Lignes haute tension : La santé de nos enfants en danger ?
Après, les dangers des OGM, des antennes-relais, des pesticides, du plombage dentaire, des lampes fluo… voici le danger des lignes haute tension. Petit tour d’horizon.
Pas de danger sous les lignes selon l’AFSSET
En avril, un avis de l’AFSSET s’est intéressé aux dangers des lignes haute tension ou plus précisément des champs électromagnétiques d’extrêmement basse fréquence (EBF). L’AFSSET annonce très clairement qu’il n’y a aucune preuve d’un quelconque danger lié aux champs électromagnétiques EBF et qu’il n’y a donc pas lieu de revoir les valeurs limites.
Ce qui donne en langage AFSSET : « Les experts de l’Afsset partagent les conclusions du consensus international (OMS, 2007) qui considère que les preuves scientifiques d’un possible effet sanitaire à long terme sont insuffisantes pour justifier une modification des valeurs limites d’exposition actuelles. »[1]
Une association statistique dans le cas des leucémies infantiles
L’AFSSET souligne qu’il existe des études scientifiques montrant « une association statistique entre l’exposition aux champs électromagnétiques produits par les lignes de très haute tension et des leucémies infantiles ».
C’est cette association, qui a déjà permit à l’OMS[2] de classer en 2002 les champs de basse fréquence comme cancérogènes possibles pour l’homme, soit pour l’OMS la « catégorie 2B » (où l’on retrouve le nickel, le café, les légumes au vinaigre…[3]).
Cependant, l’AFSSET rappelle qu’« aucune étude biologique n’a démontré un mécanisme d’action explicitant la survenue de ces leucémies », or c’est nécessaire pour prouver une relation de cause à effet au-delà de l’association statistique (Voir l’article « Notion de base en épidémiologie »[4]).
Pas de preuves, mais 100m de précaution
L’AFSSET recommande pourtant « de ne pas installer ou aménager de nouveaux établissements accueillant des enfants (écoles, crèches…) à proximité immédiate des lignes à très haute tension, et de ne pas implanter de nouvelles lignes au-dessus de tels établissements » (à « proximité immédiate » correspond à 100m sur l’avis complet[5]).
Un tel cheminement est scientifiquement particulièrement surprenant. D’ailleurs, les scientifiques et les parlementaires n’ont pas manqué d’ailleurs de le faire savoir.
Les scientifiques de l’AFSSET contre l’AFSSET
Pour comprendre le décor, l’AFSSET, pour produire ses avis fait appel à l’un des 6 Comités d’Experts Spécialisés (CES) composés de plusieurs dizaines de scientifiques. Ces derniers sont nommés par l’AFSSET après avis du CES. Par la suite, le CES sur demande de l’AFFSET a alors à charge de rédiger différents rapports sur l’« état de la science », dits « rapports d’expertise collective ». Notons qu’en réalité, un groupe de travail réduit est nommé pour rédiger chacun de ces rapports[6].Dans notre cas, le groupe de rédacteurs du rapport de l’AFSSET (170p[7]) sur les champs électromagnétiques EBF comporte 6 experts. Or, trois de ces derniers ont signé courant mai une lettre ouverte à R. Bachelot et JL Borloo accusant l’AFFSET de « tromper délibérément le public et bafouer l’expertise scientifique ».
Ils y dénoncent notamment un avis « faisant fi des experts, auxquels l’Afsset demande compétence et transparence ; c’est manifestement un amateur qui a rédigé l’avis et préconisé sans concertation aucune et contre toute justification scientifique, la création "d’une zone d’exclusion" de 100 m. »[8]
Les parlementaires critiquent également ouvertement l’AFSSET
L’OPESCT[9] est en accord avec l’avis de l’AFSSET sur le fait que « les normes internationales de protection (limite de 100μT à 50 Hz) sont efficaces pour protéger la population des effets à court terme liés aux expositions aigues. Il n’est donc pas nécessaire de les modifier. ».
Mais l’OPECST n’en déduit pas pour autant qu’il faille proposer une recommandation de mettre en place une zone d’exclusion de 100m. L’OPECST composé de 18 députés et 18 sénateurs jugent qu’il convient, comme le demande l’OMS, de "trouver des solutions à très bas coût compte tenu de l’incertitude scientifique", et la création d’une zone d’exclusion aurait sans doute « un coût élevé » et une « efficacité limitée »[10]. En particulier, l’OPECST note « qu’un enfant de 0 à 6 ans passe plus de temps à son domicile que dans une institution collective ».
Dans ce contexte, l’OPECST propose : une nouvelle évaluation par l’AFSSET en 2015 et, d’ici là, de relancer les recherches (y compris sur un éventuel mécanisme), et d’éviter d’augmenter le nombre d’enfants exposés. Dans l’intervalle, le gouvernement prendrait, comme aux Pays-Bas, une recommandation de prudence, soumise localement à un choix bénéfice-risque, de ne pas implanter de nouvelles constructions conduisant à une exposition de ces enfants à plus de 0,4 µT en moyenne. [11]
Cette limite elle-même qui concernerait uniquement les enfants de 0 à 6 ans est très basse. En moyenne l’exposition aux champs EBF dans les domiciles (même sans ligne haute tension) se situe autour de 0,2 microT et cela monte très vite à 0,7 microT devant une télé ou un écran d’ordinateur, et jusqu’à 50 microT dans un train ou un tramway[12]. Le paradoxe est même que, avec cette limite, tous les enfants peuvent être concernés. Rien qu’en passant 1 heure par jour dans un tramway, un enfant dépasserait de 5 fois la valeur de 0,4 microT en moyenne (50/24h=2,1 microT) !
Difficile principe de précaution
Encore une fois le principe de précaution semble bien difficile à appréhender, car le problème est simple : sans preuve scientifique, où mettre le curseur ?
L’OMS fait déjà preuve de précaution dans ses normes ; dans le cas du champ électromagnétique EBF 50 Hz, la limite des 100 microT ne correspond pas à l’apparition du danger. En effet, l’OMS a appliqué un facteur de sécurité de 50 par rapport à l’apparition des premiers effets « scientifiquement prouvés », bénins et réversibles (soit 5000 microT)[13].
Sans preuve scientifique est-ce normal de proposer par précaution de telles limites sur la base d’un raisonnement surprenant, que l’on peut qualifier d’interprétation excessive du principe de précaution.
Rappelons que la mortalité infantile due aux accidents domestiques, 1ère cause de mortalité chez les enfants[14], est responsable de plusieurs centaines de morts d’enfants chaque année, dont deux cent rien que par la « privation d’oxygène »[15]. Y applique-t-on pour autant le principe de précaution ?
SOURCES
[1] AFFSET – Introduction à l’avis de l’Afsset sur les effets sanitaires des champs électromagnétiques d’extrêmement basses fréquences
[2] Plus précisément le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), IARC en anglais
[3] Voir le Tableau sur Pseudo-Science « Faut-il avoir peur des champs magnétiques liés à l’électricité ? » ou la liste Catégorie 2B sur Wikipédia
[4] Pseudo-Science - Notions de base sur l’épidémiologie
[5] Voir page 7 de l’avis de l’AFSSET sur les champs électromagnétiques basse fréquence [PDF 1,4Mo]
[7] Rapport de l’AFSSET sur les Champs Electromagnétique EBF (PDF 170 pages 2,3Mo)
[8] AFIS : Ondes électromagnétiques : à quoi bon réunir des experts pour s’affranchir de leur avis ?
[9] Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques
[10] AFP : Lignes haute tension : les parlementaires contre la zone d’exclusion de 100 m
[11] Communiqué Sénat : Lignes à haute et très haute tension, santé et environnement
[12] OMS : Exposition maximum typique pour le public
[13] OMS : Que sont les champs électromagnétiques ?
[14] Vidéo Accidents domestiques : 1ère cause de décès chez les enfants
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON