Une île sous le poids des moustiques
Alors que les Français de la métropole s’interrogent sur la grippe aviaire, les Réunionnais, quant à eux, s’indignent. Confrontés à une épidémie qui, hier encore, était peu connue, ils ont peur. Le chikungunya, un mal qui ronge à petit feu 780 000 habitants, catastrophés et outrés par l’attitude d’une nation qui est la leur.
Depuis novembre 2005, le chikungunya s’est immiscé sur le sol réunionnais, faisant des ravages grandissants. Le 19 novembre 2005, on répertoriait 4539 cas, soit une croissance de 50 à 100 nouveaux cas par semaine. Depuis le 4 mars 2006, le chiffre est bien plus alarmant. 186 000 personnes sont atteintes du virus. Les autorités françaises ayant réagi tardivement, l’île a dû faire face seule dans un premier temps à une réalité aussi difficile qu’incroyable. Maryse, originaire de la ville de Saint-Denis, pousse son cri : « Moi, ça me révolte ! L’Etat a une grande part de responsabilité mais ne veut pas la prendre ! Avec beaucoup de retard, on a assisté au ballet des politiciens avec dans leurs valises des millions d’euros ! Le mal est là, il fallait prendre le mal par la racine dès le départ, pas attendre une épidémie. Il suffisait d’une démoustication depuis avril dernier ! »
Le 18 janvier 2006, un collectif de médecins déclare : « Le chiffre de 7600 cas déclarés pour tout le département est un mensonge, que nous espérons par omission : à quelques centaines près, il correspond au nombre de malades sur le secteur de Saint-Louis à lui seul. » Les fortes vaporisations de produits nocifs à la santé du peuple mais également à l’épanouissement de la faune et de la flore de l’île, génèrent l’inquiétude. A la source de ce tourment, se dégagent deux produits hautement toxiques : le FENITHROTION et le TEMEPHOS - ce dernier étant plutôt utilisé à des fins agricoles. Il favorise l’élimination des bactéries vectrices de maladies humaines ou animales.
Depuis le début des investigations tenues par les « tueurs de larves » au moyen de ces produits hautement dangereux, on observe la mort d’abeilles, de cardinaux, de guêpes, de nombreux insectes mais aussi des espèces typiques des pays tropicaux tels que les caméléons et endormis (sorte de gros caméléon haut en couleur qui, comme son nom l’indique, peut rester des heures sans bouger.) La sénatrice Gélita Hoareau, soucieuse de cette hécatombe, s’implique dans la quête des solutions les plus appropriées à la lutte anti-vectorielle. Elle, comme d’autres, propose l’emploi du BTI (bacillus thurengensis). Il serait le moyen le plus avantageux pour s’attaquer aux larves et préserver l’environnement naturel de l’île. De plus, c’est un produit biologique inoffensif.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Le Fénithrotion et le Temephos ne représentent aujourd’hui, plus qu’un mauvais souvenir. Le BTI et la Deltaméthrine sont les nouveaux substituts de traitement contre l’extermination des larves. Cependant, un doute subsiste. La Deltaméthrine, classée toxique aiguë, est considérée comme néfaste pour les organismes aquatiques à long terme. De plus, c’est un perturbateur endocrinien, selon l’Union européenne.
La Réunion, jusqu’à présent, n’avait jamais connu de réelle profonde crise. La confiance vouée au pouvoir étatique s’est presque brisée. Les Réunionnais ne sont pas dupes ! Selon le président du Conseil régional de l’île, Paul Vergés, la population s’interroge et pose les bonnes questions, qui, malheureusement, n’obtiennent pas encore de bonnes réponses. « On prétend que les insecticides ne sont pas nocifs, mais alors, la population ne comprend pas pourquoi les services de désinsectisation se déplacent la nuit, demandent aux personnes de fermer leurs fenêtres, de ranger les jouets des enfants qui traînent dehors et de ne pas manger les fruits et légumes de leur jardin pendant 15 jours. » Côté métropole, un sentiment de solidarité s’est créé. Patrick, un jeune Réunionnais natif de la ville de Saint-Benoît, s’explique : « J’habite la métropole mais je veux venir en aide à mes compatriotes. Je trouve que beaucoup trop d’informations essentielles concernant la situation sanitaire et économique sont passées sous silence. »
Les écosystèmes de l’île seront-ils sauvés dans les années à venir ? La population n’est-elle pas sous la menace d’une autre maladie créée par les pulvérisations chimiques massives ? Des questions qui, de nos jours, continuent à jeter un froid sur le devenir démographique, économique et touristique de « l’île intense. »
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