Vers un passe vaccinal ?
« L’évolution prévisible de la pandémie vers un profil d’infection banale à recrudescence saisonnière peut être accélérée par l’immunité collective obtenue au moyen d’une vaccination universelle. » (Académie nationale de Médecine, le 8 septembre 2021).
Dans son communiqué du 8 septembre 2021, l’Académie nationale de Médecine a invité à suivre ses quatre recommandations : rester confiant sur l’efficacité de la vaccination sur les formes graves (qui a été très bien démontrée avec la quatrième vague) ; maintenir le port du masque et les gestes barrières, y compris chez les personnes vaccinées ; évaluer l’avantage d’administrer les prochains vaccins de seconde génération comme rappel pour mieux prévenir la transmission du virus. Et j’ai gardé pour la fin cette dernière recommandation : « remplacer au plus tôt le passe sanitaire par un passe vaccinal ».
Le passe vaccinal a ceci de différent du passe sanitaire, c’est qu’il n’est délivré qu’aux seules personnes qui sont complètement vaccinées, c’est-à-dire que les personnes non-vaccinées qui ont été testées récemment avec un résultat négatif ne l’obtiendrait plus. Cette mesure renforcerait évidemment l’incitation à la vaccination auprès de la population non encore vaccinée.
Notons bien que l’instauration d’un passe vaccinal, qui ne pourrait se faire sans adoption d’une nouvelle loi, n’est pas l’instauration d’une obligation vaccinale. Au même titre que le passe sanitaire, le passe vaccinal n’est pas indispensable pour la vie de tous les jours, il rend plus difficile certains loisirs mais n’oblige nullement les rétifs à la vaccination. Ceux-ci se ferment simplement le champ des possibles, ce qui serait mieux pour les libertés que de décréter un confinement pour tout le monde si la situation épidémique le nécessitait.
Avant de poursuivre ici, revenons à l’idée de l’obligation vaccinale, aujourd’hui voulue fortement par le parti socialiste et les écologistes de EELV (ces deux partis montrent ici leur vraie visage). C’était évidemment une préoccupation avant même l’autorisation de mise sur le marché des premiers vaccins contre le covid-19. Moi-même, j’ai évoqué cette hypothèse, pour la rejeter, dès le 10 novembre 2020.
Il est facile de rendre obligatoire la vaccination pour des enfants en âge scolaire, pour des bidasses pendant leur service miliaire ou pour d’autres catégories de la population qu’on peut atteindre facilement (les soignants par exemple), on peut en effet vacciner à l’école, à la caserne, à l’hôpital ou dans d’autres lieux de travail.
En revanche, prendre la décision de l’obligation vaccinale appliquée à la population générale n’a pas de sens car, d’une part, elle irait à l’encontre du principe de liberté souvent invoqué par les militants antivax (en oubliant la liberté retrouvée en ne confinant plus). D’autre part, cette obligation ne serait de toute façon pas applicable concrètement, à moins d’envisager des commandos qui se rendraient dans tous les domiciles de France et d’imposer l’injection sur place si aucune preuve de vaccination n’était fournie. Indépendamment de la méthode cavalière qui serait scandaleuse, il n’y aurait pas les moyens logistiques pour l’adopter (deux personnes par personne à vacciner pour vacciner une dizaine de millions de personnes, alors que le personnel pour tracer les 10 000 nouveaux cas par jour est déjà difficile à déployer).
Il n’y aura donc pas d’obligation vaccinale même si les médias confondent un peu toutes les choses. En effet, j’ai entendu des journalistes dire que l’Académie nationale de médecine prônait l’obligation vaccinale, d’où ma vérification qui montre qu’il ne s’agit pas de cela mais d’un passe vaccinal (on ne viendra pas au domicile pour vacciner de force).
J’ai entendu aussi des journalistes dire que le Président Joe Biden, dans une allocution télévisée le 9 septembre 2021, avait annoncé l’obligation vaccinale. Là non plus, il ne s’agit pas de cela mais de l’équivalent du passe sanitaire français. Effectivement, le plan « courageux et ambitieux » qui vise à renforcer la vaccination (en panne sèche actuellement) va imposer à plus de 85 millions de salariés soit la vaccination soit un test hebdomadaire. Cette différence est importante et correspond aussi à la différence entre passe sanitaire et passe vaccinal.
Revenons à la recommandation de l’Académie nationale de Médecine. Pourquoi une telle recommandation ? Elle constate que la vaccination est très efficace pour prévenir les formes sévères du covid-19, en revanche, son efficacité pour prévenir la contamination faiblit avec le temps (d’où le besoin de rappels vaccinaux, ce qui est très ordinaire pour un vaccin). Cela signifie que le virus continuera à circuler quoi qu’il en soit de l’état de la vaccination : « On sait à présent que la vaccination ne permettra pas d’éradiquer le SARS-CoV-2. Des variants dominants continueront de circuler sur le mode endémique ou épidémique, même dans les populations bien vaccinées, mais avec de faibles taux de morbidité et de mortalité. ».
Si l’Académie prône la "vaccination universelle" (et pas seulement qu’en France, dans le monde), c’est parce qu’il y a un côté mécanique qu’il faut prendre en compte, et c’est là l’enjeu d’une politique de santé publique : « Cette pandémie prendra fin tôt ou tard, lorsqu’une immunité collective, soit post-infectieuse, soit post-vaccinale, parviendra à la contrôler. La différence entre les deux stratégies se comptera en années de crise sanitaire et en centaines de milliers de morts. ».
Le cadre est donc clair. Il suffit de voir, lors de la recrudescence épidémique, la différence sur son impact sur les admissions en réanimation et sur les décès dans les territoires faiblement vaccinés et dans les territoires massivement vaccinés. Faiblement : Indonésie, Russie, Iran, Antilles, Polynésie française, etc. Massivement : France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, etc. Aux États-Unis, la situation est contrastée et nécessiterait une analyse États par États. Même en France métropolitaine, la situation n’est pas homogène, et la population de la partie de l’Hexagone située au sud de la ligne Belfort/Ariège est beaucoup moins vaccinée et c’est là où il y a eu les plus forts taux d‘incidence cet été.
Pourquoi faut-il renforcer l’incitation à la vaccination, faute de pouvoir la rendre obligatoire de manière explicite ? Parce que si la France a fait des prouesses cet été 2021 en accélérant la vaccination (le 8 septembre 2021, la France a même dépassé la Belgique en taux de couverture vaccinale), il reste encore beaucoup de monde qui n’est pas vacciné et qui peut développer des formes graves, voire en mourir. Actuellement, la mortalité n’est pas anodine, même si elle n’a rien à voir avec la deuxième ou troisième vague : en moyenne sur les sept derniers jours, environ 100 personnes meurent du covid-19 en France chaque jour (exactement 97 et ce nombre reste à peu près stable depuis plusieurs semaines).
Le Premier Ministre Jean Castex, dans sa déclaration du 8 septembre 2021, a annoncé qu’il y avait un taux de couverture de 88% parmi la population adulte éligible à la vaccination, ce qui est très fort. Mais il ne s’agit pas seulement de population jeune.
Au 10 septembre 2021, il y avait 49 540 420 personnes ayant reçu au moins une dose vaccinale (soit 73,9% de la population totale) et 46 428 107 personnes complètement vaccinées (soit 69,3% de la population totale). C’est beaucoup mais pas suffisant pour éviter tout risque de saturation des hôpitaux et toute perspective de reconfinement L’instauration du passe sanitaire a eu un impact très positif tant sur la situation sanitaire que sur la situation économique (j’y reviendrai) mais il y a encore trop de "trous dans la raquette".
Regardons la distribution selon les âges de la population non encore complètement vaccinée. Il y avait encore, au 8 septembre 2021, plus de 850 000 personnes de plus de 75 ans qui n'étaient pas complètement vaccinées. C’est énorme si on conçoit, comme toutes les études les démontrent (téléchargeables ici), que ce sont surtout les personnes non vaccinées qui sont contaminées. Il y avait encore près de 700 000 personnes non complètement vaccinées parmi les 65-75 ans ; 1,8 million parmi les 50-65 ans ; 3,8 millions parmi les 30-50 ans ; 2,1 millions parmi les 18-30 ans ; 2,3 millions parmi les 12-18 ans (le passe sanitaire s’appliquera à cette tranche d’âge à partir du 30 septembre 2021). Enfin, les enfants de moins de 12 ans ne sont pas éligibles à ce jour à la vaccination et sont plus de 9,4 millions. En gros, il y avait près de 21 millions de personnes qui n'étaient pas complètement vaccinées en France le 8 septembre 2021, dont la moitié des enfants de moins de 12 ans qui ne sont pas éligibles à la vaccination (exactement 45,3%).
Le rythme de la première dose s’est considérablement réduit depuis quelques semaines, moins de 100 000 premières doses par jour. Ce sont donc plus de 9 millions d’adultes à convaincre encore de se faire vacciner. C’est pourquoi l’Académie nationale de médecine s’inquiète pour la suite de cette pandémie qui a déjà contaminé beaucoup plus de 225 millions de personnes et tué au moins 4,6 millions de personnes (probablement beaucoup plus) dans le monde, dont au moins 115 362 en France.
Grâce à la vaccination, la France a évité le pire tant sur le nombre de nouveaux cas que sur le nombre d’admissions en réanimation et de décès. L’inconnue reste encore l’impact de la rentrée scolaire sur l’épidémie qui est actuellement en baisse. Si celle-ci se poursuit dans les prochaines semaines, le gouvernement aura su manœuvrer avec détermination et audace, mais il faudra toujours se dire que tant que le virus circulera beaucoup dans certaines parties du monde,.rien ne sera jamais acquis. La prochaine étape, c’est de porter une aide massive pour vacciner celles des populations les plus défavorisées. Leur santé est la nôtre.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (10 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Vers un passe vaccinal ?
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 8 septembre 2021 (texte intégral).
Covid-19 : comprendre la situation épidémique en Israël.
Covid-19 : est-il pertinent de faire payer les tests de dépistage ?
Covid-19 : la France plus vaccinée que le Royaume-Uni.
Les derniers rapports de la DREES sur les appariements de bases de données (à télécharger).
Covid-19 : la France plus vaccinée qu’Israël.
La vaccination contre le covid-19, ça marche !
Rapport de la DREES du 6 août 2021 (à télécharger).
Covid-19 : les Engagés et les Enragés.
Le passe sanitaire validé par le Conseil Constitutionnel.
Décision n°2021-824 DC du 5 août 2021 du Conseil Constitutionnel sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire (texte intégral).
Couverture vaccinale : la France dépasse les États-Unis et l’Allemagne.
L’heureux engagement du Président Macron en faveur de la vaccination des jeunes.
Mathématiques alternatives (une vidéo à voir absolument).
La Science, la Recherche et le Doute.
Covid-19 : se faire vacciner, c’est résister !
Audition d’Olivier Véran au Sénat le 22 juillet 2021 sur le passe sanitaire (à télécharger).
Motion de rejet préalable sur le passe sanitaire le 25 juillet 2021.
Variant delta : la territorialisation des restrictions sanitaires.
Covid-19 : les bénéfices-risques de la vaccination des adolescents.
4e vague : passe sanitaire ou reconfinement ?
Les outrances désolantes des antivax, enfants gâtés de la planète.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Emmanuel Macron, la méthode forte.
Emmanuel Macron face à la 4e vague (2).
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