Peut-on encore penser aujourd’hui ?
Plus fort que TF1 qui accapare le temps de cerveau disponible, voici la neuroéconomie qui localise dans votre cerveau les sièges de l’émotion pour faire de vous des cobayes et vous dicter les choix à faire dans votre vie...
On sait déjà que penser n’est pas très bien considéré par les temps qui courent, de ces temps qui font du jogging et courent dans tous les sens... Les intellectuels au pilon ! L’esprit d’avant-garde "liquidé" ! Il est révolu le temps de la pensée. Mais, outre le carcan des prêt-à-penser idéologiques qui constituent un obstacle à la libre réflexion, un flot interrompu d’images et d’émotions, déversé par les acteurs économiques et l’Elysée, vous garantit désormais le "zéro prise de tête" ! Mais on peut aller encore plus loin dans le conditionnement de l’individu. La preuve...
Le supplément "Economie" du journal Le Monde de ce mardi 15 janvier nous propose un dossier sur la neuroéconomie, cette nouvelle discipline qui intéresse beaucoup les responsables de marketing car elle étudie les activités cérébrales au moyen de l’IRM (imagerie par résonance magnétique).
Quand la science et l’économie marchent main dans la main, ça donne cela : des expériences sur l’individu afin de cerner les endroits de son cerveau qui trahissent ses émotions et le mener à des choix que sa pensée rationnelle n’aura pas à étudier. Du 11 au 13 janvier s’est tenu à New York un symposium réunissant les meilleurs experts de cette technique. L’imagerie cérébrale montre comment l’émotion est aussi importante, sinon plus, que la rationalité dans la prise de décision. Une découverte qui sera très vite exploitée par tous marchands de tapis et quelques politiciens puisqu’en effet la discipline de la neuroéconomie s’installe dans toutes les grandes universités d’Amérique et vient en France.
Des tests qui font froid dans le dos : des chercheurs ont placé deux individus cobayes en situation de jeu d’argent. Lors de la première expérience, l’un des joueurs use de son libre arbitre pour refuser une partie qui aboutirait à un partage inéquitable pour lui des gains. Nouveau test en ayant pris soin cette fois d’inhiber la zone de cerveau rebelle : le joueur fait le choix servile et satisfait d’accepter d’être lésé. On imagine bien l’utilisation que les PDG pourraient faire de cet enseignement pour s’octroyer davantage de parachutes dorés, pour donner plus aux actionnaires au détriment des salariés...
Nous savions déjà aussi que, dans le monde actuel, la majorité des pauvres accepte qu’une minorité de possédants s’enrichisse toujours plus et étale ses fabuleuses richesses. Nous savons que la publicité joue un rôle dévastateur sur le cerveau des nouvelles générations qui s’en abreuvent, qui la parodient, la reproduisent et, finalement, lui obéissent ! En France, le raz-de-marée populiste en faveur du candidat ultra-libéral a montré que nous empruntons allègrement, ou résignés, cette voie du suivisme. Nous savons aussi que le peuple aime à savourer les délices de la presse people et rêver devant ces belles fortunes qu’il n’aura jamais, cela sans trop s’offusquer car le conditionnement sarkoziste a bien fonctionné : devant l’indignation des "bien pensants", il a suffi d’ajouter à chaque coup une couche supplémentaire de scandale jusqu’à ce que les cris d’orfraie deviennent inintelligibles, insignifiants. Bref, oser passer en force ! A présent, l’homo economicus détient le moyen technique de forcer les récalcitrants à se plier aux règles du capitalisme triomphant, ce système où l’humain s’égare, et d’influencer très fortement les décisions de ceux qui ne seraient pas assez bons consommateurs, voire pas assez "bons électeurs" ? Associé à un système de cyber-surveillance de tous les instants, on imagine dans quel monde nous pourrions "vivre" demain. Nous sommes dans la fiction, mais les dangers existent bel et bien et c’est pour cela qu’est née une discipline adjacente : la neuroéthique. Pour la "bonne conscience" ?
Soyez conscients, soyez libres : pensez !
Pour aller plus loin sur le Web :
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