Quand un spam me sauve la vie !

Chez moi, c’est un véritable rituel, une gymnastique métacarpienne quotidienne, au saut du lit, j’allume mon ordinateur et dès que celui-ci a fini de charger tous les « lancements rapides » qui n’en finissent pas de ramer, j’ouvre ma messagerie. En une fraction de seconde, mes yeux aguerris repèrent les intrus.

Le petit doigt de ma main gauche, positionné au dessus de la touche Maj, est déjà prêt à entrer en action, il attend le signal…

Ça y est, ils arrivent…

Selon les heures où je me tire du lit, ils sont plus ou moins nombreux. A celle du crémier, c’est encore acceptable, juste deux ou trois propositions du genre : « comment faire fortune, avant même d’avoir bu son café ». J’avoue que c’est tentant, mais tellement peu crédible, que j’avale mon p’tit noir, aussi fauché que la veille.

Quand j’ai « télévisé » jusqu’à plus d’heure, et que je suis réveillé en sursaut par les « allez, à la nôtre ! », les senteurs anisées provenant de la terrasse de mon voisin, c’est une véritable intrusion qui m’attend, un authentique viol numérique collectif. La bourse, la météo, flash info, l’horoscope, s’enrichir en faisant la sieste, augmenter la taille de son pénis, avoir une érection durable, voyager pas cher, trouver la femme idéale, aider un pauvre africain à transporter une valise contenant 1 million de $ etc.etc.etc.

C’est à ce moment là, que mon auriculaire gauche, surexcité, se crispe sur la touche Maj. je sélectionne alors, avec un clic souris gauche, l’ensemble de ces pourriels, et, hop, légère pression sur l’arme de destruction massive, la touche Suppr.

Voilà, c’est ainsi que je procédais avant, avant que je ne tombe sur lui : « Les douleurs articulaires ne sont plus une fatalité, soulagez vos souffrances avec un traitement naturel à base de plantes ! »

Diantre ! J’ai failli commettre l’irréparable, détruire à jamais ce massage du ciel, envoyé sans doute par Hippocrate en personne, le père de la médecine. Irréversible, oui, car après Suppr, je passe à : Vider la corbeille.

Mais il faut que je vous explique… voilà, j’ai 56 balais, et depuis quelques années, j’ai plus de douleurs articulaires que d’érections matinales. Bon, hisser ou pas les couleurs à l’aube, je m’en arrange, et comme en plus, je dors sur le ventre, je ne suis pas embêté par ce « cric » incontrôlable, qui jadis m’obligeait à cambrer un peu le dos pour être à l’aise sous la couette. Si vous voyez ce que je veux dire… donc, finalement c’est un bien pour un mal, ou un mal pour un bien (j’y ai pas trop réfléchi !)

Mais elles, ces satanées douleurs articulaires, étaient toujours bien présentes. Ce sont elles qui, dès les premiers rayons de soleil, m’obligeaient à quitter le lit, en quatrième vitesse, pour avaler ces saloperies d’anti-inflammatoires. Trois fois par jour, matin, midi, soir. Et pas n’importe lesquels, ceux qui figurent sur la liste des médocs à ne pas prendre.

Avouez qu’il faut quand même être un peu tordu, n’est-ce pas ? Mais je l’étais, vraiment, tordu de douleurs, alors, que faire… ?

J’en étais donc à détraquer mon estomac pour soigner mes articulations, quand le titre de ce fameux spam s’est affiché au milieu de ses semblables. J’avais le doigt sur la détente, mais une horrible douleur, à la dernière phalange de mon complice matinal, m’empêcha de sélectionner toute la liste. Un coup du destin, vous dis-je, un miracle informatique.

Tous les autres avaient disparu, sauf lui, qui me toisait, me narguait, qui semblait me dire, « alors, tu m’ouvres ou pas ? ». Je l’ai ouvert !

L’Harpagophytum procumbens, voilà de quoi il était question dans ce message. Un laboratoire au nom tout aussi imprononçable, en vantait les mérites. Méfiant, je suis allé faire un petit tour du coté de chez Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Harpagophyton

Mais je n’étais pas encore rassuré, ce n’est pas à un vieux singe comme moi que l’on va faire croire n’importe quelles fadaises. J’ai rien contre les guérisseurs khoïkhoï, san, namaquas et bantous, mais je suis plutôt du genre de la fosse, septique. Alors je suis allé, comme bon nombre de médecins, parait-il, butiner sur Google, sur les forums.

Là ça devenait intéressant, de nombreux témoignages, semblant sincères, encensaient cette merveilleuse plante. Ni d’une ni de deux, j’enfilais un jean et direction la pharmacie la plus proche.

Un mois déjà que, consciencieusement, trois fois par jour, je compte les petites gouttes miraculeuses, avant de les mélanger à un peu d’eau. Vous n’allez pas le croire, exit les douleurs, finies les inflammations diurnes et nocturnes, pour 7.37€, j’ai mis fin à ce cercle infernal.

Holà, n’allez pas croire que je suis mandaté par je ne sais quel lobby, non, je n’ai absolument aucun intérêt financier à vous parler de cette plante, j’ai fait ce petit mot, juste pour vous dire combien je suis content de ne pas avoir détruit ce gentil spam, qui m’a pour ainsi dire, vraiment sauvé la vie.

Tiens, je vais même vous faire une petite confidence, je compte sur votre discrétion… Et bien, figurez-vous que depuis quelques jours, le matin, au réveil, je recommence à cambrer mon dos…

Inutile de vous dire, qu’à présent, avant de supprimer un message, je prends mon temps, j’examine à la loupe toutes les propositions. Sait-on jamais, peut-être qu’un jour, l’un d’entre eux m’apprendra comment en finir avec la connerie humaine. Je suis patient, je vous rassure…