• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Santé > Les problèmes de l’industrialisation du don d’organes

Les problèmes de l’industrialisation du don d’organes

Dans cet article, nous évoquerons les problèmes qui peuvent naître d’une logique d’augmentation des dons d’organes dans un contexte où le temps est parfois compté et les conséquences d’un interventionnisme excessives. Nous reviendrons sur l’actualité des recherches sur les cellules souches embryonnaires obtenues à partir de cellules adultes : quel est leur potentiel thérapeutique, et plus particulièrement leur utilité pour les transplantations ? Les cellules souches sont la boîte à outil de la médecine régénératrice de demain, celle qui permettrait de régénérer nos organes. Une solution aux problèmes que pose l’industrialisation du don d’organes ?

Des cellules souches pour régénérer des organes :
Le 20/11/2007 a été un grand jour pour les espoirs que représentent les cellules souches (pouvoir un jour réparer les organes sans avoir recours aux transplantations d’organes, en tout cas pour les petits organes) : on peut désormais créer des cellules souches humaines pluripotentes (qui peuvent se transformer en différents organes, à condition d’être éduquées) à partir de cellules adultes, et non de cellules embryonnaires (ce qui posait des problèmes d’éthique). Quant au clonage (dit "transfert nucléaire" en termes savants, pour ménager l’opinion publique effrayée à la perspective du clonage humain) : cette piste est abandonnée : le père de Dolly, la brebis clonée, s’intéresse désormais aux cellules souches et non plus au clonage. Espérons que les cellules souches du sang de cordon, de la peau et du liquide amniotique, dont on commence à découvrir le potentiel thérapeutique, tiendront leur promesse. Quel est le danger ? "L’origine des cancers, ce sont les cellules souches. Si chacune de nos cellules est immortelle, si nous avons en permanence des cellules souches capables de proliférer, alors le risque qu’émerge un cancer est très grand." (Pr Axel Kahn). Eduquer les cellules souches pour qu’elles parviennent à régénérer des organes sans occasionner un cancer, et sans la nécessité d’utiliser de dangereux rétrovirus dans le processus de régénération, voilà les enjeux de la recherche actuelle.

Explosion du nombre de patients inscrits en liste d’attente afin de recevoir un greffon entre 2005 et 2006 :
On peut lire sur le site de France ADOT : "Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente est plus élevé (+ 4 % en 2006) et le décalage entre le nombre de nouveaux inscrits (5 433 en 2006) et le nombre de greffes réalisées reste important (...). En 2006, 12 411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organe. En effet, le nombre de patients restant inscrits en liste d’attente au 31 décembre 2005 était de 6 978, auxquels se sont ajoutés 5 433 patients nouvellement inscrits sur la liste nationale d’attente au cours de l’année." D’après ces chiffres, le nombre de personnes inscrites en liste d’attente a augmenté de 77 % entre 2005 et 2006, et non de 4 % comme indiqué. Si "l’activité de greffe a augmenté de 4 % en 2006", alors il ne devrait pas y avoir pénurie, puisqu’il y a augmentation de 4 % d’un côté comme de l’autre... Or bien entendu, ce n’est pas le cas. La pénurie de greffons subsiste, elle est même renforcée par cette explosion du nombre de patients inscrits sur la liste nationale des malades en attente de greffe. La formulation : "patients nouvellement inscrits sur la liste nationale d’attente au cours de l’année [2006]" ne permet pas de savoir où se situent les patients qui ne sortent pas de la liste d’attente, car la greffe dont ils ont déjà pu bénéficier n’a pas marché pour eux (rejet). Combien de patients sont-ils dans ce cas, et quel pourcentage cela fait-il, sur le nombre total de patients en attente de greffe ?

La pression idéologique et économique subie par le corps médical pour mettre à disposition des donneurs d’organes "décédés" s’accroît. Le consentement présumé, inscrit dans la loi en France, est au service de cette tendance lourde.

Or, cette massification du don d’organes n’est pas sans poser de problèmes d’éthique, comme on le voit à l’appui du témoignage suivant, qui m’est parvenu vendredi 23/11/2007 :
"Je suis Alain Tesnière, le père de Christophe, dépecé à Amiens. Claire Boileau en parle dans son livre pp. 57-58*. J’ai écrit un livre** certes, mais il a fallu mener un combat de plus de dix ans à la suite de notre plainte. Un combat vain, mais j’ai accumulé beaucoup de documents, j’ai fait des recherches. Je continue à penser que le consentement présumé n’a aucun fondement éthique et qu’il faut le retirer de la loi. (...) Depuis 1991, pratiquement rien n’a changé dans la loi sur les prélèvements d’organes. Rien n’a changé dans le discours officiel qui n’est en fait que de la propagande. On entend toujours les mêmes mots ’pénurie de greffons’ : c’est-à-dire pas assez de morts. Les bricolages juridiques des lois dites de bioéthique sont des contresens. Et j’en passe."

* Claire Boileau : Dans le dédale du don d’organes. Le cheminement de l’ethnologue, éditions des Archives contemporaines, 2002, pp.57-58 : "(...) ’l’affaire d’Amiens’, révélée par le quotidien Le Monde, (...) éclate en 1992. Elle met précisément en exergue sinon la volonté du défunt, du moins l’information détenue par la famille en matière de prélèvements d’organes pratiqués sur un proche. En août 1991, les parents d’un jeune homme de 19 ans perdent leur fils à la suite d’un accident et consentent à certains prélèvements d’organes. En novembre, ils apprennent que des actes chirurgicaux autres que ceux auxquels ils avaient souscrit ont été effectués sur leur fils : le prélèvement de plusieurs artères ou veines et, surtout, le prélèvement des globes oculaires. Or si la loi Caillavet de 1976 autorisait bien les prélèvements d’organes à but thérapeutique, elle ne faisait toutefois pas obstacle à la loi Lafay de 1949 qui précisait que les prélèvements de cornées étaient soumis à un legs testamentaire. Or le jeune homme n’avait pas fait un tel legs. On leur fit savoir que le prélèvement de cornée pouvait être assimilé à un prélèvement de tissu dans la mesure où de nouvelles techniques évitaient l’extraction tout entière du globe oculaire. En ce cas, ils demandèrent pourquoi les globes oculaires de leur fils avaient été remplacés par des prothèses : ’Lorsque nous avons découvert que les médecins d’Amiens avaient trahi notre confiance en ne prélevant pas seulement les quatre organes que nous avions accepté de donner, mais aussi les veines, des artères et surtout les yeux de notre fils Christophe, remplacés par des globes oculaires artificiels, nous fûmes horrifiés. Les médecins n’avaient pas respecté leur engagement, avaient menti en cachant la réalité d’un prélèvement multi-organes, n’avaient pas respecté la loi Lafay qui exigeait un legs testamentaire pour le prélèvement des cornées. D’un point de vue éthique, nous découvrîmes que les médecins se mettaient au-dessus des lois et, encouragés par le législateur qui avait mis à leur disposition le consentement présumé, avaient une ignoble notion de la dignité et du respect de la personne humaine. La confiance a disparu, la transparence a été malmenée. Que reste-t-il ? Un profond sentiment d’horreur face aux prétendus progrès de la médecine. En effet, ’l’affaire d’Amiens’ n’est pas un simple dérapage. Elle met en cause tout le système." Copyright : édition des Archives contemporaines.

** Alain Tesnière est l’auteur du livre paru en 1993 aux éditions du Rocher : Les Yeux de Christophe. L’affaire d’Amiens, et de l’article paru dans Etudes, Paris, novembre 1996 : Où est l’éthique ? [pp. 481-484]

Le témoignage de M. Tesnière met en exergue la logique d’une augmentation du don d’organes. Cette logique est problématique. Je reviens sur la phrase : "Les bricolages juridiques des lois dites de bioéthique sont des contresens". En ce qui concerne la définition de la mort, la médecine n’est pas une science exacte. Quelles sont les conséquences de ce constat pour la pratique des transplantations d’organes ? Un article scientifique paru le 25/11/2007 *** explique les problèmes éthiques que pose, aujourd’hui encore, le constat de décès sur le plan de l’éthique dans le cas des prélèvements d’organes sur donneurs "décédés". Face à l’incapacité de la médecine à déterminer le moment précis de la mort, l’auteur de l’article appelle la société tout entière à débattre sur la pratique des prélèvements d’organes sur donneurs "décédés", c’est-à-dire : dont on prévoit le décès car ils sont engagés dans un processus de mort irréversible, que ces donneurs d’organes dits "décédés" soient en état de mort encéphalique ou en "arrêt cardio-respiratoire persistant". Confondre à dessein pronostic de mort et décès ne constitue pas une simple faute de méthodologie. Et s’il y avait violation du respect de la personne ? Un donneur "décédé" dont on prélève les organes est devenu un simple réservoir d’organes, ce n’est plus une personne. Le constat de décès (fiction juridique ?) effectué au préalable permet un tel traitement. A la lumière de ces faits, la faute de méthodologie n’est ni innocente, ni anodine : elle permet d’obtenir des organes en instrumentalisant des personnes mourantes. La société ne doit pas ignorer cette pratique. Elle doit exprimer son consentement. Ou son refus. Faute de quoi le consentement éclairé inscrit dans la loi restera lettre morte, et le mariage voulu par la loi entre consentement éclairé et consentement présumé un infernal mariage entre Kant et Sade.

*** "The ethics of donation and transplantation : are definitions of death being distorted for organ transplantation ?" Article by Ari R. Joffe, in : "Philosophy, Ethics, and Humanities in Medicine" 2007, 11/25/2007 (lire cet article en anglais)

Rappelons qu’en 2006, les prélèvements "à cœur arrêté" ont repris en France, et qu’une situation d’arrêt cardiaque peut désormais conduire à un prélèvement d’organes. L’arrêt cardiaque ne signifie plus simplement la mort de l’individu. La loi du 21 avril 2005 établit la procédure des prélèvements d’organes "à cœur arrêté" - procédure qui permet qu’une situation d’arrêt cardiaque devienne une source de greffons. Vous avez bien lu : un patient dont les fonctions cardiaques et respiratoires sont en arrêt persistant peut désormais devenir donneur d’organes. Rappelons que les donneurs d’organes "décédés" peuvent être en état de "mort encéphalique" (dans ce cas le cœur peut être prélevé), ou en état d’"arrêt cardiaque et respiratoire persistant" (dans ce cas, le cœur ne peut pas être prélevé, car il serait en trop mauvais état pour être greffé avec succès). Les cornées constituent un cas à part : en effet, elles peuvent être prélevées sur n’importe quelle personne décédée, et non pas seulement sur les personnes en état de "mort encéphalique" ou en état d’"arrêt cardio-respiratoire persistant" (bien que chez ces donneurs les cornées puissent être prélevées aussi, comme on l’a vu avec le témoignage de M. Tesnière). Les prélèvements de cornée à but thérapeutique sont prévus par la loi de bioéthique du 29 juillet 1994 et les décrets subséquents (cette loi a été révisée en 2004). Cette loi de bioéthique (1994, révisée en 2004) définit les conditions de prélèvements d’organes et de tissus, avec quelques particularités propres aux prélèvements de cornée : "Le prélèvement sera réalisé dans les meilleurs délais, avant la sixième heure du décès. Le délai moyen de prélèvement post-mortem, toujours pour les cornées, se situe entre la 11e et la 12e heure. Cependant, un prélèvement peut être réalisé à jusqu’à la 20e heure si le corps a été placé rapidement après le décès en chambre froide à +4°C" (source).

Le prélèvement de cornées, comme on l’a dit, constitue un cas à part, car il ne pose plus le problème de la question du constat de décès du donneur sur le plan de l’éthique : ce donneur de cornée est bel et bien mort et... refroidi. Les donneurs d’organes, quant à eux, sont soit réanimés soit maintenus en vie artificielle, le temps de prélever leurs organes : le cœur, les reins, les poumons, le foie, le pancréas, les intestins, les valves, vaisseaux et autres tissus (dans le cas d’un prélèvement multi-organes). En théorie, les familles confrontées au don d’organes doivent avoir consenti au don de chacun des organes et tissus que les équipes chirurgicales vont prélever sur le patient en état de "mort encéphalique" ou "en état d’arrêt cardio-respiratoire persistant" (prélèvements "à cœur arrêté"). Pour des raisons sentimentales aisées à comprendre, le don de cornées ne recueille pas toujours le consentement des proches/familles des personnes décédées. Dans son livre intitulé Nous t’avons tant aimé : l’euthanasie, l’impossible loi, (2004, éditions du Cherche-Midi), le Pr Bernard Debré écrit [p. 105] :
"Aujourd’hui, pour greffer un cœur ou un foie, il faut trouver un donneur. Un homme ou une femme, jeune de préférence, qui vient de mourir d’un accident, et dont certains organes fonctionnent encore. Mais il convient, pour pouvoir les utiliser, de remplir certaines conditions, dont la principale, qui n’est pas la moindre, consiste à déterminer leur compatibilité avec l’organisme du receveur. Et encore faut-il, dans ce cas, que la famille de la personne décédée soit favorable à un tel prélèvement ’post mortem’, ce qui est loin d’être fréquent, pour des raisons sentimentales aisées à comprendre. Il suffit d’avoir suivi un débat sur le sujet à l’Assemblée nationale pour saisir la charge d’irrationnel qui s’attache à cette question, y compris chez les personnalités réputées les plus ’froides’. Je me souviens d’un parlementaire ’bouffeur de curés’ - donc, j’imagine, athée - qui, dressant, le plus doctement du monde, la liste des organes pouvant être récupérés sur un ’mort’, fit soudain une exception pour les cornées... Parce que, plaida-t-il dans une envolée logique, on ne pouvait traiter comme un autre organe ce qu’il appelait sans rire ’les portes de l’âme’..."

Le témoignage de M. Tesnière, et le titre du livre dont il est l’auteur, Les Yeux de Christophe, attestent l’existence de ces raisons sentimentales. Certains parents peuvent être effrayés par l’intrusion des équipes chirurgicales de prélèvement dans le processus de décès de leur enfant, se demandant s’ils ne risquent pas de l’abandonner au pire moment de sa courte existence, en acceptant le don d’organes. D’autres encore sont d’accord pour donner un ou deux organes, mais ne peuvent accepter que l’on prélève tous les organes et tissus de leur proche mourant. Les raisons du refus des familles confrontées au don d’organes ne se laissent donc pas réduire à un simple "égoïsme", ou "repli sur soi", comme il serait naïf de le penser. La réalité est infiniment plus complexe. A la phrase tant rebattue : "le don, point d’interrogation", on pourrait substituer celle, beaucoup plus taboue, mais combien plus réelle et douloureuse : "La mort, point d’interrogation". Le fait que la médecine échoue à définir la mort (le moment exact de la mort) en termes scientifiques sans qu’il y ait controverse rend la question du don d’organes à sa mort extraordinairement complexe. Dans le cas des prélèvements "à cœur arrêté" : ce qu’il faut savoir, c’est que "le décret du 2 août 2005 autorise en particulier les équipes médicales à mettre en place des moyens de préservation des organes en attendant l’entretien avec les proches" (source : Agence de la biomédecine). Ce décret a été mis en place afin de fournir une justification légale aux gestes invasifs qui ne sont plus dans l’intérêt du patient "candidat" au don d’organes. Une réanimation sur un patient en arrêt cardio-respiratoire persistant dans le "seul" but de conserver ses organes est douloureuse, entre autres pour les réanimateurs qui la pratiquent, mais on dit qu’elle poursuit un "bien supérieur" : la mise à disposition de greffons. On peut donc voir, à l’appui de la mise en place de la pratique des prélèvements "à cœur arrêté" en 2005-2006, que la tendance d’une massification du don d’organes - tendance déjà dénoncée par M. Alain Tesnière en 1992-1993 - se confirme. L’industrialisation du don d’organes est une tendance lourde, qui pose des problèmes d’éthique.

Les transplantations étaient le fruit d’un miracle de générosité, le donneur d’organes "décédé" acceptant a priori l’intrusion des chirurgiens dans son processus de mort, afin que ses organes puissent être récupérés. Elles sont aujourd’hui un impératif économique (obligation de fournir un maximum de greffons). De procédure d’exception, elles sont en passe de devenir la règle. A ce compte, les usagers de la santé ne doivent pas s’attendre à ce qu’une information impartiale leur soit fournie : la promotion du don d’organes est devenue une obligation pour toute institution médicale et pour tout laboratoire pharmaceutique. Il y va de la survie financière de ces institutions et des bénéfices de ces entreprises. Rappelons qu’en Espagne, les services de coordination des transplantations, exclusivement composés de médecins, sont présents dans de très nombreux hôpitaux. Plus ces services fournissent de greffons, plus ils sont financés par l’Etat (les services de coordination des transplantations, pas les médecins eux-mêmes). On peut penser que le système espagnol, considéré comme exemplaire par les institutions médicales françaises, sera bientôt mis en place en France. En effet, l’Espagne est le pays d’Europe où le nombre de donneurs d’organes est le plus élevé (donneurs "décédés" à plus de 99 %. L’Espagne pratique très peu les greffes d’organes à partir de donneurs vivants - de tels donneurs pouvant fournir un lobe de foie ou un rein à un proche compatible qui a besoin d’une greffe, voir le cas de Richard et Marie Berry en France). En même temps, dans un tel système, le don d’organes doit être "anonyme et gratuit". Combien de deuils pathologiques ce système engendre-t-il, côté donneur - les familles confrontées au don d’organes, à l’exemple de M. Tesnière - comme côté receveur - les patients morts "en attente de greffe" : n’a-t-on pas donné de faux espoirs à ces patients et à leur entourage ? Rappelons que le nombre des patients inscrits sur la liste d’attente en France a augmenté de 77 % entre 2005 et 2006, alors que pour cette même période, l’activité des greffes a augmenté... de 4 %. Dans ces conditions, le processus de deuil des proches d’un patient décédé "dans l’attente d’une greffe" va être fort douloureux, car retardé et emprunt d’un sentiment d’injustice insoutenable. L’intérêt des institutions promouvant le don d’organes n’est-il pas de diviser les usagers de la santé en deux camps irréconciliables : d’un côté les donneurs ou donneurs potentiels (dits peu généreux) et de l’autre les patients en attente de greffe (dénonçant l’égoïsme et le repli sur soi d’une population qui refuse le don d’organes) ? Comment un père confronté au don d’organes comme M. Tesnière est-il supposé comprendre le discours médiatique sur le don d’organes, qui commence invariablement par : "Seuls XX patients ont pu être greffés en [année]" ? Comment des patients en attente de greffe peuvent-ils comprendre la phrase : "Tous les individus ont des chances égales quant à l’attribution des greffons." (Agence de la biomédecine). 77 % d’augmentation d’un côté et 4 % de l’autre, voilà qui ne parle pas en faveur de "l’égalité des chances". Le talon d’Achille des transplantations, c’est la pénurie. Sans parler du problème que pose le constat du décès du donneur sur le plan de l’éthique. Au niveau européen, la plus grande prudence est manifestée vis-à-vis du don d’organes à partir de donneurs vivants, car la peur d’encourager le commerce (illicite) des greffons est latente. La pression pour mettre à disposition des donneurs "morts" est d’autant plus forte...

Dire qu’il y a d’un côté les (non-)donneurs et de l’autre les patients en attente de greffe, négligés par une population égoïste et individualiste qui nie la solidarité et la morale, c’est mépriser (à dessein ou non) la complexité de la réalité. M. Tesnière a constaté que les greffés qu’il a rencontrés souffrent de la culpabilité d’avoir bénéficié de la mort d’autrui. Même si cette culpabilité est refoulée, elle n’en est pas moins problématique. Bien des patients greffés s’interrogent, ou refoulent l’interrogation sur la mort de "leur" donneur. Cette mort - c’est-à-dire les conditions dans lesquelles le donneur mourant est décédé, pendant l’opération visant à récupérer ses organes - cette mort, donc, est aussi devenue leur problème, que ce soit sur le mode du refoulement ou non. M. Bertrand, le patron des éditions du Rocher jusqu’en 2005, aurait ainsi commenté la publication du livre Les Yeux de Christophe. L’affaire d’Amiens : "La mort, point d’interrogation". Et disons-le clairement : l’éthique des patients en attente de greffe est un sujet tabou. Seuls l’égoïsme et le repli sur soi des non-donneurs seraient problématiques ? Or les familles confrontées au don d’organes et ayant refusé, car trop effrayées par l’intrusion dans le processus de mort que suppose le prélèvement d’organes, sont culpabilisées par ce refus. Elles parlent de choix inhumain, insoutenable (choisir entre deux intérêts incompatibles : celui de l’accompagnement de leur mourant et celui des patients en attente de greffe). Les proches d’un patient ayant refusé une greffe pour des raisons d’éthique et étant de ce fait décédé prématurément (une greffe aurait peut-être aidé ?) portent également un lourd poids de culpabilité. S’il est bien une chose qui rapproche les deux camps dont on veut à toute force nous démontrer la rivalité, c’est bien la culpabilité. Et un insoutenable sentiment d’injustice. Est-il tabou de parler de la culpabilité ressentie par les greffés ? Un proverbe africain dit que la main qui donne est plus haute que celle qui reçoit. On voit bien comment un système de recyclage d’un individu à l’autre aurait pour conséquence la massification ou fabrication à la chaîne de deuils pathologiques.

Les transplantations coûtent très cher, mais elles sont aussi très lucratives. Nul doute que c’est là une bonne nouvelle pour les hôpitaux réalisant les greffes et les laboratoires pharmaceutiques (un patient greffé doit prendre chaque jour une trentaine de médicaments). Mais il est urgent que chacun réfléchisse au "mourir" sans pression idéologique. La route de l’enfer est pavée de bonnes intentions, dit-on. M. Tesnière ne sera sans doute pas le seul à pouvoir donner à ce dicton son pesant de vécu. Avant de dire oui au don d’organes à notre mort - et non "après notre mort", comme l’affirme pourtant la propagande mensongère, car en réalité les organes d’un mort ne peuvent soigner personne, à moins de dire qu’un mourant est un mort, et de passer sous silence cette faute de méthodologie ou mensonge éhonté -, interrogeons-nous sur la fin de vie que ce don supposerait, sur les contresens et bricolages de la loi, sur les questions d’éthique soulevées par le consentement présumé. Le consentement présumé permet que le don d’organes devienne un phénomène de masse. Mais nous devons aussi nous interroger sur l’impact que ce don aura sur nos proches, dans ce qu’il est convenu d’appeler leur "processus de deuil". La phrase anodine "Nul n’est censé ignorer la loi" prend une tournure dramatique à la lumière du témoignage de M. Tesnière. Faute de réquisitionner les corps des mourants "candidats" au "don" d’organes, il ne faudra pas s’étonner que certains voient le verre d’eau à moitié vide là où d’autres le verront à moitié plein. Une réquisition des mourants pour un "bien supérieur" ne va pas dans le sens de la démocratie (voir l’exemple de la Chine, avec l’affaire des prélèvements d’organes sur des prisonniers). Il est urgent d’inviter les usagers de la santé à réfléchir sur cette notion de "bien supérieur" que représentent les transplantations d’organes, afin de la qualifier, quantifier et relativiser, pour enfin sortir de l’idéologie et des dogmes qui instrumentalisent la réflexion. Absolutiser ce "bien supérieur", c’est marteler, comme ce célèbre chirurgien pionnier des transplantations : "Tout ce qui n’est pas donné est perdu", et qui envisageait les transplantations comme "une glorification de la mort". Peut-on dire que la mort est glorieuse ? Il n’est pas certain que M. Tesnière ait vécu le "don" de cornée comme une glorification du décès de son fils.

Lors du colloque sur les cellules souches adultes, le 22/11/2007 au Sénat, devant les progrès considérables accomplis grâce aux cellules adultes et de sang de cordon, le Pr Claude Huriet a demandé à Mme Marie-Thérèse Hermange, sénateur de Paris, membre du Comité consultatif national d’éthique, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine et organisatrice de ce colloque, si le Sénat était bien conscient de la nécessité d’intensifier les efforts, notamment au plan politique et financier, pour favoriser les recherches sur les cellules souches. Il a également demandé la poursuite du moratoire sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires mis en place par la loi de bioéthique de 2004, en maintenant l’interdit de principe de faire de la recherche sur les embryons énoncé par cette loi. Le Pr Huriet a expliqué que les enjeux des progrès de la médecine régénératrice (régénérer des organes sans recourir à la transplantation, ce qui passe par la recherche sur les cellules souches) sont d’une extrême importance, puisque, faute d’alternative à la transplantation, les prélèvements d’organes sur donneurs "décédés" requièrent que des équipes de réanimation acceptent de procéder à la réanimation de patients engagés dans un processus de mort, cette acceptation n’allant pas de soi. Il convient de tout mettre en œuvre pour ouvrir la voie à d’autres alternatives, et la régénération des organes constituerait une alternative éthique aux transplantations d’organes - alternative certes attendue avec impatience. Même si la médecine régénératrice n’est pas pour tout de suite, nous avons le devoir de tout faire pour ne pas fermer la porte à ces recherches.

En France, il y a entre 30 000 à 50 000 greffés en vie (chiffres de 1997, source : Agence de la biomédecine). En France, pour la seule année 2006, 12 411 personnes ont eu besoin d’une greffe d’organe ! (source : France ADOT). Le don d’organes ne résoudra jamais les problèmes de pénurie de greffons, de compatibilité des donneurs et des receveurs, du rejet des "greffons", des résultats de survie, des effets secondaires des immunosuppresseurs. Le don d’organes ne pourra jamais résoudre les problèmes posés par les transplantations.

Ce qu’ont fait les transplantations à petite échelle, il faut espérer que les recherches en médecine régénératrice pourront le faire à grande échelle. C’est là une perspective, même si ce n’est pas la seule (on peut aussi penser aux cœurs artificiels), et s’il nous faut encore être prudents dans nos espoirs. La bonne nouvelle ? Les cellules souches peuvent être dérivées des tissus graisseux. Ces cellules souches provenant des tissus graisseux peuvent se différencier en de nombreux, différents tissus. De nombreux patients obèses seront ravis de se débarrasser de leur graisse au cours d’une liposuccion, apportant ainsi des cellules souches capables de régénérer des tissus. A condition que ce potentiel thérapeutique tienne ses promesses, voilà un don qui devrait poser moins de problèmes que celui de nos organes à notre mort. Et si les problèmes posés par l’industrialisation du don d’organes pouvaient un jour être résolus par ces cellules souches obtenues sans embryon ? Exclure d’emblée cette éventualité ne serait ni éthique ni raisonnable.


Moyenne des avis sur cet article :  4/5   (12 votes)




Réagissez à l'article

12 réactions à cet article    


  • eric 28 novembre 2007 15:07

    bonjour, vous écrivez et surlignez en gras les propos suivant « les usagers de la santé ne doivent pas s’attendre à ce qu’une information impartiale leur soit fournie : la promotion du don d’organes est devenue une obligation pour toute institution médicale... »

    Je crois qu’à travers ce texte vous méprisez une liberté fondamentale de l’individu, son libre arbitre dans l’exercice de sa profession. La très grande majorité des coordonnateurs de prélèvements d’organes ( dont je fais partie) qui rencontre les proches des défunts suceptibles de donner leurs organes travaille en accord avec la loi de bioéthique de 2004. Il s’agit de rechercher la non-opposition du défunt au don d’organes et non de faire la promotion du don. Lorsqu’il existe une incertitude sur la volonté des défunts nous tentons de retrouver avec les proches des actions du défunt qui valideraient ( ou non) le don ( don du sang, participation à des oeuvres caritatives, refus de participation à la recherche...) Les professionnels de santé savent conserver une dimension humaine de la relation et sont loin, surtout dans ces moments de deuil, du calcul économique.

    Le message de l’agence de la biomédecine est clair, il ne s’agit pas de favoriser le don mais de favoriser la transmission de la décision. Une enquête menée dans les années à 2000 à montré qu’environ 80% de la population Fr est favorable au don mais que seulement 15% l’avait transmis à son entourage. Et l’on remarque que près de 30% des causes de non-prélèvement sont dues à des refus. Refus qui semble plus motivée par l’ignorance des survivants que par un réel refus des défunts. aujourd’hui l’information dispensé présente donc cette nécessité de se positionner ( pour ou contre) et non une obligation de donner.

    Il est vrai que certaines associations, non gouvermentales, proclament un discours plus centré sur le don et sa nécessité. Mais cela reste un point de vue engagé qui n’est pas retenu par la majorité des professionnels. Ceux ci tiennent à favoriser le respect du défunt.


    • Catherine Coste Catherine Coste 28 novembre 2007 16:14

      Bonjour, Merci pour votre réaction.

      Officiellement créée le 5 mai 2005 par décret dans le cadre de la loi de bioéthique du 6 août 2004, l’Agence de la Biomédecine prend le relais de l’Etablissement Français des Greffes. Son rôle, inscrit dans ses statuts et défini par la loi de bioéthique de 2004, est de promouvoir les dons et greffes d’organes. En même temps, elle centralise les actions de communication grand public, donc le discours officiel sur les transplantations, c’est-à-dire l’information faite aux usagers de la santé, cette fameuse information qui doit permettre le consentement (ou le refus) « éclairé » de tout un chacun sur la question du don d’organes. L’Agence de la biomédecine est donc un organisme bicéphale, responsable à la fois de la promotion des transplantations et du discours officiel sur le don et les greffes d’organes. Ceci pose problème, puisque promouvoir n’est pas informer... Entre promotion et information, l’Agence de la biomédecine peut-elle être le garant du consentement éclairé requis par la loi ?

      Le discours public visant à informer se situe entre promotion et information, ce qui pose un problème d’éthique, au sens où ce discours ne s’affranchit jamais de la promotion. Ce problème a été exposé aux « Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique de l’Université Louis Pasteur à Strasbourg » du 29 au 31 mars 2007, suite à la présentation de Mme Bayoumeu, de l’Agence de la biomédecine : « Mission d’information de l’Agence de la biomédecine ». Lien : http://w3appli.u-strasbg.fr/canalc2/video.asp?idvideo=5998

      Par ailleurs, je ne connais que trop bien la pression exercée sur les médecins et chirurgiens opposés au don d’organes (donneurs « morts »), au sein même du corps médical. Il est intéressant de noter que Claire Boileau, qui a fait à ce jour l’étude la plus documentée sur l’éthique et le don d’organes (voir son livre : « Dans le dédale du don d’organes ») ne répond plus aux nombreuses sollicitations et invitations à s’exprimer sur la question. Son intérêt pour la question se sera sans doute tari.

      Vous parlez de rechercher la non-opposition du défunt. Cette phrase est doublement paradoxale : Paradoxe 1 : L’Agence de la biomédecine gère à la fois les cartes de donneurs d’organes (envoyées aux usagers de la santé sur simple demande), la liste nationale des patients inscrits en attente de greffe (pour la répartition des greffons) et le registre national des refus, sur lequel tout usager de la santé peut s’inscrire - du moins, devrait pouvoir s’inscrire s’il est contre le don de ses organes à sa mort, cela en théorie (car formulation très cynique : l’usager de la santé qui s’inscrit sur ce registre doit reconnaître s’opposer au progrès scientifique et thérapeutique. Il faut vraiment être un monstre pour s’inscrire sur ce registre, peu de gens l’ont d’ailleurs fait). Or demander sa carte de donneur d’organes ne sert à rien, puisque nous sommes tous réputés donneurs à-priori (consentement présumé). On serait presque tentés de dire que tous les chemins mènent au Don. Voir aussi le DEA d’ Amélie Joffrin (2001) : « LES DIFFICULTES DE L’EMERGENCE D’UN DEBAT DEMOCRATIQUE SUR LA SANTE : LE CAS DU PRELEVEMENT D’ORGANES. ANALYSE JURIDIQUE »

      L’information biaisée que reçoit l’usager de la santé ne permet pas le consentement éclairé. La loi de bioéthique de 2004, qui fait cohabiter consentement éclairé et consentement présumé constitue un mariage infernal entre Kant et Sade, selon un universitaire spécialiste de Mauss (théorie du don).

      2) Les nombreux articles scientifiques américains et anglais, qui posent la question du constat de décès des donneurs d’organes « décédés » du point de vue de l’éthique, disent bien qu’il n’existe pas de consensus sur la définition de la mort (déterminer avec précision le moment de la mort), du point de vue médical et scientifique. Ce conflit n’est guère rassurant pour l’usager de la santé. Pis : ce conflit lui est caché, puisque la loi en France permet de dire que les donneurs d’organes en état de « mort encéphalique » ou en « arrêt cardio-respiratoire persistant » sont morts. Ceci au mépris de deux constats : a) En ce qui concerne la mort encéphalique : Dr. Marc Andronikof, chef du service des urgences à l’hôpital Antoine-Béclère, Clamart (06/2007) :

      « Depuis peu en France [lois de bioéthique d’août 1996, révisées en 2004, ndlr], il y a une définition de la mort qui repose sur la mort encéphalique, autrement dit : quand il y a un coma tel que les gens ne pourront jamais revenir et qu’ils sont obligés d’avoir des machines pour respirer, pour tout, en fait, puisque le cerveau ne marche plus. Donc la définition de la mort en France repose sur une incompétence du cerveau, disons. J’ai été le premier je pense à m’élever, il y a 15 ans, contre cette définition de la mort puisque c’est extrêmement réducteur et finalement pas du tout réel puisque tout fonctionne sauf une partie du cerveau et là on dit que les gens sont morts. Mais c’est une pétition de principe, si vous voulez, mais c’est maintenant inscrit dans la loi en France, depuis quelques années. Ce qui est paradoxal, c’est que c’est inscrit dans la loi en France et en même temps, aux USA, en Grande-Bretagne, on se pose toutes ces questions qui sortent dans les articles en disant : ‘mais personne ne peut dire que ces gens-là sont morts !’ Donc c’est un paradoxe, on peut dire, une sorte de retard à l’allumage en France, où maintenant les gens sérieux et honnêtes ne peuvent pas dire que ces gens sont morts, mais il y a la pratique des transplantations, donc peut-être qu’on pourrait quand même les prélever puisque maintenant on ne peut rien faire pour eux. Mais ils ont bien compris qu’en fait personne ne peut dire qu’ils sont morts. En France, c’est inscrit dans la loi. Il faudra encore attendre un cycle, quelques années, pour qu’il y ait une prise de conscience en France »

      b) En ce qui concerne les prélèvements « à coeur arrêté » (sur des donneurs en « arrêt cardio-respiratoire persistant ») : D’un côté, sur le plan légal, la mort équivaut à la mort encéphalique. De l’autre, dans le cas des prélèvements « à coeur arrêté », le diagnostic de la mort de la personne « repose sur le fait que son cœur a cessé irréversiblement de battre, et (...) aucun examen complémentaire n’est requis » (Dr. Marc Guerrier, espace éthique de l’AP-HP). La mort encéphalique n’est donc pas requise pour les prélèvements « à coeur arrêté ». Le patient « en arrêt cardiaque et respiratoire persistant » devrait donc être déclaré mort lors du prélèvement de ses organes, et non avant, alors que la mort du cerveau n’est pas requise ni vérifiée. La mort neuronale n’équivaut pas à la mort cérébrale. Le diagnostic de mort dans le cas d’un patient candidat aux prélèvements « à cœur arrêté » fait donc l’objet de dissensions au sein de la communauté médicale et scientifique, tant en France qu’à l’échelle internationale.

      Au vu des importantes disparités entre les pays, ces disparités reflétant les difficultés à déterminer le moment précis de la mort, il semblerait que les différentes tentatives visant à justifier les prélèvements d’organes sur donneurs « décédés » à l’aide d’une définition des critères de la mort d’un point de vue juridique n’aient pas abouti, dans le cas de la « mort encéphalique » comme dans le cas des patients "décédés présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant.

      Concluons avec deux considérations : 1) Les limites de la pratique des prélèvements sur donneur décédé : sur le site de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale), j’ai trouvé ce document, intitulé « Les limites de la pratique des prélèvements sur les personnes décédées » (2004). Auteur : Docteur Marie-Dominique Besse. « Le consentement présumé pose problème car doivent se faire connaitre les personnes opposées au don d’organes : il existe le Registre National des Refus (’vous pouvez vous inscrire sur le registre national des refus’ et non ’vous devez vous inscrire.....’ ; ’le médecin doit s’efforcer de retrouver l’avis du patient’. Quel médecin ? Notion d’effort... Apparait la notion de famille difficilement définissable : qui comporte la famille ? La loi ne reconnait que les ascendants, les descendants, les collatéraux.... d’où le questionnement des équipes et leur grande difficulté éthique à demander ’aux familles’ une autorisation lors de la perte douloureuse d’un proche (alors qu’il faudrait les aider dans leur travail de deuil). Certaines familles, très affectées répondent immédiatement par la négative, et, culpabilisant, acceptent 24 ou 72 heures après....... D’autres ’veulent bien, mais le défunt ne voulait pas.’... Les limites anthropologiques : ’utiliser le corps humain et le restituer dans son intégrité’. Pour la famille, le corps est assimilé à la personne et souvent refuse le prélèvement du coeur (affectivité ) et des yeux (’je ne voudrais pas retrouver son regard’...). »

      2) Dr. Martin Winckler : « Vices de l’euthanasie et vertus de la transplantation : une coïncidence ? » Don et prélèvements d’organes sont présentés par les services de transplantation comme étant louables et susceptibles de sauver des vies, mais ils taisent (ou feignent d’ignorer) que le médecin va choisir de maintenir en vie un patient ’en état de mort cérébrale’ afin de prélever ses organes. Maintenir un patient en vie artificielle pour lui retirer le coeur, les poumons, le foie ou les deux reins est une procédure qui n’est pas dénuée de sens symbolique, même si c’est pour tenter de prolonger la vie d’un autre patient.

      Certes, la ’mort cérébrale’ est la condition légale préalable à tout prélèvement, mais elle ne donne pas pour autant, à elle seule, toute liberté au médecin de cesser ou de prolonger la réanimation de tous les patients sous machine... C’est la volonté clairement exprimée du patient qui détermine ces gestes.

      On ne comprend pas bien pourquoi le maintien artificiel d’une vie pour les prélèvements d’organe serait justifié parce que le patient l’a autorisé, tandis que la mort accompagnée d’un patient lucidement fatigué de vivre et qui en émet le désir serait, en revanche, inacceptable. La volonté de mourir à une heure choisie par le médecin (en fonction des nécessités du prélèvement) ne serait-elle recevable que pour les donneurs d’organes en mort cérébrale ? La mise à disposition du corps ne serait-elle justifiable que par l’existence d’un ’bien supérieur’ ? On retrouve ici l’aversion séculaire des pays catholiques (même lorsqu’ils se déclarent laïcs) envers toute forme de mort volontaire.

      Aux yeux du corps médical, la décision d’un patient sain qui choisit de faire un don d’organes a beaucoup plus de valeur que celle d’un patient gravement atteint qui désire ne pas continuer à vivre.

      Aux yeux de l’Eglise catholique, les greffes d’organes sont acceptables ; la mort volontaire ne l’est pas.

      Coïncidence ?"

      Source : « Le paternalisme médical français interdit tout débat sur l’euthanasie », par Martin Winckler. Article mis en ligne le 13 mars 2007. Lien : http://martinwinckler.com/article.php3?id_article=875

      Apparenter le don d’organes au don du sang est problématique : pour donner notre sang, ou à une oeuvre caritative, ou notre corps à la science, aucun médecin ne va nous maintenir en vie artificielle ou nous réanimer le temps de prélever nos organes...

      Je voudrais terminer en citant M. Tesnière, parent confronté au don d’organes (l’affaire d’Amiens, 1992), d’après un message qu’il m’a fait parvenir hier (27/11/2007), et qui a pour sujet le livre du Professeur Cabrol : « De tout coeur » (2006, Odile Jacob) :

      "Quand le Professeur Cabrol s’exprime sur la mort, cela donne des frissons. ’On ne peut pas prélever après une mort de maladie ou de vieillesse : les organes sont épuisés. Il est nécessaire de trouver un cœur sain, vigoureux, battant. Un coeur battant après la mort, cela paraît impossible. Sauf dans certaines circonstances où un seul des organes vitaux est détruit : le cerveau. C’est ainsi qu’en 1959, deux médecins réanimateurs français, Pierre Mollaret et Maurice Goulon, avaient signalé qu’à la suite de certains traumatismes crâniens très graves, la rupture d’un vaisseau dans le crâne ou encore un suicide d’une balle dans la tête, le cerveau subit des lésions irréversibles qui vont entraîner la mort sans, paradoxalement, que tous les autres organes cessent immédiatement de fonctionner. Dans ces cas, si l’on applique la respiration artificielle mécanique utilisée en anesthésie, celle-ci supplée aux muscles respiratoires paralysés par la mort du cerveau. Le coeur animé par son propre mécanisme continue de battre et pousse le sang dans les poumons. Grâce à la respiration, le sang s’oxygène et la circulation sanguine assure ainsi le passage d’un sang oxygéné dans tous les organes du corps. Sauf dans le cerveau, car les lésions cérébrales entraînent un œdème, c’est-à-dire une accumulation liquidienne dans le cerveau qui augmente son volume. Comme il est dans une boîte crânienne inextensible, aucune goutte de sang ne peut ni entrer ni sortir. Ainsi le cerveau est détruit et les organes continuent à fonctionner. Seulement pendant quelques heures, car un cerveau détruit ne peut plus diriger les mécanismes les plus intimes de l’organisme, telle la production des matériaux nutritifs, de sorte que les organes, peu à peu privés de ces matériaux indispensables pour leur survie, se détériorent et cessent de fonctionner. Mais ces quelques heures après la mort du cerveau, la mort cérébrale, où les organes fonctionnent encore, sont très précieuses car ce sont les seules où l’on peut prélever des organes pour les greffes sans priver le donneur d’une seconde de vie.’ Le Professeur Cabrol établit la décérébration ou le coma dépassé ou la mort cérébrale comme étant la mort. Il poursuit : ’En France des organes avaient déjà été prélevés pendant cet état de mort cérébrale. En 1958, à l’hôpital Foch, René Kuss avait obtenu l’accord de l’administration et des familles pour prélever les reins de personnes en mort cérébrale. En général il avait attendu l’arrêt du coeur.’ Donc ces prélèvements se sont faits avec le consentement explicite des familles soit à coeur battant soit à coeur non battant. Continuons : ’En 1964, Jean Hamburger put prélever un rein sur une personne décédée de mort cérébrale, mais dont le coeur battait encore. Ces quelques prélèvements faits à coeur battant n’intéressaient cependant jamais le coeur lui-même. Pour régulariser les prélèvements dans ces conditions, François d’Allaines, pionnier de la chirurgie cardiaque en France, pose en 1966 à la plus haute autorité médicale de France, l’Académie de médecine, d’après une proposition de l’ordre des médecins, deux questions. La première : peut-on considérer la mort cérébrale comme la mort légale, c’est-à-dire celle qui permet d’établir un certificat de décès ? En effet grâce aux progrès de la réanimation, il est difficile de se fonder sur les anciens critères de la mort. L’arrêt respiratoire, grâce à la respiration artificielle, n’autorise plus cette conclusion. L’arrêt cardiaque non plus car on sait y remédier par un massage cardiaque. Seule la destruction du cerveau permet à un médecin de certifier la mort. Seconde question : dans cet état de mort cérébrale, peut-on prélever des organes encore fonctionnels en vue d’une greffe ?’ L’Académie de médecine finira par donner son accord. Donc depuis 1966, la mort cérébrale est la mort. L’Académie de médecine rejette les anciens critères : plus question d’arrêt respiratoire, ni d’arrêt cardiaque. Le sénateur Caillavet, dix ans plus tard, fera passer une loi qui dispense les médecins de demander l’accord de la famille. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes ! Pourtant M. Cabrol nous rebat les oreilles avec la pénurie de greffons. Comment est-ce possible ? Les médecins ont tout l’arsenal juridique en leur faveur pour se fournir en organes sur les mourants. On aimerait entendre M. Cabrol, désormais membre de l’Académie de médecine , s’exprimer sur le décret n° 2005-949 du 2 août 2005 article 1, paru au Journal Officiel du 6 août 2005, décret qui autorise le prélèvement d’organes en utilisant le consentement présumé de M. Caillavet sur des donneurs à coeur arrêté. M. Cabrol, dans son livre ’De tout coeur’, nous explique que l’arrêt cardiaque n’est plus un critère de la mort depuis 1966. Que sont devenus les travaux de Pierre Mollaret et Maurice Goulon ? Il me semble que les Français souhaitent une explication sur ces contradictions. Le gouvernement français a des instances pour informer le public. Pourquoi l’Agence de biomédecine ne communique-t-elle pas sur cette question éthique ?"


    • Alain 28 novembre 2007 22:23

      Il me semble que vous mélangez deux moments. Le moment de la mission de l’Agence de la biomédecine et le moment où vous exercez votre travail. L’Agence doit promouvoir le don d’organes, grande cause nationale. Promouvoir, c’est encourager, favoriser, soutenir. Informer, c’est transmettre des connaissances objectives. L’Agence, pas plus que certaines associations, ne portent à la connaissance du public des informations objectives. Cette promotion étatique se transforme en propagande. Pourquoi ? Parce qu’elle trompe les Français en distribuant des cartes de donneurs. On peut légitimement penser que si on ne prend pas sa carte de donneur, on n’est pas donneur. Or une carte de donneur n’a pas de valeur juridique. Tous les Français sont donneurs d’organes potentiels selon le principe du consentement présumé établi par le sénateur Caillavet. La loi précise que le coordonnateur doit s’efforcer de connaître l’avis du mourant en demandant à ses proches ( notion vague ) si la personne plongée dans le coma et qui ne peut pas s’exprimer avait émis un avis contraire au principe du consentement présumé. C’est tout. Avec cette loi, il faudrait que vous m’expliquiez comment on arrive à cette « pénurie de greffons », comme disent les préleveurs. Quand, dans votre commentaire, vous parlez de « refus », vous faites allusion au refus de la famille, mais la famille n’a pas à exprimer son « refus ». Vous devez recueillir auprès des proches l’opinion du mourant. S’il ne s’est jamais exprimé, la loi le considère comme donneur. Dura lex sed lex. Certains préleveurs considèrent qu’ils ne peuvent pas appliquer cette loi dans toute sa rigueur. Si cette loi est inapplicable, parce que inhumaine, c’est une mauvaise loi ! Il faut donc la changer.

      Alain Tesnière


    • Catherine Coste Catherine Coste 28 novembre 2007 16:51

      Je souhaiterais commenter la phrase : « Refus qui semble plus motivé par l’ignorance des survivants que par un réel refus des défunts » : Le Dr. Guy Freys, service de réanimation chirurgicale, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, a fait une présentation intitulée « On ne meurt qu’une fois, mais quand ? », à l’occasion des « Deuxièmes Journées Internationales d’Ethique : Donner, recevoir un organe, Droit, dû, devoir », Palais Universitaire, Strasbourg, 29-31/03/2003. Je cite un extrait de cette présentation :

      « En 1968 on valide le concept de mort cérébrale (5 août 1968, déclaration de Harvard aux USA et 25 avril 1968 : circulaire Jeanneney) mais on se garde bien d’en préciser les critères, les Américains disant qu’il faut les établir en fonction des connaissances et en France, la fameuse circulaire Jeanneney dit que l’élaboration des critères va être imminente et proposée par l’Académie de Médecine. Il faudra attendre 28 ans pour les voir apparaître. La France a donc eu quelques mois d’avance sur les Américains pour décréter que la mort cérébrale était un état de mort. Monsieur Cabrol, deux jours après la promulgation de cette circulaire, va faire la première greffe à partir d’un donneur considéré en mort cérébrale. Vous voyez donc que pour une fois, nous n’étions pas en retard. L’arrivée de ce concept a apporté avec lui une multitude d’interrogations éthiques et a engendré nombre de controverses et de confusions, beaucoup n’y voyant qu’un prétexte pour légaliser le prélèvement d’organes sur personne ‘décédée à cœur battant’. Ce concept est aussi initialement controversé même chez les professionnels de la santé puisque si vous regardez des études des années 80, vous vous rendrez compte que 40% des professionnels de santé sont très réticents à admettre cette mort cérébrale. Cette méconnaissance reste encore aujourd’hui à mon sens le frein le plus important pour l’acceptation du don et reste le parent pauvre de l’information au grand public, et principalement le principal responsable du refus des familles confrontées au don d’organes. Ce scepticisme est dû à l’aspect non conventionnel de la mort, puisque le cœur bat et la peau est chaude. Penser que ce corps est mort n’est pas aisé. Pour ajouter à la difficulté de compréhension, deux concepts vont voir le jour : celui de la mort encéphalique : ’whole brain death’, adopté aux USA, en France et aujourd’hui par une majorité de pays, qui exige la destruction du cerveau et du tronc cérébral, et la mort du tronc cérébral : ‘brainstem death’, concept adopté au Royaume-Uni et en Inde, qui reconnaît à cette seule destruction (celle du tronc cérébral) le statut de mort. Ce qui est sûr, c’est que ces deux états sont des états de non-retour à la vie - personne n’en est jamais réchappé -, et que la respiration est abolie. Il faut donc une suppléance de la fonction respiratoire. Ces états conduisent toujours à court terme à l’arrêt de toutes les fonctions de l’organisme, quels que soient les moyens de réanimation mis en œuvre. Les différents pays, qu’ils aient adopté la mort encéphalique ou la mort du tronc cérébral, ont rapidement ressenti la nécessité de légiférer sur la validité médico-légale de ces morts, mais aussi sur les critères de définition, la finalité de ces critères étant de constater l’état irréversible du constat de la mort. Ce qui frappe, ce qui dérange, ce qui va alimenter la confusion, c’est que les critères retenus varient d’un pays à l’autre. Or là on ne peut pas invoquer des différences culturelles. On demande des faits scientifiques, aussi ces variétés de définition ne facilitent-elles ni la compréhension et, surtout, ni l’adhésion du grand public. Ainsi, dans certaines législations, la seule observation clinique suffira à établir le diagnostic de la mort, dans d’autres pays, on exigera un test ou un examen de confirmation pour valider le caractère irréversible de cette mort cérébrale. Je vous ai représenté là l’article du Monde qui est paru juste avant le fameux décret du 22/12/1996 qui régit la définition de la mort encéphalique en France. Cet article souligne la difficulté de la rédaction du décret définissant la mort encéphalique, et témoigne des avis divergents, qui au sein même du corps médical se sont exprimés sur un thème aussi sensible et d’une grande portée symbolique. L’article souligne aussi que ces dispositions s’inscrivent dans un paysage fort contrasté, qui voit l’opinion publique avoir à la fois confiance dans l’efficacité des équipes médicales et redouter ‘la rapacité de ces mêmes équipes’. La conclusion de cet article met l’accent sur le travail pédagogique à accomplir pour faire en sorte que soient mieux perçus les objectifs, les difficultés et les nécessités pratiques du corps médical. On voit bien que dans tous ces textes, dans tous ces besoins de législation, les peurs ont changé, les peurs se sont déplacées : la peur de l’inhumation prématurée a fait place à la peur des morts qui n’en seraient peut-être pas. »

      En résumé : la question n’est pas : est-ce que je veux donner ? La question est : à quelle mort est-ce que je crois ? Si pour moi la notion de mort implique la destruction du cerveau, du coeur et des poumons, je dois savoir : 1 qu’un patient en état de mort encéphalique est un patient à coeur battant 2 qu’un patient en arrêt cardio-respiratoire persistant est certes en état de mort neuronale, mais pas en état de mort encéphalique. La mort étant un processus continu et non un point, il n’est pas aisé de pouvoir déterminer avec précision le moment de la mort. Le don point d’interrogation est à remplacer par : la mort point d’interrogation.


      • vinvin 30 novembre 2007 01:03

        Bonjour.

        Si j’ ai bien compris, ( je vais schématiser un peu, sinon ce sera trop long,) mais en fait pour pouvoir faire des prélévements d’ organes, il faut que la mort soit a coeur arrété, soit encéphalique ?

        En fait, dans un cas comme dans l’ autre, la personne n’ est pas vraiment morte, donc on se raproche de « l’ eutanasie », ou bien a des dons d’ organes de son vivant.

        Les familles redoutent les prélévements des cornés, ( pour raisons d’ éthique, religieuse, ou autres....) ce qui est en dépit du bon sens, car au moins les prélévements de cornés éffectués 10 ou 12 heure après la mort, aux moins on est sur de faire un prélévement sur une personne vraiment morte, contrairement aux autres organes.

        Il faudrait peut-etre privilégié les prélévements sur des morts encéphaliques, plutot qu’ a coeur arrété, car lorsque le cerveau ne fontionne plus, peut-etre que la souffrance physique est exclue, alors que faire des prélévements d’ organe sur une personne donc le coeur ne bat plus, mais don le cerveau est toujours actif, cette personne ne risque t’ elle pas de souffrir si sa conscience subtile s’ apperçoit que l’ on est en train de lui enlevé des organes, don de l’ « achevée » ?

        En tous les cas j’ espère que la solution des célules souches va très vite évoluée afin d’ éviter le plus possible ce genre de prélévements d’ organes.

        Bien cordialement a vous.

        VINVIN.


        • Catherine Coste Catherine Coste 30 novembre 2007 02:15

          Bonjour et merci pour votre message. Pour répondre à votre interrogation sur la mort encéphalique : cette forme de mort est controversée. Ainsi, le Dr. Marc Andronikof, chef du service des urgences à l’hôpital Antoine-Béclère, Clamart, et auteur du livre « Médecin aux urgences » (Editions du Rocher, 2005), a déclaré que la mort encéphalique est une « supercherie ». D’autres ont parlé de « fiction juridique ».

          Dr. Andronikof : "C’est contre cette supercherie manifeste que je me suis élevé (...) : sans coeur mais avec des machines, le reste de l’organisme continue à fonctionner, donc on dit que la personne vit. Quelle est la raison scientifique pour ne pas appliquer exactement le même raisonnement au cerveau ? Or, avec un cerveau détruit mais grâce à des machine, l’organisme continue de fonctionner. Mais on dit que la personne est morte. Pourquoi ?

          Mais pour permettre aux prélèvements de se faire ! Ce sont les mêmes qui définissent les règles, les appliquent et en profitent... (Savoir si les malades greffés en profitent est une autre question).

          Donc des scientifiques au nom de l’avancée de la médecine ont défini un principe philosophique et théologique (l’essence de la personne est logée dans les cellules cérébrales) et on les croit parce qu’ils sont scientifiques. Si le procédé et le résultat ne sont pas une supercherie, qu’est-ce d’autre ?

          Et si (je termine avec votre préoccupation initiale) les gens ne sont pas morts (...), qu’est-ce qui permet de dire qu’ils ne sentent rien ? Ce n’est pas parce qu’ils n’expriment rien qu’ils ne sentent rien."

          La définition de la mort est étroitement liée aux dernières découvertes de la médecine en tant que science et en tant que technique. Or chacun sait que les spécialistes ne sont jamais d’accord entre eux...

          L’hétérogénéité des critères pour le constat de décès, d’un pays à l’autre, l’absence de consensus, les controverses, autant de facteurs favorisant l’apparition de nouveaux courants : d’une part on entend de plus en plus de voix s’élever pour remettre en cause la mort cérébrale elle-même, tout en admettant le caractère irréversible du processus, c’est-à-dire la non possibilité de retrouver la conscience et la respiration, et le fait que ces états (la mort du tronc cérébral et la mort encéphalique) peuvent conduire au prélèvement d’organes. « Mais ces mêmes voix insistent pour séparer cet état propice à faire un prélèvement d’organes et la mort ». (Dr. Guy Freys) A l’opposé de ces voix qui réclament de ne plus parler de mort cérébrale, il y a des voix qui demandent à aller encore plus loin, et réclament la reconnaissance de « la mort néocorticale », c’est-à-dire le statut de mort à celui qui ne posséderait plus ses fonctions corticales supérieures, en arguant du fait que la mort de la personne prime sur celle de l’organisme, et que s’il n’y a plus de personne, il n’y a plus de vie. Ce concept de mort néocorticale est initié par un neurologue écossais (je ne sais plus son nom) qui s’appuie sur l’étendue des lésions de la matière grise interdisant tout rapport conscient avec le monde extérieur. Mais dans ces cas-là, la respiration spontanée est le plus souvent préservée. L’exemple le plus médiatisé de cet état est sans doute celui de Mme Terri Schiavo (USA). La commission présidentielle américaine de 1981, qui avait adopté la mort encéphalique, avait rejeté ce concept et a interdit de considérer cette situation comme un état permettant le prélèvement d’organes, tout en concluant que si le caractère irréversible de la perte de conscience ne pouvait être affirmé en l’état actuel des connaissances, il fallait néanmoins laisser la porte ouverte au cas où un jour on pourrait définir exactement les zones qui seraient responsables de cet état-là. Si un jour on devait mettre en évidence les contours exacts de la région du cerveau responsable de cette fonction et être à même de démontrer le caractère irréversible de sa destruction, une nouvelle polémique s’engagerait inévitablement sur la définition et l’instant de la mort...


        • Alain 30 novembre 2007 16:32

          A l’attention de VINVIN.

          Votre remarque est très pertinente. Le prélèvement d’organes est le contraire de l’euthanasie.

          La « bonne mort » désigne l’ensemble des moyens et recours permettant de soulager, d’abréger ou d’éviter l’agonie à une personne en fin de vie. Le prélèvement d’organes consiste justement à priver la personne de mourir dans la dignité.

          Il est d’ailleurs assez ahurissant de constater que c’est la même personne - le sénateur Caillavet, également une des sommités de la franc-maçonnerie, - qui milite pour une mort digne et qui, dans le même temps, fait passer une loi fondée sur le consentement présumé facilitant le dépeçage des personnes à peine décédées.

          M. le sénateur Caillavet est un homme influent, il a passé sa vie à légiférer pour tirer de l’embarras les médecins. M. le sénateur Caillavet pense qu’il faut que le droit suive le plus rapidement possible les avancées de la médecine.

          Les avancées de la médecine sont-elles le progrès de la médecine ?

          Alain Tesnière


        • vinvin 1er décembre 2007 22:12

          Bosoir ;

          Merci pour vos réactions, a la fois a C. Coste, ainsi qu’ a Alain :

          (@Alain)

          Oui, alors ( n’ étant pas étudient en Sorbonne, j’ ai érrété mes études en 6eme,) je me suis peut-etre mal exprimé.

          effectivement, selon comment on voit les choses, le prélévement d’ organes peut-etre considéré comme l’ inverse de l’ euthanasie.

          Mais tout cela dépend comment on analyse la situation, car tout est relatif....

          Ceci dit, ce qui me préocupe, c’ est d’ enventuelles souffrances psychologiques, voir physiques, sur les personnes qui sont prélevés a « coeur arrété », alors que le cerveau fonctionne toujours.

          Le cerveau est en fait notre vie, donc tant qu’ il fonctionne nous ne sommes pas sensé etre mort.

          Si on empute une personne de l’ un de ses membres suite a un accident ou autre,... cette personne se plaint souvent que son memmbre absent continu de lui faire mal, ce qui veut dire que tout cela est commandé par le cerveau.

          C’ est psychique !

          La où je veux en venir, c’ est que si on préléve des organes a une personne dont le cerveau fonctionne toujours, si le cerveau n’ est pas mort, ( je dis bien mort de chez mort,) la personne en question ne peut-elle pas ressentir des souffrances psychologiques, voir meme physiques, si elle se rend compte dans ce qui lui reste de subconscient que l’ on est en train de la dépecé de ses organes a l’ interieur du corp ?

          En revenche, pour des prélévements sur les morts encéphaliques, ( le cerveau étant sencé etre mort,) je pense que l’ on peu leur prélevés n’ importe quoi, vu qu’ ils ne doivent pas s’ en rendre compte.

          A l’ inverse, je pense que l’ on ne devrait pas autoriser les prélévements sur les personnes don le cerveau fonctionne toujours.

          Je crois aussi que pour les gens qui ont une carte de donneur d’ organes, je pense qu’ eu lieu d’ une simple carte il faudrait une sorte de contrat de manière a ce que les gens puissent bien préciser dans quelle condition on doit les prélévés : (a coeur arrété, en tant que mort encéphalique, prélévement du coeur ou non, prélévement des cornées ou non, etc......)

          je pense qu’ il y a certaines gens qui comme moi veulent bien etre donneurs d’ organes, mais qui en revenche ne voudraient pas qu’ on les « dépeucent » avant qu’ ils soient vraiment morts.

          C’ est un long débat, .....( d’ ailleurs ce serait plus pratique d’ en débatre sur MSN en Live, mais je n’ ai pas encore installer ça chez moi !).

          Bien cordialement a vous.

          VINVIN.


          • Alain 2 décembre 2007 15:41

            @Vinvin

            La mort se caractérise par la rigidité, le refroidissement, la déshydratation, la perte de la transparence cornéenne, la lividité etc.

            En cas de mort « cérébrale », le coeur bat, le sang parcourt les vaisseaux, les poumons respirent grâce à une machine, le corps n’est pas immobile.

            Quand on s’étonne de ce « décalage », la réaction des médecins est vive. J’en témoigne dans mon livre. Nos interrogations dérangent, font perdre du temps. « Dépêchez-vous, il(s) pisse(nt) ! » nous a dit le coordinateur de France-Transplant à propos de notre fils Christophe.

            Sur la douleur, la question est posée dans le livre de Claire Boileau : « Dans le dédale du don d’organes ».

            La personne en état de mort « encéphalique » a des réactions, notamment lorsque le chirurgien l’incise. Il faut savoir que le préleveur n’a pas établi le constat de la mort, il n’a pas vu les électroencéphalogrammes plats, il n’a pas rencontré le neurochirurgien, il fait confiance. ( page 85 )

            Douleur ou pas de douleur ? Le mourant est anesthésié et, s’il bouge, l’anesthésiste envoie une dose de curare.

            Pourquoi anesthésie-t-on un « mort » parce qu’il remue ?

            Officiellement, ce sont des réflexes. On anesthésie le « mourant » parce qu’il se débat d’une manière réflexe et cela gêne le bon déroulement du prélèvement.

            Souffre-t-il ? Pas plus que lorsqu’on vous anesthésie pour une opération.

            Vous, vous vous réveillerez.

            Le « donneur » d’organes n’a aucune chance de se réveiller puisqu’il est dépecé !

            Ce terme de « donneur » est d’ailleurs très discutable pour une personne qui, au nom de la loi Caillavet, est obligée de se laisser déposséder de ses organes s’il n’a pas exprimé son refus.

            Alain Tesnière


          • Bof 2 décembre 2007 09:18

            Alors, quand on lit pour essayer de se renseigner , on constate qu’entre les 4% et les 77% , il y a une marge qui permet peut-être des « accomodations » en France ou/et hors de France, ET de plus , j’ai lu cet été qu’un Français vivait très bien et travaillait très bien avec un cerveau gros comme une noix ,on parlait « d’hydrocéphale » . Voici encore quelque chose à nous expliquer, pourquoi les avortements obligatoires en cas « d’hydrocephalie » si des gens vivent bien avec ? pourquoi tenir compte autant du cerveau s’il n’est pas du tout l’organe que l’on pensait ? pourquoi et que fait la neurologie dans nos hôpitaux ?


            • vinvin 4 décembre 2007 02:29

              Bonjour.

              (@Alain)

              Merci a vous pour vos renseignements, et vos informations car j’ avais un doute concernant la souffrance Psychologique, et physique, des donneurs.

              Bien cordialement.

              VINVIN.


              • alexdred 12 janvier 2009 12:32

                Pour plus de renseignements sur la carte de donneur d’organes
                et sur la journée mondiale du don d’organes
                et des chiffres sur le don d’organes


                Pour plus d’infos sur la grande dcause nationale 2009 "Don de Vie" (organes mais aussi sang plaquettes et moelle)
                RDV @ le blog Don de vie

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès