La majorité de ceux reprenant le slogan « je suis
Charlie » ne faisait pas partie des lecteurs réguliers de l’hebdomadaire
avant 2015.
L’explication la plus répandue pour expliquer ce paradoxe
est qu’il s’agissait d’une déclaration d’empathie vis-à-vis du journal plutôt
que d’une adhésion à son humour et à sa ligne politique (s’il en avait une). Il
se serait agi surtout, pour la plupart, de défendre la liberté d’expression.
En fait, il s’agissait surtout d’un sentiment de peur
manipulé et canalisé comme un exutoire pour évacuer les tensions à travers un
exutoire su le modèle de la chasse aux sorcières.
D’ailleurs, de nombreuses personnalités politiques,
elles-mêmes « cibles » de l’humour Charlie, étaient présentes lors des marches
de janvier 2015, côtoyant un certain nombre de personnalités politiques
étrangères venues honorer le journal au nom de la liberté d’expression alors
que cette dernière était bafouée dans leurs pays respectifs.
Or, après les événements de janvier 2015 et la mise en avant
de ce besoin de liberté d’expression, les médias français, sinon la société
toute entière a encore du mal à apprécier l’humour noir.
En 2017, plusieurs émissions ont déprogrammé des interviews de
Jérémy Ferrari au sujet de son spectacle « Vends 2 pièces à Beyrouth ».
L’humoriste en a conclu que, si les médias exaltaient la place donnée à la
liberté d’expression, se moquer de la guerre ou du terrorisme demeurait un
sujet sensible.
De la même façon, depuis 2015, minimiser l’attaque, voire
critiquer le journal, est devenu un délit d’« apologie du terrorisme », même
(ou surtout ?) à l’école : un élève qui avait fait une blague au
sujet de l’un des terroristes a été puni et chargé de recopier plusieurs fois
la phrase « on ne rit pas de choses sérieuses ».
Visiblement, il ne s’agit pas de démystifier les sorcières.