23andMe : Prêt à accéder à votre propre vie privée ?
La Food and Drug Administration a demandé à l’entreprise 23andMe de suspendre ses activités de profilage génétique grand public le temps d’une mise au point règlementaire.
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23andMe fut créée par Anne Wojcicki, épouse de Sergey Brin, cofondateur de Google, et Linda Avey. Elle proposait un service incroyable. Pour la modique somme de 99 US$ (auxquels s’ajoutaient les frais de port), soit 72 €, vous pouviez obtenir une analyse de votre génome. Après avoir passé commande, vous receviez un tube dans lequel il vous suffisait de cracher. Vous n’aviez plus qu’à renvoyer ce tube à 23andme pour qu’ils analysent votre génome 6 à 8 semaines plus tard.
Le tableau de bord en ligne vous permettait ensuite de connaître en fonction de votre génome, vos risques génétiques de développer telle ou telle maladie. Dans certains cas, le risque est diminué, dans d’autres il est majoré. 23andMe proposait d’aller plus loin en vous donnant des informations sur la manière dont vous répondez à un traitement médicamenteux. Tel médicament marche-t-il sur moi ?
Il semblerait que les autorités de santé américaines aient décidé de marquer une pause, de reprendre leur souffle par rapport à ce que des entreprises privées peuvent ou non réaliser sur la base de votre vie privée.
Les révélations d’Edward Snowden ont jeté un trouble irréparable mais selon-moi salutaire sur la confiance que l’on pouvait porter dans les industries technologiques. Dans le cas de 23andMe, le lien qui unit la fondatrice avec un membre fondateur de Google fait frissonner. Le génome des clients de 23andMe restera-t-il vraiment dans le coffre fort de cette société ou ne finira-t-il pas au gré d’une mise à jour de leurs conditions générales dans celui de Google ?
A l’heure où a été rendu public le fait que le gouvernement américain (mais d’autres aussi, ne soyons pas dupes) a mis sur écoute la planète entière, à l’heure ou 1 milliard de personnes tient Facebook informé en temps réel de ses moindres faits et gestes, et de sa vie amoureuse, la notion de vie privée a été largement chahutée.
Mais la véritable question induite par la prestation de 23andMe ne relève pas tant du respect de la vie privée vis à vis des autres que du souhait de chacun de vouloir accéder à sa propre vie privée. Quel secret renferment mes gènes ? Suis-je prêt à connaître pour une somme dérisoire quelles épées de Damoclès pendent au dessus de ma tête ? Car si le système doit pouvoir révéler des augmentations de risques pour des maladies incurables et impossibles à réellement prévenir (Alzheimer, Parkinson), il doit aussi pouvoir nous informer d’une majoration du risque sur des maladies sur lesquelles nous pouvons agir. Suis-je à risque de développer un diabète de type 2 ? De l’hypertension artérielle ? Les médicaments que je vais prendre jusqu’à la fin de mes jours pour prévenir les complications de ma maladie fonctionnent-ils vraiment sur moi ?
Les travers du système ne sont pas anodins. Tout le monde a-t-il la force de se voir révéler sans accompagnement médical ni psychologique des pourcentages bruts associés à des noms de maladies graves ? N’ouvrons-nous pas la porte à des comportements dangereux de personnes se sentant condamnées ? Ce service ne pousserait-il pas certains à pratiquer à leur manière une forme d’eugénisme en demandant à accéder au profil génétique de sa partenaire ?
Les activités de 23andMe posent les bases d’une vraie question vis à vis de soi-même, mais également vis à vis de la société, une question d’éthique et de morale.
Car aujourd’hui la FDA interdit les activités de 23andMe, mais demain elle les acceptera, ou cette entreprise ira peut-être tout simplement voir ailleurs et héberger son laboratoire dans un autre pays plus conciliant.
Pour ma part, je crois que j’aurais quand même bien aimé le faire ce test. Et vous ?
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