800 000 bébés, 800 000 pauvres
Faire des bébés c’est bien, parier sur eux, c’est mieux.
"La première richesse d'un pays c'est sa population" le 19 Janvier, les journaux, s'empressent d'annoncer avec fierté "la" bonne nouvelle de l'année : la fécondité française est toujours une des plus élevées d'Europe (la France se classe seconde après l'Irlande). Bien sur ce succès est à relativiser, la France avec un indice de fécondité de 1,99 est encore loin d'atteindre, le seuil de renouvellement des génération, situé à 2,1. La France reste tout de meme le mieux loti des pays européens, qui pour la plupart sont à l'instar de l'Allemagne dans une situation catastrophique, l'indice de fécondité de cette dernière atteignant à peine 1,2, ce qui annonce un très probable déclin démographique, et donc économique. Bien sur pour ces pays en déficit de bébés, il existe des solutions comme l'immigration , cependant dans le contexte actuel de "crise du multiculturalisme" (mots empreintés à Angela Merkel) et de xénophobie ambiante, l'integration d'un flux d'immigrés sans précédent pour équilibrer les comptes démographiques, ne sera pas chose aisée.
Alors oui cette floppée de banbin est une bonne nouvelle, et la France est à l'abris des futurs problèmes que connaitront ses voisins. Cependant fairee des bébés, n'est pas tout, la fécondité n'assure pas l'avenir d'une nation. Et cela la France semble l'avoir oublié. Les enfants ne sont une richesse qu'à condition d'investir, aussi bien financièrement qu'intellectuellement sur eux, et notamment dans leur éducation, leur formation, surtout quand l'on connait l'importance du capital humain dans les performances économiques d'un individu, d'un pays.
Exemple du peu de cas que la France fait de ces bébés qu'elle cherie tant : le nombre de place en creche. Chaque année il manque 320 000 places en creche. Un chiffre ahurissant, lorsqu'on sait que 800 000 enfants naissent chaque année. Or il est désormais prouvé qu'une prise en charge préscolaire de qualité a un effet durable et substantiel sur les capacités cognitives des enfants, et de fait limite les handicaps scolaires liés à l'origine social en nivellant par le haut. Vu le resultat des dernières enquetes PISA (la France se classe modestement entre la 22eme et la 27eme place), cette prise en charge pré-scolaire ne serait pas de trop. Par ailleurs, la France est un des pays ou l'echec scolaire est le plus important, 1 élève sur 5 est en grande difficulté à l'age de 15 ans. Or il y a une forte corrélation entre non prise en charge dans le pré-scolaire et échec. Investir dans l'avenir, c'est déjà investir dans les enfants en bas age.
Le nombre affolant d'élèves qui n'ont pas acquis les savoirs fondamentaux en CM2 montre la limite des méthodes pédagogiques utilisées jusqu'ici. Le niveau des lycéens français, est loin d'etre le plus brillant d'Europe bien que la France soit un des pays qui investisse le plus dans ses lycées. Il y a donc une inefficacité criante de l'investissement public dans l'éducation. A cet égard nous devons investir intellectuellement, faire de nouveaux paris, sur de nouvelles méthodes, une nouvelle gestion, en clair repenser l'éducation.
Si la France veut investir dans son avenir, dans ses jeunes elle doit investir dans ses universités. La France est un des pays avancés qui investit le moins dans ses établissements d'enseignement superieur, 42 000 euros en moyenne par étudiant pour toute la durée de son cursus contre plus de 65 000 en Allemagne et 80 000 en Suisse. Cette moyenne cache de fortes disparités puisque proportionnellement, une grande partie de cet investissement se dirige vers les établissements selectifs, (grandes écoles, prépa etc etc), il ne reste donc que des miettes aux universités dont les locaux décrépis reflète bien le peu de cas que fait la France de son enseignement superieur. Le taux d'echec exceptionnellement élevé en première année à l'université (40% dans certaines filières) concrétise les difficultés de beaucoup d'élèves mal orientés, dont l'obtention d'un bac au rabais doublé du mépris à l'égard des metiers manuels a fait miroiter et désirer à des jeunes des études superieurs, qu'ils ne pouvaient suivre.
Le taux de chomage des 18-25 ans en France, est lui aussi un indicateur montrant la faiblesse des politiques publique en matière d'éducation, et dénote notamment du manque de considération et/ou de qualité des diplomes courts. Si les jeunes Francais sont à l'instar des jeunes européens peu actifs (7% d'actifs), le taux de chomage des jeunes en France est particulièrement élevé (plus de 25%). Cela montre donc, que bien plus que dans les autres pays, les jeunes sont la variable d'ajustement des politiques d'emploi, mais aussi la faiblesse et le manques de débouchés des diplomes courts puisque la population active entre 18 et 25 ans et composée majoritairement de jeunes peu qualifiés. Ainsi de vraies politiques d'activation qualitatives, de formation, sont à mener auprès de jeunes peu qualifiés, dans un marché du travail de plus en plus exigeant.
Ces manques se concrétisent finalement dans les chiffres de la pauvreté. Depuis plus de 15 ans les moins de 30 ans sont les plus touchés par la pauvreté, avec un taux de pauvreté approchant les 10,5% contre 7% pour le reste de la population. La pauvreté étudiante est un mal qui ronge le monde de l'éducation francais, les étudiants ayant en moyenne 562 euros par mois pour vivre, ce qui concretement provoque des carences en matières de santé et d'alimentation. Selon une étude menée en 2006 13% des étudiants ne possèderaient pas de complémentaire santé les obligeants à se priver de certains soins. Par ailleurs plus de 33% des étudiants ont une alimentation qualifiée de "malsaine" par manque d'argent chiffre qui oblige le secours populaire à intervenir. En 2004 80 000 étudiants ont demandé une aide d'urgence au secours populaire. Difficile dans ces conditions d'avoir des étudiants performants, et donc de futurs actifs de qualité, et il ne fait désormais nul doute que ces conditions contribuent au faramineux taux d'echec à l'université. Ces chiffres contrastent avec la stratégie européenne de Lisbonne, à laquelle la France a souscrit, ayant pour objectif de faire de l'économie européenne, "l'économie de la connaissance".
La France n'investit pas dans ces jeunes, tout comme elle n'investit pas dans l'avenir. Elle est un des pays européens investissant le moins dans la recherche et développement : 2% du PIB contre 3 en moyenne dans les pays de l'OCDE. Recherche et développement, capital humain, meme combat : celui de l'avenir. Si la France veut négocier efficacement le tournant de la mondialisation, elle doit cesser de se poser en victime de cette dernière et s'armer pour tirer son épingle du jeu. La France n'a pas de pétrole, elle a ses bébés, richesse éminement plus constructive et porteuse d'avenir, tout comme les petro-monarchies mettent à profit leurs ressources, la France doit mettre à profit les siennes, qui sont, infiniment plus belles
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