Neurobiologie de l’addiction – analogie et pistes de réflexion
Les Ernest conférences de l’École Normale Supérieure. Parlons de « Neurobiologie de l’addiction », conférence donnée par Jean-Pol Tassin.
Neurosciences, neurobiologie, cerveau, réponses motrices et psychiques à un stimulus extérieur. Où l’on apprend l’existence d’un circuit de la récompense : quand ce circuit est activé, notamment par la dopamine, nous éprouvons du plaisir. Où l’on est étonné par le comportement d’un animal qui, au cours d’une expérience, va finir par mourir de faim : tellement demandeur du plaisir lié à la stimulation du circuit de la récompense, qu’il peut déclencher lui même en actionnant une pédale reliée à une électrode directement au contact des structures cérébrales en question, il va préférer appuyer jusqu’à l’épuisement et la mort sur cette pédale plutôt que d’appuyer sur une autre qui lui offrirait pourtant de la nourriture. Il n’a plus conscience de ce qui est vital et nécessaire pour lui. Et il en meurt. Autre expérience intéressante par la suite, celle d’un singe qui adore je jus de pomme. Je vous laisse regarder la suite.
Je résume juste quelques points de cette expérience qui me semblent intéressants. Il s’agit de ce singe dont on explore la réponse neurobiologique (libération de dopamine) lorsqu’il reçoit de temps en temps une goutte de jus de pomme. Étonnement lors d’une variante de cette expérience : on projette une petite lumière une seconde avant que ne soit délivrée la goutte de jus de pomme. Si bien que les mécanismes du circuit de récompense (libération de dopamine) se mettent progressivement en route dès l’apparition du signal lumineux, jusqu’à avoir lieu intégralement à cette apparition, donc avant l’administration de la goutte de jus de pomme. Le singe a compris inconsciemment que la lumière = l’arrivée du jus de pomme une seconde après, du coup c’est la lumière qui déclenche le plaisir. Conséquence : si dans une dernière variante de l’expérience, après le signal lumineux on n’administre finalement pas la goutte de jus de pomme, l’animal est frustré et devient agressif. Est-ce de l’addiction ? Le jus de pomme n’est pourtant pas une drogue, ce n’est pas une substance toxicomanogène … La frustration de l’animal n’est pas liée au manque de jus de pomme en tant que jus de pomme. Elle est due à l’absence de plaisir via le circuit de récompense. Donc le plaisir est différent de l’addiction.
Analogie
Nous parlerons prochainement en détail de la place énorme de l’analogie dans l’approfondissement de la médecine de l’âme, selon l’orientation donné à ce blog (voir le concept du blog). De ce point de vue de l’analogie, ce topo reste aussi très intéressant dès lors que l’on se place du côté de notre dimension subtile, notre soi, considéré en tant qu’organisme. Bien évidemment, l’analogie systématique n’a pas de sens, en d’autres termes il ne faut pas forcément s’attendre à retrouver le pendant des neurotransmetteurs du côté de notre dimension subtile. Le but est d’arriver en étudiant un modèle, à mieux comprendre un autre modèle, les deux modèles présentant des similitudes. La conférence soulève ainsi quelques commentaires et questions :
- Certains comportements sous-tendus par nos penchants peu glorieux, eux-mêmes certainement témoins de troubles, dysfonctionnements, déséquilibres de notre soi, se répercutent au niveau conscient par un certain plaisir. Dans le cas de la jalousie par exemple, le fait d’avoir, par ses paroles ou ses actes, entravé le bonheur de la personne que l’on jalouse pourra s’accompagner d’une certaine satisfaction, d’un certain plaisir que l’on peur qualifier de malsain, mais plaisir quand même… On pourra même revivre de manière différée ce même plaisir en se remémorant notre acte, notre « stratégie » de nuisance, la manière avec laquelle l’autre a réagi, cette sensation de puissance que l’on aura ressentie, etc… C’est en quelque sorte « savourer sa victoire » … C’est une satisfaction de notre égo sur un versant égoïste. Et on peut être amené à répéter ce genre d’acte en grand nombre selon l’importance de notre jalousie. En allant plus loin, on pourra aussi ressentir ce plaisir avant même que notre projet soit actualisé : rien que le fait de penser à l’autre et à l’opportunité qu’on a de lui montrer enfin qui est le boss, et là encore un certain circuit de récompense s’active. On ressentira aussi cette frustration si, alors que tout était planifié, quelque chose nous empêche de parvenir à nos fins. En allant encore plus loin, l’homme est capable de bien des sacrifices pour arriver au bout de ses peines, prêt par exemple à se priver lui même de quelque chose pour que la personne qu’il jalouse n’obtienne rien non plus … En d’autres termes on retrouve toutes les modalités de fonctionnement décrites dans les expériences animales par Jean-Pol Tassin, alors même qu’il ne s’agit pas ici d’expériences mais de la « vraie vie » chez l’homme, il ne s’agit pas que de réactions automatiques et réflexes, mais aussi de réels choix d’action, de pensées, d’intentions …
- D’autres comportements s’accompagneront d’une sensation de plaisir tout autre. Le plaisir « réflexe » et automatique d’une part, qui est par exemple celui d’un parent observant son enfant faire ses premiers pas. Ou d’autre part le plaisir obtenu à la suite d’un choix : par exemple la décision de réaliser un acte altruiste à la suite d’une émotion de type empathique. Ou alors on peut, après avoir contrôlé une envie, une pulsion d’acte négatif guidé par un sentiment de jalousie tel que ci dessus, ressentir un certain plaisir d’avoir finalement choisi d’agir dans le sens du bien, une sorte de fierté de s’être maitrisé.
Quelques pistes de réflexion :
- Ce plaisir égoïste et malsain de l’ego, que l’on retrouve après certains actes, pensées, émotions, sentiments, intentions, comme dans le cas de la jalousie, peut-il être mis en rapport avec une certaine addiction ? On a vu dans la conférence de Jean-Pol Tassin que l’addiction naissait sur le plan biologique d’une rupture de fonctionnement normal des « modulateurs » qui sont censés apaiser nos réactions, et que la perte du contrôle de nos émotions survenant de ce fait pouvait entrer dans la description de l’addiction. Quels seraient au niveau de notre organisme « âme-psyché » les modulateurs défaillants qui nous font par exemple pencher de manière répétée vers des actes nuisibles pour autrui … et source de « plaisir » pour notre ego ?
- Quelles sont les places respectives et les rapports de causalité entre les réactions neurobiologiques et celles de notre organisme « âme-psyché » ? Existe-il un plaisir-satisfaction malsain propre à l’ego et se situant en amont de la réaction neurobiologique (qui existe de toute façon), au niveau de notre soi ?
- Le plaisir, ou la fierté, ou encore la bonne conscience ressentis après un acte, une pensée, une émotion, un sentiment, une intention qui vont dans le sens du bien, ne sont pas de la même « tonalité », de la même « couleur » que ceux décrits précédemment. Il me semble que dans ce cas l’addiction est une hypothèse plus lointaine, marginale, en effet je pense pourvoir dire qu’on croise statistiquement moins de personnes « addicts » à la générosité et à la bienveillance, que de personnes « addicts » aux commérages calomnieux, à la médisance, à l’arrogance, etc. ! Est-ce en lien avec l’effort important qu’il faut pour parvenir à développer ces vertus ? Alors qu’à l’inverse, l’envie et l’idée mêmes de satisfaire ses pulsions de domination, de puissance, etc. n’exigent pas de réel effort de mise en route, voire sont tout à fait naturelles et spontanées … Ou est-ce lié au fait que le plaisir ou la fierté qui suivent un acte de générosité ne représentent finalement pas – du moins s’il s’agit réellement de générosité – un but en soi ?
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