A chaque génération, les adultes plus âgés ont eu une vision négative d’une partie de la jeunesse : les Zazous, les blousons noirs,etc.
Aujourd’hui la critique est à un niveau jamais atteint puisqu’on dit « les jeunes » désignant par là toute une classe d’âge dans son ensemble.
Avant de poursuivre, je fais un rappel rapide de quelques aspects des années 70-85 .
Durant cette période, on trouvait du travail facilement ( je me souviens d’une affiche d’extrême gauche appelant à manifester parce qu’il y avait 450 0000 chômeurs. ( nous en sommes à au moins dix fois plus !).----le capitalisme a toujours eu besoin d’un « volant » de chômeurs------
A cette époque, on pouvait quitter son patron et le lendemain, on avait un autre emploi ( bâtiment, usines, etc...)
On pouvait faire construire sans problème : par exemple avec deux petits salaires, on pouvait faire ériger une maison ( essayez maintenant avec deux SMIC : c’est déjà bien si vous survivez.
L’époque était à l’insouciance, au plaisir de vivre : pas de ceintures de sécurité, pas de contrôles routiers, camping sauvage, l’auto-stop se pratiquait couramment ( certes, il y avait 10 fois moins de voitures !)
Un jeune pouvait s’assurer matériellement sans problème : louer un appartement, se meubler, acquérir une voiture, sortir, partir en vacances et je parle là d’un jeune ouvrier.
Mai 68 avait laissé des traces dans les mentalités et le machisme ne sévissait pas comme maintenant, ça c’est sûr !
Le niveau scolaire était bien meilleur : dans ces années-là, on pouvait arrêter ses études en troisième et passer sans difficulté un concours administratif ( ex : Sécurité sociale : la SNCF embauchait des apprentis dès 15 ans, les formait dans ses écoles et j’en connais beaucoup qui ont fait une carrière tout à fait satisfaisante.)
Seule une minorité accédait à l’université : le bac étant alors un bon bagage, les étudiants avaient peu de problèmes pour suivre. La présence aux cours n’était pratiquement pas contrôlée (Je parle de ce que connais : la filière littéraire.) On était assez « grand » pour faire ses études sans contrôles incessants.
On discutait beaucoup, la jeunesse était plus politisée.
La famille n’était pas « démantibulée ».
Les médias avait encore des programmes de qualité.
Et SURTOUT le mot STRESS n’existait pas.Nous ne ressentions aucune peur.
Volontairement, j’ai choisi de n’évoquer que les aspects positifs de cette période. Bien sûr, qu’il y avait des problèmes : la retraite « riquiqui » des vieux, les dures conditions de travail à la chaîne, les longs horaires de travail, etc... mais ce n’est pas mon sujet.
Si j’ai parlé très rapidement de la légèreté de vivre, de l’optimisme de ces années-là, c’est pour mieux souligner combien la période actuelle est différente.
Il est beaucoup plus DUR d’être jeune de nos jours.
L’éducation laxiste associée à l’hyperconsommation ( comme vous le dites ) produit des catastrophes.A cela s’ajoute la baisse sans précédent du niveau scolaire . Beaucoup de jeunes bacheliers ne sont pas capables de suivre en en fac. Et on les infantilise au maximum : songez qu’on fait des journées portes ouvertes en fac pour les « guider » leur montrer où est la bibliothèque, le restaurant universitaire ( comme s’ils n’étaient pas capables de les découvrir par eux-mêmes ! A-t-on jamais vu un étudiant crever de faim parce qu’il ne trouvait pas la cantine tout seul !
Et puis, on les « encadre » au maximum ( moniteur durant les premiers mois, contrôle strict de la présence aux TP, cours de rattrapage pour les plus faibles, remise à niveau en orthographe). Désormais dans beaucoup de cours en fac règnent le bavardage et la lecture de sms.
Tout cela ne serait peut-être pas si grave s’il n’y avait le chômage MASSIF à tous les échelons de la société. : Bien des BEP ne conduisent à rien, des bacs professionnels ( sauf ceux qui sont très spécialisés ) aussi sauf à accepter des emplois sous-qualifiés. Et si un jeune a un emploi, il n’a pas intérêt à regimber, même à juste raison, car c’est la porte illico...il est si facile de le remplacer ! La plupart du temps, les employeurs ne proposent que des CDD.
Beaucoup même avec un emploi ont encore besoin de l’aide de leurs parents ’ quand c’est possible).
Pour les étudiants qui suivent des études longues, la situation n’est guère plus facile : réduction drastique du nombre de postes d’enseignants, partout de la maternelle à l’université.Un jeune doctorant qui passe sa thèse après au moins trois ou quatre ans de travail acharné n’est pas sûr de trouver un poste d’assistant. Il y a belle lurette que l’Université préfère employer des PRAG c’est-à dire de jeunes agrégés qu’on paie beaucoup moins et qui donnent deux fois plus de cours.
Quant à ceux qui deviennent cadres, pour la plupart, c’est le monde impitoyable de la compétition, les horaires à rallonge, un management pervers, un vrai panier de crabes où il faut survivre.
Je m’abstiens de parler de la publicité intense pour pousser à consommer plus, des programmes débiles des médias, de l’inculture grandissante, du miroir aux alouettes de la « réussite facile »., etc...
La France s’est désindustrialisée : maintenant, le « fin du fin », c’est d’ouvrir un kebab, un magasin, de développer le tourisme, etc...
Je connais beaucoup de jeunes qui, courageux, veulent s’en sortir : travail ingrat, bas salaires,
CDD à répétition. D’autres, plus démunis, sont laissés sur le bord de la route : RSA auquel ils s’habituent. Souvent, à l’ANPE, pour continuer à toucher des indemnités chômage, il est obligatoire de suivre un stage (comment rédiger un CV, se présenter, par exemple ), donc la plupart du temps ( il y a quand même quelques exceptions ) des stages qui ne servent à rien sauf à « nourrir » toute une armée de formateurs.
Et c’est évident, quand on se prénomme Mohamed ou Kaoussou, c’est encore moins facile.
Une dernière remarque : c’est le « politiquement correct » qui a amené l’emploi massif de cette expression « les jeunes ». Quand dans les banlieues ( pas uniquement là certes ) se produisaient des exactions , au lieu de désigner les auteurs par les termes de voyous, délinquants, bandits, petites frappes, que sais-je encore, « on » a « préféré » employer l’expression « des jeunes » pour ne pas « stigmatiser » la jeune populations de certains quartiers...
Je reste optimiste car je fréquente beaucoup de jeunes qui « en veulent » qui ne rechignent pas à l’effort, qui sont « conscients » du délitement de la société, qui ont ardeur et dynamisme.
Malgré tout, en 2010, la phrase de Paul Nizan qui est au début de son livre « Aden Arabie » est plus que jamais d’actualité :
« J’AI EU VINGT ANS, JE NE LAISSERAI PERSONNE DIRE QUE C’EST LE PLUS BEL AGE DE LA VIE ».