Médicaments cancérigènes : une puissante association de patients diabétiques au secours d’une firme pharmaceutique
Suite au retrait du marché des antidiabétiques Actos et Competact, l'Association Française des Diabétiques a pris parti de défendre ces produits dont la toxicité est connue du monde médical depuis des années.

L’affaire du Mediator a mis en évidence les innombrables conflits d’intérêts entre l’industrie pharmaceutique (et tout particulièrement ceux de notre village gaulois national Servier, expert en la matière !!!) et les médecins. Ont cependant été complètement occultés les conflits d’intérêts entre l’industrie et les associations de patients.
L’Assocation Française des Diabétiques vient de mettre en ligne un communiqué officiel dans lequel elle précise : « Si le Mediator® est bien passé par là, nous sommes, avec les glitazones (Actos® et Competact®), dans une configuration bien différente. Certes, dans le contexte de méfiance consécutif au Mediator®, les patients et les médias sont tentés d’y voir des similitudes. »
Une affirmation surprenante si l’on prend un peu de recul sur la situation. Un document disponible sur le site de l’agence de santé américaine (FDA) stipule :
In preclinical carcinogenicity studies of pioglitazone, bladder tumors were observed in male rats receiving doses of pioglitazone that produced blood drug levels equivalent to those resulting from a clinical dose. Additionally, results from two, three-year controlled clinical studies of Actos (the PROactive study and a liver safety study) demonstrated a higher percentage of bladder cancer cases in patients receiving Actos versus comparators.
En français, cela donne : « lors des études cliniques de carcinogénicité [=cancérologie] menées sur la pioglitazone, des tumeurs de la vessie ont été observées chez les rats mâles recevant des doses de pioglitazone [=Actos] administrés à une concentration sanguine équivalente à celle utilisée en thérapeutique humaine. Par ailleurs, des résultats d’études cliniques randomisées sur 2 et 3 ans (l’étude PROactive et une étude sur la sécurité hépatique) ont démontré un pourcentage plus important de cancers de la vessie chez les patients recevant Actos par rapport à un comparateur. »
Les arguments prouvant la toxicité de l’Actos proviennent d’études cliniques randomisées, c'est-à-dire du solide !
Vous trouverez également ici une présentation Powerpoint issue du site officiel de la FDA datant de 2005 faisant état de ce risque observé chez la pioglitazone (diapositive n° 9).
L’Association Française des Diabétiques, par la voix de son président Gérard Raymond nous explique que la pharmacovigilance et l’AFSSAPS ont affiché une belle volonté de transparence ! Il salue la réactivité des autorités françaises : « Moins de dix mois se sont écoulés depuis les premiers signaux d'alerte officiels lancés en septembre 2010 par la FDA (Food & Drug Administration aux Etats-Unis). »
Les premiers signaux précliniques sont antérieurs à la mise sur le marché de l’Actos. Une publication de Clinical Cancer Research datée de 2003 concluait que sous certaines circonstances, les médicaments de cette classe pouvaient stimuler la formation de cancers. Un signal tangible a été mis en évidence chez l’homme en 2005 avec les résultats de PROactive. Ce ne sont donc pas 10 mois, mais 6 ans depuis la publication des résultats de cette très grande étude. Nuance. Et au moins 10 ans si l'on considère les données disponibles chez l'animal. Ne fallait-il pas s’en inquiéter dès lors ?
Mais alors peut-être que le président de l'AFD ne connaissait pas les résultats de cette étude majeure dans le diabète ? Inquiétant lorsque l’on sait que le Professeur Bernard Charbonnel, un français, fait partie des investigateurs principaux, 2° auteur de la publication et qu’il s’est largement exprimé sur le sujet. Dans cette dernière référence, datée de 2005, on apprend par ailleurs que les cancers de la vessie « sortent significativement ». Cependant, certains apparaissant dès la première année de traitement, il a été jugé que ces tumeurs ne pouvaient plausiblement pas être liées au traitement. Ces patients problématiques ont donc été sortis de l’étude. Pourquoi s’encombrer de patients à problèmes ? (sic !)
Pour ceux qui ont des problèmes avec les sites en anglais, il existe fort heureusement une solution. La revue médicale Prescrire, une publication indépendante (elle !) de l’industrie pharmaceutique, analyse avec rigueur la littérature scientifique. Elle fut l’une des premières à tirer la sonnette d’alarme avec le Mediator. Or, elle dénonçait les effets secondaires d’Actos, d’Avandia et des médicaments dérivés depuis 2002 !
- Rosiglitazone, pioglitazone, deux nouveaux antidiabétiques oraux trop peu évalués : Avandia° comprimés à 2 mg, 4 mg, 8 mg, Actos° comprimés à 15 mg et 30 mg
- Pioglitazone et rosiglitazone encore moins encadrées ! - Rev Prescrire 2004 ; 24 (256) : 820
- Antidiabétiques de la famille des glitazones : une levée injustifiée de certains contrôles - Décembre 2004
- Diabétiques de type 2 : mieux vaut se passer des glitazones - Avril 2008 http://www.prescrire.org/fr/3/31/23946/0/NewsDetails.aspx
- Diabète de type 2 : la pioglitazone toujours commercialisée, malgré une balance bénéfices-risques défavorable - Novembre 2008
- Diabète : encore des données impliquant la pioglitazone à l’origine de cancers de la vessie (Actos° et associé à la metformine dans Competact°) - Décembre 2010
- Actos°, la performance ! - Rev Prescrire 2006 ; 26 (268) : 72
- Glitazones : oedèmes maculaires enfin signalés dans les RCP - Rev Prescrire 2007 ; 27 (285) : 503
- Ni seules, ni associées : pas de glitazones pour les patients diabétiques (suite) Rev Prescrire 2008 ; 28 (294) : 245
- Glitazones et troubles cardiaques : RCP hétérogènes- Rev Prescrire 2008 ; 28 (300) : 742
- Rosiglitazone : même à moindre prix, ça suffit ! - Rev Prescrire 2009 ; 29 (306) : 255
- Glitazones : risques cardiaques et hépatiques (suite)- Rev Prescrire 2003 ; 23 (241) : 508
- Pioglitazone en prévention cardiovasculaire secondaire : pas de bénéfice clinique - Rev Prescrire 2005 ; 25 (267) : 851-852
- Prescrire en questions : glitazones : quelle hépatotoxicité ? - Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 316
- Glitazones et oedèmes maculaires - Rev Prescrire 2006 ; 26 (272) : 343
- Glitazones : cancers de la vessie et autres - Rev Prescrire 2007 ; 27 (280) : 108
- Diabète de type 2 : pas de glitazone en première ligne - Rev Prescrire 2007 ; 27 (281) : 213
- Ni seules, ni associées : pas de glitazones pour les patients diabétiques - Rev Prescrire 2007 ; 27 (283) : 333
- Glitazones : fractures - Rev Prescrire 2007 ; 27 (285) : 509
- Pioglitazone associée : remboursable mais à éviter - Rev Prescrire 2007 ; 27 (287) : 660
- Pioglitazone : ASMR à la baisse, mais toujours là - Rev Prescrire 2008 ; 28 (301) : 818
Alors, n’y a-t-il vraiment aucun parallèle entre Actos et le Mediator comme titre le communiqué de l'AFD ?
Des effets néfastes connus dès les études précliniques, des questions qui auraient du être posées depuis de nombreuses années, des experts en eaux troubles, la revue Prescrire qui crie dans le vide, ... et des patients qui trinquent !
Comment expliquer une telle différence de position entre une association de patients et la réalité scientifique ? L’Association Française des Diabétiques totalise à elle seule plus de sponsors qu’une écurie de formule 1 ! Des conflits d’intérêts dans l’air ?
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON