A Roissy, la police ment à la justice
A l’audience du 22 avril 2008, un juge du tribunal de Bobigny s’est retrouvé confronté à deux versions divergentes : celle de la police et celle de deux jeunes Dominicains en instance d’expulsion. Le juge a enquêté et a constaté que la police avait menti. Les conditions de rétention, à Roissy, violent les lois et les règlements en usage sur le sol français.

Le 22 avril 2008, deux Dominicains, qui demandent le droit d’asile à la France, sont présentés au juge des Libertés et de la Détention (JLD) du tribunal de Bobigny, chargé de statuer sur la régularité des procédures de maintien en zone d’attente des étrangers en quête d’admission sur le territoire. Durant l’audience, les deux étrangers en instance d’expulsion affirment qu’ils sont restés plusieurs jours dans les locaux de la police situés dans l’aérogare, ce que les lois françaises interdisent formellement. Les représentants de la police aux frontières (PAF), une avocate et un commandant, affirment, eux, qu’ils ont séjourné de façon régulière au centre d’hébergement prévu à cet effet, allant même jusqu’à donner les références des lits dans lesquels ils ont dormi.
Contrairement à toute attente, la juge Florence Géry demande à se rendre sur place pour vérifier. Et, une fois dans les locaux, si la Croix-Rouge confirme avoir enregistré les noms des personnes impliquées, c’était uniquement pour qu’ils prennent une douche et qu’ils changent de vêtements, quelques heures avant l’audience. La juge précise, dans son procès-verbal, que la Croix-Rouge « déclare que le centre d’hébergement est complet depuis quelques semaines et que les personnes retenues sont obligées de demeurer dans les aérogares ». La PAF a donc menti.
Onze personnes dans 16 m²
Mais la juge n’en reste pas là et demande à visiter les locaux réservés aux étrangers dans les aérogares de Roissy. La description qu’elle en fait est sans appel : « Le local de retenue dans l’aérogare 2A est de 16 m2 environ. Il n’a pas d’aération ni de fenêtre. Il est vitré sur l’un des côtés (vitre sur toute la largeur et à mi-hauteur), ce qui interdit toute intimité même aux heures de sommeil. Il comporte seulement 3 bancs scellés et 3 lits de camps ». Les locaux, lors de la visite, abritaient onze personnes... dans seize mètres carrés ! Certaines y étaient depuis quatre jours. Les deux Dominicains n’y seront, eux, restés que deux jours et deux nuits. Bien trop longtemps pour la juge qui les a remis en liberté dans la foulée.
Le Syndicat de la magistrature et l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) déclarent, dans un communiqué commun, être « scandalisés que l’administration ait permis de laisser séjourner des personnes plusieurs jours dans une telle indignité et qu’elle ait dissimulé la réalité des conditions de retenue à l’autorité judiciaire ». Est-ce que les juges, maintenant, vérifieront systématiquement les affirmations des représentants de la PAF ? Si Roissy est la principale zone d’attente pour les étrangers non admis en France et les demandeurs d’asile, il en existe une centaine d’autres. Il va y avoir du sport... enfin peut-être.
(Affaire rendue publique par l’Anafé et relayée par Les mots ont un sens et Mediapart)
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