Trafic d’organes : La nouvelle mode d’internet ?
Vous êtes en bonne santé ? Vous avez besoin d’argent ? Vous êtes frappés par la crise grandissante et vous n’arrivez pas à y faire face ? La vente d’organes est faite pour vous ! Comme des milliers d’internautes, vous avez peut-être un jour tapé dans votre moteur de recherche "vente d’organes" dans l’espoir de remédier à quelques-uns de vos soucis financiers. Vous avez probablement eu alors accès à de nombreux témoignages aussi choquants qu’effarants. Lorsque l’on sait que chaque année, en France, plus de 19 000 patients attendent une greffe alors que seulement un tiers l’obtiendront1 et que 12 personnes en Europe meurent par jour faute de greffe2, certains pensent s’inscrire dans une démarche citoyenne en envisageant la vente d’un de leurs membres. Mais cela nous confronte directement à des problèmes de bioéthique. En France, depuis sa création, "le don est un acte bénévole. Il ne peut faire l’objet d’aucune compensation, financière ou autre."3
Besoin d’argent ? Plus pour longtemps …
Le trafic d’organes est un commerce lucratif porté par internet et laissant de nombreuses populations meurtries. En effet, en quête d’argent, « Les soi-disant donneurs d’organes sont des pauvres, des faibles, des orphelins, des personnes sans éducation, vulnérables » comme l’a dit un communiqué du Conseil de l’Europe4, ils n’hésitent pas à devenir acteur du marché. C’est le cas notamment dans les pays émergents comme en Chine ou des citoyens sont prêts à vendre un de leurs organes pour une somme dérisoire. Tout comme Hu Jie, jeune et pauvre de nationalité chinoise, il avait « le profil idéal pour tomber dans les filets des trafiquants » d’après le journaliste Baptiste Fallevoz. Face à des dettes de jeu contractées sur internet, il a pris la décision de vendre un de ses reins pour rembourser ses amis, ne se doutant pas que cela allait briser sa vie. Le receveur du rein paya 35 000€, Hu Jie en recevra 3 000, ce qui reste 32 000 € à se partager entre le chirurgien faussaire, l’hôpital et le réseau de trafiquants5.
De l’autre côté du système, les receveurs sont souvent désabusés face aux démarches et au temps d’attente d’une greffe sans garantie et deviennent eux-aussi victimes de ce commerce. En effet ils se servent d’internet comme médiateur pour trouver l’organe idéal en postant une annonce ou en consultant celles de vendeurs. C’est une double chance qui s’offre à eux en vue d’améliorer leur quotidien.
Au coeur du système, s’affairent des trafiquants sans scrupule qui n’hésitent pas à attaquer des populations sans défense pour faire fructifier leur business. Internet leur sert d’intermédiaire pour d’une part, vendre des organes prélevés sur des personnes pas toujours consentantes et d’autre part pour organiser leur réseau en un système performant.
WEB : Facteur de croissance de la transplantation internationale.
Acteur essentiel de la mondialisation, le web est connu pour faciliter les échanges en liant différents pays, populations et est à la fois très rapide et quasiment accessible à tous. Initialement bénéfique, internet engendre aujourd’hui de sérieux questionnements quant à son utilisation. Parmi les nombreux sites constituants la toile, certains font surface alors qu’ils ne devraient pas exister d’un point de vue éthique.
Les forums, tels que "Je veux vendre mon rein"6, sont des terrains privilégiés pour vendre ou acheter. Ils sont souvent peu surveillés. On y trouve des annonces telles que celle d’une chômeuse espagnole quadragénaire proposant la vente de ses cornées tout comme un de ses poumons ou encore un morceau de son foie pour financer son logement7.
Cependant, un tel commerce se retrouve aussi sur des sites très fréquentés et contrôlés comme EBAY.8 Même si cela peut paraitre étrange, une annonce a tout d’abord échappé à la surveillance des régisseurs du site. Celle-ci corrobore le fait que la vente d’organes est un réel marché puisqu’elle a pris une réelle ampleur :
"Démarrant à 25 000$, l’offre a atteint 5,75 millions de dollars" relève Muriel Drouineau. L’annonce américaine était mentionnée : "Rein à vendre, en parfait état de fonctionnement. L’acheteur prendra à sa charge tous les frais médicaux. Biens sur, un seul de mes reins est à vendre. J’ai besoin de l’autre pour vivre. Pas sérieux s’abstenir. » Preuve que notre société est mal en point, et que la toile peut être un lieu insalubre.
Lutter ou abandonner ?
Cependant de plus en plus d’acteurs s’engagent pour contrer le trafic. Utilisant eux aussi Internet pour véhiculer leur message, ils essaient de toucher et sensibiliser. Une association "Your kidneys are our care"9 a même créé un site l’incitant à vendre un organe et un questionnaire portant sur l’état de santé de la personne. Ce dernier a pour but de démontrer que quelle que soit la situation d’un individu, la vente d’organe n’est pas un choix pour lui !
De plus, l’abondance de réseaux sociaux et leur abonnés permet de sensibiliser une majeure partie de la population mondiale. Un réseau comme twitter agit ainsi au coeur de la vie des gens et c’est en y partageant des informations que l’on peut faire réagir et questionner un grand nombre de sujets. Un twitt concernant Internet et la vente d’organes y figure ; " CHINE : quand Internet facilite les ventes d’organes."10
Dans une autre mesure, des pays et leurs gouvernements s’engagent pour inonder le fléau : en 2015, le premier traité international de Prévention et de lutte contre le trafic d’organes humains a été signé11. Preuve que des remèdes se mettent en place. En France, le gouvernement a mis en place un système où chacun, aussi bien vous que nous, peut signaler un comportement étrange se trouvant sur le net. Il ne suffit que d’un clic pour contribuer à la lutte. Allez donc y jeter un oeil ! (internet-signalement.gouv).12 Tout citoyen peut donc participer à la prévention de comportements illicites.
Dès 1998 des moyens existaient pour empêcher la vente d’organes. Sans techniques de pointe, la lutte était menée par des fonctionnaires lambda. En effet, en Italie, un courrier électronique proposant la vente d’un rein a été envoyé par erreur à un destinataire qui a ensuite véhiculé l’information auprès de la police locale.13 Cependant, aujourd’hui, certains organismes se sont spécialisés dans cette lutte comme Interpol pour qui la cybercriminalité est une réalité à ne pas traiter à la légère. D’après Interpol, "le trafic d’êtres humains peut revêtir de nombreuses formes dont le point commun est l’exploitation de la situation de vulnérabilité des victimes" et son rôle est de détecter et prévenir les crimes numériques tels que le trafic d’organes14 Ensuite, de nouveaux projets comme Indect sont susceptibles de voir le jour dans un futur proche. Indect détectera automatiquement des comportements menaçants sur Internet et la voie publique C’est donc un outil de surveillance globale, de la vie réelle mais aussi de la vie virtuelle 15.
Il est donc clair que la lutte contre le trafic d’organes s’est affirmée au cours des années. Mais cela n’est-il pas dû à l’augmentation et à la virulence d’un trafic qui n’a pas de limites et est, aujourd’hui, sans contrôle à l’échelle mondiale ?
Ainsi, aujourd’hui nous faisons face à une situation complexe dont on ne sait comment sortir. L’enjeu est de trouver définitivement des solutions pour éradiquer le commerce d’organes. Cependant, la croissance de la lutte est dûe à l’augmentation du commerce ! Nous faisons face à un diallèle.
Mais nos droits fondamentaux sur le net qui passent tout d’abord par notre liberté seront-ils un jour menacés par cette envie d’irradier l’illégalité sur internet !?
1 Don d’organes, tout savoir sur le don. France ADOT, http://www.france-adot.org/don-organe.html
2 Voegele, Dominique. Une convention internationale du Conseil de l’Europe pour lutter contre le trafic d’organes. Francetvinfo, 23/07/2014, date de mise à jour 28/11/2014. http://geopolis.francetvinfo.fr/le-conseil-de-leurope-lutte-contre-le-trafic-dorganes-39283
3 Don d’organes, tout savoir sur le don. France ADOT, http://www.france-adot.org/don-organe.html
4 14 pays signent le premier traité international de lutte contre le trafic d’organes. Le Journal de Montréal [en ligne], publié le 25/03/2015. Disponible sur : http://www.journaldemontreal.com/2015/03/25/14-pays-signent-le-premier-traite-international-de-lutte-contre-le-trafic-dorganes
5 Fallevoz, Baptiste. Quand internet facilite les ventes d’organes. France 24 [en ligne], 15/06/2012. http://www.france24.com/fr/20120613-focus-chine-trafic-organes-sante-reins-marche-noir-penurie-polemique?ns_campaign=editorial&ns_source=RSS_public&ns_mchannel=RSS&ns_fee=0&ns_linkname=20120613_focus_chine_trafic_organes_sante_reins
6 Strack, Emma. Insolite du net : le trafic d’organes ne connait pas la crise. France 5 [en ligne], 03/09/2012. http://www.allodocteurs.fr/insolite/insolites-du-net-le-trafic-d-039-organes-une-entreprise-qui-ne-connait-pas-la-crise_7217.html,
7 Planells, Marta. Une chômeuse espagnole propose la vente d’organes pour payer son logement. La croix [en ligne], publié le 12/11/2012. Disponible sur : http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Une-chomeuse-espagnole-propose-la-vente-d-organes-pour-payer-son-logement-_NG_-2012-11-12-874849
8 Drouineau, Muriel. Ebay piégé par la vente aux enchères d’un organe humain. ZDnet [en ligne], publié le 07/09/1999. Disponible sur : http://www.zdnet.fr/actualites/ebay-piege-par-la-vente-aux-encheres-d-un-organe-humain-2058709.htm
9 Your kidneys are our cares. Sell kidney online. http://kidneykidney.com/
10 Fallevoz, Baptiste. Quand internet facilite les ventes d’organes. France 24 [en ligne], 15/06/2012. https://twitter.com/dave13100/status/213591951621099520
11 14 pays signent le premier traité international de lutte contre le trafic d’organes. Le Journal de Montréal [en ligne], publié le 25/03/2015. Disponible sur : http://www.journaldemontreal.com/2015/03/25/14-pays-signent-le-premier-traite-international-de-lutte-contre-le-trafic-dorganes
12 Portail officiel de signalement des contenus illicites de l’Internet. Ministère de l’intérieur. internet-signalement.gouv.fr
13 Italie, trafic d’organes sur internet. Le monde [en ligne sur europresse], publié le 9 octobre 1998. Disponible sur europresse.com
14 Interpol, la traite d’être humain. Interpol [en ligne]. http://www.interpol.int/fr/Criminalit%C3%A9/Trafic-d' ;%C3%AAtres-humains/Traite-d%E2%80%99%C3%AAtres-humains et Cybercriminalité ; Interpol [en ligne]. http://www.interpol.int/fr/Crime-areas/Cybercrime/Cybercrime
15 Soyez, Fabien. Indect, détecte aussi les « comportement suspects » sur internet. CNET, 23/03/2013. http://www.cnetfrance.fr/news/indect-detecte-aussi-les-comportements-suspects-sur-internet-39789278.htm
Landreau Marion et Sérusier Justine
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