« Viens me regarder mourir ! »
Je sais, la loi du titre est dure mais c’est la loi. Le projet de loi Leonetti, encore à l’état de projet, prévoit l’accompagnement des personnes en fin de vie par des proches et leur dédommagement en cas d’interruption de leur activité professionnelle. C’est "Viens me regarder mourir" ! Mais ne m’aidez pas à mourir même si je vous en supplie et malgré ma souffrance intolérable.
Ce qui est aussi intolérable, c’est ce refus de légiférer pour des motifs religieux. Des députés UMP ont réagi en déposant un projet de loi pour légaliser l’euthanasie comme d’autres pays civilisés l’ont fait.
"Nous n’avons pas le droit d’interrompre volontairement la vie", avait laissé tomber péremptoirement Sarkozy alors candidat aux élections présidentielles. Ce "nous n’en avons pas le droit" résonne comme une injonction de la religion catholique. Car qu’est-ce qui dans un pays civilisé peut dénier aux lois le droit d’interrompre la vie des personnes condamnées en grande souffrance ? Malheureusement, avec de tels préceptes, pour ne pas dire tabous, Giscard n’aurait jamais fait passer la loi Veil sur l’avortement. Sarkozy est-il moins évolué que Giscard ?
On le sait, une proposition de loi vient d’être adoptée en première lecture, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Elle est présentée par MM. Jean Leonetti (UMP), Gaëtan Gorce (SRC), Olivier Jardé (NC) et Michel Vaxès (GDR). (lien vers le projet)
Le projet de loi Leonetti vise aussi à faire des économies de santé :
Mais quel sont les enjeux de ce texte ?
Bien entendu, il s’agit de répondre à un devoir d’humanité. Il a été dit qu’il s’agissait d’éviter que les proches soient obligés d’obtenir pour eux-mêmes des arrêts de travail pour se mettre au chevet de leur parent mourant.
Mais il s’agit de faire des économies sur l’assurance-maladie. Une autre économie est recherchée par le maintien à domicile avec des soins palliatifs appropriés.
Le projet Leonetti n’est pas inutile. Il vient apporter une pierre de plus à l’édifice du droit français, dont la loi du 9 juin 1999 qui garantit le droit à l’accès aux soins palliatifs et qui a créé un congé d’accompagnement d’une personne en fin de vie. Le projet veut rendre plus effectif ce droit en prévoyant un dédommagement correct pour les personnes qui suspendent leur activité professionnelle pour s’occuper de leur proche mourant à domicile. Cette prestation, dont le montant doit être fixé par décret mais qui devrait être aligné sur celui de l’allocation journalière de présence parentale, soit près de 49 euros par jour au 1er janvier 2009
L’Assemblée nationale a adopté le projet mardi 17 février, en première lecture et à l’unanimité. C’est une bonne chose.
Mais cette réforme ne nous fera pas faire l’économie d’un texte de loi qui touche le vrai sujet :
Elle ne saurait nous faire oublier que l’on ne peut sans cesse contounrer la question fondamentale de l’euthanasie.
Le projet Leonetti parle d’une "véritable devoir d’humanité et de responsabilité" et il a raison. Il cite le philosophe Emmanuel Levinas ? Très bien ! Mais cette noble référence ne saurait conduire à se défiler une fois de plus devant la réalité urgente de la question. D’ailleurs, les Français demandent : que le gouvernement s’empare de la question. En mars 2008, un sondage Ifop pour Paris-Match révélait que 91% des Français se disaient "favorables à la possibilité pour les personnes atteintes de maladies incurables de demander l’euthanasie". Bien sûr, un sondage ne saurait faire loi mais il indique que l’on ne saurait ignorer plus longtemps la nécessité d’en débattre.
Pour que cela ne se limite pas à venir regarder mourir son proche condamné, d’autres députés (UMP) ont déposé une proposition de loi visant à la légalisation de l’euthanasie. Les députés signataires font valoir que "La réalité du terrain témoigne que l’euthanasie active, bien qu’interdite en France, se réalise dans l’ombre." Ils citent en référence des pays, proches de nous, qui ont ouvert la voie : Pays-Bas, Belgique, Suisse, Danemark, Grande Bretagne, Catalogne pour l’Espagne, Québec et Ontario pour le Canada.
Car dans cette matière comme dans d’autres, le président Sarkozy a fait prévaloir ses convictions religieuses pour refermer le dossier sans discussion possible. C’est une attitude inadmissible car ce faisant il réagit en autocrate, voire en théocrate ! Or, dans les pays cités, aucune ne passe pour être barbare ou antéchrist. L’humanisme commande de débattre sur cette question et de commencer à la régler, au moins d’apporter quelques jalons, plutôt que de se fermer de façon sectaire au nom d’un précepte de religion.
Pour se faire une idée du courage des gouvernants, rappelons qu’en novembre dernier, le sénateur (UMP) Alain Fouché avait aussi déposé une proposition de loi similaire, mais la commission des affaires sociales du Sénat avait refusé de l’inscrire à l’ordre du jour.
Jusqu’à quand ce gouvernement et ce parlement continueront-ils de fuir les vraies questions de société pour restreindre leur champ d’action à l’adoption de mesures - souvent des mesurettes ou des lois inapplicables d’ailleurs - et d’autres formes de restrictions ? Où sont les grandes lois qui faisaient débat et qui faisaient avancer notre société ?
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