Remède de bonne femme
Quand d'autres se dorent la pilule
La posologie de la sagesse.
Il y a bien des manières de soigner le mal à la racine mais le plus sûr est, à n’en point douter, d’user des vieilles recettes de nos grands -mères, ce que d’aucuns appellent « les remèdes de bonne femme » avec ce ton condescendant des dignes représentants de l’industrie pharmaceutique. La moutarde me monte au nez quand je découvre à quel point nous avons perdu de vue l’essentiel de la culture populaire pour avaler gélules et sirops par déraison.
Jadis, les herboristes, les bonnes dames goûtèrent les joies du bûcher pour avoir pratiqué des potions qui sortaient du cadre. Il devait bien y avoir diablerie et sorcellerie pour soigner ce que les doctes Diafoirus ne parvenaient pas à contenir à coups de saignées et de clystères. Depuis, si la sentence a perdu de sa sévérité, le jugement fut longtemps tout aussi hostile aux méthodes naturelles.
Une bonne tisane, un peu de thym et de jus de citron ça ne peut pas faire de mal mais, hélas, ça ne fait pas entrer d’argent dans l’économie de la chimie douteuse. Alors on dénigre, on rabaisse, on se gausse et le terme de « bonne femme » sonne le glas de l’efficacité du traitement. Les gens sérieux font des études longues et n’écoutent pas les sirènes de l’herboriste.
Il faut envoyer aux pâquerettes ceux qui ne courent pas chez le médecin traitant. D’ailleurs, le vocable ne trompe pas : il ne soigne pas, il n'examine plus guère, il dresse une ordonnance, une belle liste qui va engraisser le pharmacien du coin et prendre un minimum de temps pour mériter au moins vingt-trois euros. La chimie c’est souvent de la poudre aux yeux, on appelle ça l’effet placebo lequel, à lui seul, provoque plus de guérisons que les pauvres molécules qui sont sorties du chapeau des apothicaires modernes.
Un nouveau scandale de santé publique remplace le précédent qui n’a toujours pas été traité. Les traitements de la justice prennent leur temps pour protéger mandarins et industriels. Il ne faut pas remettre en question un système qui depuis longtemps a montré ses limites, ses escroqueries et ses failles. La pilule est difficile à avaler surtout que les responsables ne se retrouvent jamais à La Santé.
Les bonnes femmes doivent rire sous cape. Elles, au moins, soignaient et à défaut ne faisaient guère de mal. Pas de monstres difformes, pas d’effets secondaires, pas de troubles à vie. Mais, il faut bien l’admettre pas de commissions, pas de dessous-de-table, pas de voyages offerts dans des stations balnéaires lointaines. Les herbes se ramassent sans accumuler l’oseille et le blé. C’est de l’artisanat de petites mains alors que nos grands carabins donnent dans le détournement de masse.
Nous marchons sur la tête. Nous avons détruit un héritage millénaire pour, l’espace de trois ou quatre générations, donner la priorité absolue à une médecine de la prescription qui soigne un symptôme et jamais un patient dans sa complexité. La potion est amère, les résultats souvent très médiocres. Autant la chirurgie a réalisé de véritables prouesses , autant la basique posologie n’a rien fait de mieux depuis bien longtemps.
Le cataplasme sur une jambe de bois n’a sans doute rien à envier au cautère. Mais la Raison devrait l’emporter dans cet univers trouble où le mensonge, le secret, les résultats qui demeurent cachés sont légion. Tout est à repenser dans cette médecine du quotidien qui est d’abord à la recherche du gain financier plutôt que du bien-être de l’assuré social. Les remèdes de généralistes pressés de passer au client suivant ne sont ni meilleurs ni pires que les plantes de nos anciens. Mais ces derniers, au moins, observaient, prenaient le temps et avaient le sagesse de ne pas se prendre pour des apprentis-sorciers.
Le corps est une machine complexe, il ne se découpe pas en tranches. Il faut prendre en compte la complexité de l’individu, son parcours, ses difficultés, ses joies, ses malheurs. Nous avons désormais affaire à des machines à sous, écrivant à la va-vite des ordonnances qui remplissent plus un bon de commande qu’un besoin réel. Envoyons-les un peu dans les roses ; il pourrait s’y trouver matière à bonnes décoctions.
Fiévreusement vôtre.
18 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON