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Accueil du site > Actualités > Santé > Pfizer : au dessus des lois ?

Pfizer : au dessus des lois ?

Comment Pfizer a violé la loi en toute impunité, et comment la justice américaine tente de sauver la face.

Dans un article précédent, qui remettait le Mediator à sa juste place en terme de dangerosité (1), j’évoquais comment, outre Atlantique, certains laboratoires, bien que condamnés à plusieurs reprises, récidivaient dans les pratiques les plus scandaleuses, bénéficiant d’une forme d’impunité. D’aucuns ont du être surpris, outrés par de telles accusations, et sont sans doutes sceptiques. C’est pourquoi nous allons revenir ensemble sur les pratiques du premier laboratoire mondial : Pfizer.

Pfizer a longtemps vendu l’un de ses produits, le Neurontin, comme une panacée. Selon l’entreprise, le produit pouvait soigner beaucoup de chose : l’épilepsie, les troubles bipolaires (ou cyclothymie), la maladie de Lou Gehrig, le manque d’attention, les jambes sans repos ou les crises de manque chez les alcooliques. Or, les seules preuves scientifiques existantes disent que le produit permet de traiter l’épilepsie. Dans le cas des troubles bipolaires, une étude a même montré que le produit ne servait à rien.

Cette pratique qui consiste à vendre un médicament pour un usage qui n’est pas approuvé par les autorités médicales s’appelle du marketing hors-indication. Il ne s’agit de le crier sur tous les toits : ce sont les représentants médicaux qui chuchotent les merveilles des produits à l’oreille de médecins.

On a alors prescrit le Neurontin à des personnes qui n’en avait pas besoin, mais qui auraient eu besoin d’un médicament réellement efficace pour leurs maux. Ces patients, mais aussi leurs mutuelles et les systèmes d’assurance maladie publique ont payé pour ces usages détournés. En 2004, l’entreprise est jugée coupable et condamnée à payer une amende de 430 millions de dollars pour avoir fait ce marketing mensonger avec le Neurontin (2).

Face au tollé, on durcit les règles : Pfizer devra obtenir une certification, et, en cas de récidive, sera définitivement écartée de tous les appels d’offres publics aux Etats-Unis. Las, en août 2009, une nouvelle enquête pousse l’entreprise à reconnaître le marketing hors-autorisation de plusieurs produits, dont le Lyrica (successeur du Neurontin). Plutôt que d’aller au procès, Pfizer préfère un accord amiable. Elle paie 2,3 milliards de dollars (3).

Mais est-elle écartée des appels d’offres ? Non. Pfizer est intouchable. Première entreprise pharmaceutique américaine, comptant des milliers des salariés (quoique ce sont des milliers qui rétrécissent rapidement), Pfizer est intouchable. C’est une vilaine entreprise, rachetée depuis, qui avait commis les premiers faits (4). En d’autres termes, l’entreprise est tellement énorme que la main droite ne peut savoir ce que fait la main gauche.

Mais l’histoire choque, car elle démontre à quel point le pouvoir politique reste impuissant face à l’industrie. Alors, pour redorer son image, la justice s’attaque à un nain, le laboratoire Forest (5). Celui-ci a payé 313 millions de dollars pour des pratiques de marketing hors-indication. Ce qui n’a pas été appliqué à Pfizer le sera sans doute à Forest : si son PDG ne démissionne pas, Forest sera écartée des appels d’offres publics.

Et en France ? Emmanuelle Quilès, qui dirige la filiale française de Pfizer, est la fille de Paul Quilès, ancien ministre PS de l’intérieur, puis des transport et enfin de la défense (5). Ca vaut bien la légion d’honneur de Jacques Servier.

 

1. Le Médiator… et les autres (1/3), Pharmafox, AgoraVox, 2 Juillet 2011

2. Pfizer agrees to settlement in Neurontin case, Candace Hoffmann, FirstWord, 13 Mai 2004

3. Judge Likely to Accept Pfizer's HHS Agreement in $2.3 Billion Case, Sheri Qualters, Law.com, 16 Septembre 2009

4. Pfizer - too big to nail !, Insider, Pharmagossip, 13 Mars 2010

5. Forest Laboratories’ Solomon May Be Barred From U.S. Programs, Jeffrey Young, Bloomberg, 26 Avril 2011

6. Emmanuelle Quilès : Ecoute et proximité à la tête de Pfizer France, Yann verdo, Pharmanetwork, 24 Novembre 2009


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3 réactions à cet article    


  • LouisBaston 30 juillet 2011 13:04

    Tout à fait d’accord. Pour démonter encore davantage le lobby pharmaceutique, je vous invite également à :

    - vous renseigner sur le DSM IV, et son évolution bible des maladies psychiques dans laquelle sont référencées des centaines de pseudo-maladies mentales grâce à la recherche...

    - de vous renseigner sur la nouvelle génération révolutionnaire des neurolpetiques, à savoir, les antipsychotiques qui guérissent (la même pillule magique) tour à tour la schizophérnie, la bipolarité, la dépression, et certaines névroses avec toujours l’emploi du conditionnel sur leur mode d’action et surtout, dont la boîte coûte accessoirement souvent plus d’une centaine d’euros et que de nombreux patients traités ont besoins de plusieurs boîtes par mois sachant que la posologie peut évoluer du simple au quintuple.

    A l’opposé, le baclophène générique à 3 euros la boîte ne peut être reconnu dans le traitement de l’alcoolisme alors que des milliers de témoignagnes de « guérison » sont disponibles sur le net...


    • paul 30 juillet 2011 14:52

      Pfizer, premier groupe pharmaceutique mondial, a connu plusieurs procès retentissants, pour « avoir fait la promotion de médicaments interdits par la FDA ». Payer des amendes records ne gêne pas cet empire financier . Donc la loi s’achète .
      Merck, second groupe mondial, également américain, a connu le scandale du Vioxx : 160.000 crises cardiaques provoquées et 30.000 décès, rien qu’aux États unis .
      Servier, premier groupe français, connait le scandale du Médiator .

      Ces faits ne sont sans doute que la partie émergée de conflits d’intérêts entre groupes privés très puissants et les administrations publiques en charge des questions .
      .L’affaire du vaccin contre le virus H1N1 qui a couté 1 milliard à l’État l’a encore rappelé .
      Recherche et innovation sont en baisse dans les labos : en 2005, il a été établi que sur 1092 nouveaux médicaments, aucun n’a apporté une réelle innovation thérapeutique .D’autant qu’il y a concurrence avec les génériques .
      On peut se demander la chose suivante : quand Merck ou Pfizer recoivent l’agrément de la FDA américaine, est ce que l’ Afssaps a les moyens de s’y opposer en France ?
      Avec Servier, grand donateur pour l’UMP, la question ne se pose même pas ....


      • Gargantua 31 juillet 2011 23:45

        Ce qui est effrayant dans toute ses magouilles, c’est la gestion du profit au dépend du risque , tant qu’il y a profit, les procès ne les arrêtent pas pour continuer à produire, il y a que la perte de bénéfice qui les fait fléchir.

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