertés qui posent problème dans la gestion de cette crise sanitaire. Les mots qui ont été choisis par nos dirigeants lors de cette crise ont trop souvent également été choquants, entre approximations blessantes et infantilisation outrancière de l’ensemble des Français. Retour sur quelques exemples…
Insensibilité arbitraire et autoritaire
Dès son démarrage, la crise sanitaire a provoqué une crise sémantique. Dès le mois de mars, nos dirigeants et nos média nous ont exhorté à la « distanciation sociale » pour faire reculer la pandémie. C’est le premier terme mal choisi. Si les mesures prises peuvent aboutir à une forme de distanciation sociale, l’objectif était surtout une « distanciation physique » entre les citoyens, à savoir limiter le plus possible les contacts physiques, pour casser les chaines de contamination. En revanche, tous les moyens modernes de communication peuvent permettre de grandement limiter la distanciation sociale, même s’il est vrai que la distanciation physique tend souvent à en créer. Et surtout, autant l’exhortation à la distanciation physique se comprend de manière parfaitement apaisée avec l’épidémie, autant exiger une distanciation sociale par imprécision est plus difficile à supporter, et donc à se voir recommander, du fait de l’ampleur plus grande des sacrifices qu’elle peut sembler demander aux citoyens.
Deuxième terme qui aura beaucoup marqué le second confinement : celui de « commerce essentiel », qui implique, par ricochet, que les commerces qui ne sont pas qualifiés de la sorte ne sont pas essentiels… Autant le caractère très restreint des commerces ouverts lors de la première vague n’avait pas trop porté à polémique sur le sujet, autant le caractère moins restrictif du second a suscité des comparaisons délicates, entre commerces ouverts et commerces fermés, certains commerces ouverts (bricolage, caviste) pouvant sembler moins essentiels que certains commerces fermés (puériculture, librairie). D’abord il faut pointer que, là encore, la France a fait le choix de restrictions plus fortes que beaucoup de pays, l’Allemagne ayant longtemps gardé tous ses commerces ouverts. Pire, aucune étude ne montre que les commerces fermés étaient particulièrement dangereux, la concentration dans ceux restés ouverts pouvant au contraire y accentuer la densité des clients, et donc le danger épidémique…
En outre, ce terme est une double peine pour les commerces fermés, qui, outre une fermeture qui peut les envoyer à la faillite, subissent aussi le qualificatif de « non essentiel ». Non seulement ce dont ils font commerce est qualifié de non essentiel, en faisant des commerçants de seconde zone par rapport à ceux qui ont pu rester ouverts, mais en plus, leur fermeture administrative risque bien de rendre leur avenir non essentiel également. Il aurait été beaucoup plus judicieux de séparer de manière plus neutre les « commerces autorisés » à ouvrir des « commerces non autorisés » à ouvrir. Mais ce faisant, nos dirigeants se seraient placés en première ligne dans la séparation entre les deux catégories. Ils ont donc préféré créer une distinction arbitraire et très contestable entre les commerces qui seraient essentiels et ceux qui ne le seraient pas, sans se rendre compte de tout ce que cela implique…
Puis, la préparation du second déconfinement a donné lieu à un incroyable discours de Jean Castex, qui n’a rougi au fait de parler publiquement du fait de « desserrer la bride » des Français ! Bien sûr, cette expression est utilisée dans la vie de tous les jours, mais la parole publique d’un dirigeant a une importance qui devrait amener à un peu plus de réflexion dans l’usage que l’on fait des mots. Bien sûr, évoquer une bride serrée décrit probablement bien le sentiment des Français sur la manière dont nous avons été traités pendant ce confinement. Mais, parler de « desserrer la bride » des Français, c’est quand même assimiler les citoyens à des chevaux que l’on monte ou que l’on mène ! L’image est tout de même assez choquante, et probablement un peu trop révélatrice de l’état d’esprit de cette majorité. On y retrouve le complexe de supériorité typique de la macronie, que sa gestion effarante de la crise sanitaire aurait pourtant dû pousser à plus d’humilité. Et c’est aussi très symptomatique d’un rapport au peuple à mille lieues du gaullisme, qui le place tout en haut de la hiérarchie, quand Jean Castex nous compare ici à du bétail qui doit être dirigé… Nouvelle preuve du gaullisme de pacotille du Premier ministre.
Plus dernièrement, Jérôme Salomon a complété la collection en affirmant qu’« on peut voir papy et mamie, mais on ne mange pas avec eux, même à Noël », suggérant de « coupe(r) la bûche en deux » pour que « papy et mamie mangent dans la cuisine et nous dans la salle à manger ». Cette déclaration, que même le Gorafi n’aurait peut-être pas osé inventer, a naturellement déclenché un tir de barrage dans les médias, certains « papy et mamie » ne goûtant guère les recommandations de ce dirigeant de l’AP-HP. On y trouve un condensé de tout ce qui ne va pas dans la gestion de la crise sanitaire par nos dirigeants. D’abord, il est choquant de le voir assigner « papy et mamie » à la cuisine, quand le reste de la famille a droit à la salle à manger, Jérôme Salomon faisant des personnes âgées des citoyens de seconde catégorie… En outre, il est pénible d’être autant infantilisé avec des consignes si précises qu’elles semblent destinées à un enfant en bas âge. Et pour finir, on retrouve le caractère profondément arbitraire de cette haute fonction publique qui prétend édicter des normes uniques pour des cas totalement très différents, alors que nous pourrions privilégier des conseils généraux flexibles et adaptables…
Les mots de cette crise sanitaire ont le don de confirmer à quel point cette majorité gère mal la crise actuelle. Ils montrent à nouveau l’amateurisme de dirigeants tellement dans la réaction, parce qu’ils n’anticipent pas, qu’ils ne prennent pas le temps de faire attention aux mots qu’ils emploient. Et ce faisant, ils confirment encore leur mépris à l’égard de ceux qui ne sont rien à leurs yeux…
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