Santé, la nouvelle marchandise
Tout le laisse supposer. En France la santé serait-elle devenue la nouvelle poule aux œufs d’or vers laquelle lorgnent avec avidité tous les rapaces de la haute finance ? Sans vergogne, ceux-ci ont lancé depuis peu dans cette conquête de l’horreur, leurs avant-gardes de politiciens véreux. Et à force de percées ou de « ballons d’essai » ils sont sur le point de gagner la bataille du profit sur le dos de la « souffrance des autres ».
Début juin, à Marseille. Sur une vitrine de pharmacie devenue depuis longtemps véritable bazar, une affiche énorme. « Il vaut mieux être malade aujourd’hui, et non attendre demain, car alors, il sera trop tard ». Peu importe le message supposé de la prévention, car le texte et les mots employés sont ressentis par le quidam comme un appel à la peur, la panique.
Quelques jours plus tard, devant la télé. Plus exactement sur France 5. En début d’après-midi et dans l’attente de l’émission C dans l’air. Terrifiant. A longueur d’antenne et de discours ou débats on y discute maladies, médicaments et autres cauchemars. Ainsi tous les après-midi de la semaine et pendant des heures et des heures. Justement dans un créneau horaire où les inactifs et les retraités se trouvent scotchés devant leur petit écran en quête de rêves ou d’espoir et qui, soudain, se sentent atteints des pires maux.
Plus consternant encore. Voilà des mois et des mois que toutes – je dis bien toutes – que les chaînes publiques et même privées de télévision, consacrent dans leurs journaux quotidiens, un ou deux sujets destinés aux maladies, graves ou pas, aux hôpitaux et cliniques, aux médicaments, aux déficits de la Sécurité sociale, à la vieillesse et aux nouveaux-nés et même aujourd’hui, au don… d’organes. Sans oublier bien sûr, cette multitude de spots publicitaires vantant les bienfaits de tel ou tel remède, ou bien les effets bénéfiques pour la santé tel ou tel beurre, laitage, biscuit ou boisson gazeuse.
Et en avant la consommation effrénée de pilules, examens, radios, chirurgie, seringues, cachets et bouffe. Le tout piloté par la hantise de la majorité d’entre nous, la frousse et la lâcheté, devant la vie.
Inouï. Ma vieille sœur qui continue de courir avec allégresse vers ses 80 ans, malgré des revenus mensuels bien en dessous de mille euros, est prisonnière depuis quelques semaines d’une toux tenace. Une, deux puis trois visites chez son médecin traitant. Un généraliste. Pas de diagnostic précis avant un examen cardiologique, puis pulmonaire chez des spécialistes coûteux. Rien de ces côtés-là. Alors le scanner est proposé. Stop, ma sœur qui tousse toujours a en horreur ce tunnel et décide de consulter dans un pays dit émergent où elle doit répondre à l’invitation de son frère. Dix minutes d’auscultation et de dialogue là-bas chez un simple généraliste du coin et le diagnostic est établi : l’asthme et un traitement adéquat, banal en soi.
Ma sœur ne tousse plus.
Coût total de la péripétie : des centaines et centaines d’euros dans la première et épuisante phase. Une vingtaine – au cours du jour – dans le pays étranger. Le tout aux frais de la Sécurité sociale française, ma sœur, compte tenu de ses revenus financiers, étant couverte à 100 %.
Cette petite série de témoignages vécus tend à mettre en exergue le fait que la santé est devenue en France un produit de haute consommation pareil à tout autre. Plus que tout autre plutôt. Pour le grand bonheur de toutes les activités s’y rattachant, pour le malheur de la Sécu et pour la proche réalisation du rêve de la finance qui souhaite tant participer au festin. Tous les feux sont au vert en faveur de cette dernière. Voilà en effet, qu’après la réforme des retraites vieillesse, la mise en place des franchises médicales, l’intrusion du privé au cœur même des services hospitaliers publics, l’annonce est faite d’un… éventuel déremboursement des médicaments destinés à soulager, donc à vivre décemment, les malheureux atteints de maladies graves et longues.
Il faut être aveugle pour ne pas voir que se prépare ainsi la privatisation de la santé du peuple français. D’autant que là-haut, du côté du pouvoir, on ne cesse de nous rebattre les oreilles avec le déficit abyssal d’un système unique et enviable.
Il serait vain et profondément immoral, malgré toutes les dérives et abus qu’elle suscite, de comparer sans cesse la Sécurité sociale à une « activité commerciale » destinée à faire des bénéfices. Et plutôt que de s’en débarrasser au profit d’actionnaires qui n’auront que faire de la pauvreté ou des besoins de la majorité d’entre nous, il serait plutôt souhaitable de faire le ménage dans le mécanisme de sa structure, tout en étant strict quant à son alimentation financière, surtout dans l’équité. Par exemple, vis-à-vis de ses débiteurs dont, dit-on, l’Etat serait le principal. Les voies de salubrité ne manquent pas.
Et puis, que diable, étant bien public nécessaire, il serait du devoir de nos dirigeants de combler le déficit de la Sécu par d’autres voies budgétaires que celles, encore et toujours, de la pénalisation des malades.
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