Rapport Debré-Even, le rapport de trop ?
Depuis le début de l'affaire du Médiator, les médias nous parlent régulièrement des conflits d'intérêts entre les laboratoires pharmaceutiques et des experts scientifiques. Aussi la publication d'un rapport le 16 mars dernier sur "la refonte du système français de contrôle de l’efficacité et de la sécurité du médicament" promettait d'être instructive. D'autant que les auteurs, le professeur (et député UMP) Bernard Debré et le président de l'Institut Necker, le professeur Philippe Even, ne cachaient pas qu'ils allaient dénoncer les dessous des relations entre l'industrie et les experts. Je ne suis pas une spécialiste du secteur de la santé, donc il me sera difficile de me prononcer sur les propositions de la seconde partie du rapport. Des critiques que j'ai pu lire sur cette partie, les avis sont plutôt favorables et les idées de réforme avancées semblent dans l'ensemble rejoindre des idées partagées par tous les acteurs qui réfléchissent à la réforme du contrôle du médicament en France.
Par contre, la première partie est assez décevante. Outre le style particulièrement indigeste avec des phrases interminables où se télescopent plusieurs idées, les attaques reposent rarement sur des faits. Et c'est bien dommage car il y aurait sûrement beaucoup à dire sur les pratiques des laboratoires en matière d'influence et de lobbying. Un article publié sur AgoraVox parlait d'un club réunissant des parlementaires et financés par des sociétés privées dont un laboratoire pharmaceutique. Et les exemples ne manquent pas : les allers retours des conseillers de Ministres de la santé entre l'industrie et la vie politique, les conférences généreusement sponsorisées, les livres "subventionnés" par des firmes pharmaceutiques ...
Au final la première partie du rapport oscille entre règlements de compte personnel, nostalgie du passé (notamment la période où l'un des deux auteurs considère qu'il faisait mieux dans l'ancêtre de l'Afssaps avec moins de moyens), et attaques gratuites. Il y avait certainement mieux à faire. Du coup, les deux auteurs se retrouvent mis en cause sur leur compétence à rédiger ce rapport, comme dans le billet du journaliste santé de Libération, Eric Favereau, et sont même accusés de venir affaiblir le travail, plus sérieux, des missions d'information parlementaire mises en place à l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que les propositions que prépare l'IGAS pour réformer la pharmacovigilance, comme dans cet article de Sud-Ouest.
Et l'on peut effectivement s'interroger sur l'opportunité et la légitimité de ce rapport. Annoncé par le professeur Debré comme une demande de Nicolas Sarkozy après qu'il ait discuté avec lui, le rapport ne fait l'objet d'aucune lettre de mission comme cela est la coutume. Et le jour ou ce rapport est rendu public, il n'y a pas de rendez-vous à l'Elysée, ni communication de Xavier Bertrand, après qu'il ait reçu les deux auteurs. Au final cela aura été beaucoup de bruits pour rien sur un sujet qui méritait mieux, si tant est que l’on veut bien repenser le système de pharmacovigilance dans notre pays.
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