À compter du 21 mars 2010, une nouvelle loi sur la traçabilité des prothèses dentaires est entrée en application. Adoptée le 21 juillet 2009, la loi HPST (Hopital Patients Santé Territoires) étendait l’obligation d’information écrite dont allait pouvoir bénéficier le patient. Le 11 mars 2010, une ordonnance ampute le texte initial d’un élément essentiel pour l’information du patient.
D’après le
texte initial de la loi, le chirurgien-dentiste était désormais dans l’obligation de fournir au patient une copie de la déclaration de fabrication du dispositif médical. Grâce à ce document tout patient allait être en mesure de connaître le lieu de fabrication de sa prothèse, ainsi que l’adresse du laboratoire l’ayant réalisée. La loi obligeait également le dentiste à fournir des informations détaillées sur le coût réel de fabrication de la prothèse dentaire.
Avancée en matière d’information
Pour le patient, cette loi représentait une avancée notoire en matière d’information et allait permettre de clarifier un point important : l’origine de sa prothèse dentaire. Outre qu’un patient est légitimement en droit de connaître le pays où sa prothèse a été fabriquée, il est important d’en connaître la provenance pour des raisons médicales. En effet, certaines prothèses (mal) réalisées à l’étranger, pour des coûts beaucoup plus bas qu’en France, peuvent poser
problème. En France, une prothèse posée sur trois serait fabriquée à l’étranger, en Chine principalement. Diffusé il y a quelques mois dans le cadre de l’émission Envoyé Spécial, un reportage montrait comment des prothèses dentaires sont importées sans aucun contrôle sur le sol français par des dentistes, des prothésistes ou des filières spécialisées.
En théorie, la loi HPST n’aurait plus permis les dérives et abus pointés par l’émission
Envoyé Spécial. Comme on peut s’en douter, cette nouvelle loi a déclenché un tollé au sein de la profession dentaire. L’Ordre des dentistes a protesté vivement contre une mesure jugée "excessive et sans précédent".
Recul sur ordonnance
Une ordonnance du 11 mars 2010, relative aux dispositifs médicaux, est venue modifier de manière significative l’article 57 du texte de la loi avec pour conséquence de priver le patient de son droit légitime à l’information. Est-ce un effet du lobby des dentistes ? Il est permis de se poser la question, sachant que la profession sait se mobiliser pour se faire entendre efficacement. On se souvient par exemple il y a quelques mois de l’affaire des
amalgames dentaires. Toujours est-il que le dentiste n’est plus tenu de fournir au patient la copie de la déclaration de fabrication du dispositif médical. Ce dernier n’a donc plus le moyen de connaître la provenance de sa prothèse. Les praticiens qui choisissent de délocaliser la fabrication des prothèses qu’ils posent en bouche, vont donc pouvoir continuer à le faire en toute opacité et sans que le patient sache que le dispositif qu’il achète est "made in China".
Transparence inapplicable
En ce qui concerne le coût des prothèses, le dentiste reste tenu par la loi à une obligation de transparence. En effet, le texte stipule qu’il doit informer gratuitement le patient en lui indiquant "de manière dissociée, le prix d’achat de chaque élément de l’appareillage proposé, le prix de toutes les prestations associées". La profession et l’Ordre des dentistes se sont toujours opposés à toute disposition d’information tarifaire, arguant que seul compte l’acte médical global et non le coût d’achat de la prothèse. Aujourd’hui encore, l’Ordre juge le texte inapplicable, du moins en l’absence de modalités précises d’application. Pour en justifier, l’Ordre cite le cas des dentistes qui fabriquent eux-mêmes leurs prothèses et ceux qui recourent à un procédé informatisé (CFAO), deux cas de figure largement minoritaires au sein de la profession.
La loi HPST fut jugée "injuste et désastreuse pour notre image" par l’Ordre des dentistes. Effectivement, qu’un patient connaisse le prix d’achat de sa prothèse fabriquée en Chine serait désastreux. Il vaut donc mieux qu’il n’en sache rien.