Abracadabra je te baise et tu disparais
Technophile, pro-technologie, je n’en suis pas moins capable de m’insurger contre l’utilisation abusive qui peut être faite des Technologies de l’Information et de la Communication, rebaptisées Technologie de la Relation par J. de Rosnay, qui suivant l’usage qu’en font les gouvernements deviennent des outils de contrôle et de surveillance, et maintenant des Technologies de Marginalisation de Masse. La technologie oui, oui et re oui mais la bêtise non !
Les exemples sont nombreux et je ne citerai ici que des exemples récents, symboliques (ou symptomatiques), pris dans l’hexagone et rattaché à mon univers professionnel. On commence par l’ANPE,qui, vous n’êtes pas sans le savoir, est devenue depuis peu le Pôle Emploi. L’un des premiers changements visibles a été de basculer les appels aux ALE (Agence Locale pour l’Emploi) vers une plate forme (le 3949). Ce numéro à 4 chiffres est au tarif local d’un poste fixe. Mais les publics demandeur d’emploi, qui sont toujours un peu plus dans la misère, préfèrent souvent des téléphones portables (moins coûteux pour leur usage) et vont donc payer une sur-tarification. Pas mieux pour ceux qui, à l’opposé, sont en dégroupage total avec leur box.
Ce service, comme tous les services du même type, est un parcours du combattant informationnel. Menu, sous menu, erreur, retour, rappel sans tomber sur le même conseiller, ... Ce qui est donc un droit payé par nos impôts et censé faciliter l’insertion (dans le système capitaliste) coûte et coûte d’autant plus cher que je suis pauvre et que j’en ai régulièrement besoin. Alors, si en plus je ne suis pas doué pour les interfaces relationnelle, c’est encore pire. Petite précision en forme de parenthèses. Je travaille actuellement dans l’insertion professionnelle. J’ai eu le récent plaisir d’écouter A. Lhottellier qui interpellait l’assistance sur l’abus du mot « accompagnement » et en plaisantant à moitié, prétendait que pour lui, ce mot ne concernait que les mourants. Hé bien je le dis, les publics exclus économiquement et socialement sont bien en quelque sorte en train de mourir (pour raison de déconnexion).
Second exemple, afin que chacun devienne entrepreneur (et s’assure lui même), l’état propose depuis janvier le statut d’auto-entrepreneur. Une personne que j’accompagne donc, et qui n’a pour ainsi dire jamais travaillé de sa vie (pour des raisons multiples et variées mais qui ne peuvent de prés ou de loin être associées à de la fainéantise), décide de s’informer sur les chèques emploi service et ce nouveau statut d’auto-entrepreneur. Direction l’Urssaf. Là, aucun document dans le présentoir et un conseiller qui lui répond :
- Tout est en ligne Madame.
- Oui mais je n’ai pas d’informatique.
- Je viens de vous l’expliquer, tout est en ligne.
Tout est dit ! On se croirait chez Chevalier et Laspales.
J’ai entendu les mêmes informations sur le DALO (Droit Au Logement Opposable, qui est une loi pourtant déjà plus ancienne) où les dossiers n’affluent pas car les agents ne sont pas informés (formés) pour informer à leur tour le public. Au passage cela renvoit à une autre conséquence de ce mouvement qui est que même les professionnels n’arrivent plus à suivre les changements de loi. Enfin un exemple plus drôle. Une personne me dit qu’elle doit faire une formation d’initiation informatique. Il était écrit sur le document « un plan et les informations pour accéder au centre de formation se trouve sur htt ://labetise.coml/initiation_informatique.php ». Ca ne peut être que du vécu.
On le voit donc, ceux qui ne sont pas connectés ne sont pas ! Et il faut bien y voir le bras du pouvoir qui volontairement déshumanise la relation (avec la misère), supprime les emplois (les pauvres conseiller ANPE dont le « stock » de bénéficiaires suivis dépasse l’entendement) et réalise un magnifique tour de passe passe. Car un pauvre non connecté n’est pas un demandeur d’emploi (rapidement radié pour retard de procédure) et pas même un pauvre. Abracadabra je te baise et tu disparais !
Nos dirigeants sont des magiciens qui font disparaître non pas le service public, mais le droit d’accessibilité au service public. C’est plus discret, plus moche et plus puant dans sa finalité. La technologie doit améliorer le service et non le faire disparaître. La technologie ne doit pas déshumaniser mais augmenter, renforcer, faciliter, catalyser, ... le lien social. Nous entrons dans l’ère des friendly technologies (technologies amies), tâchons de faire en sorte que pour certains, elles ne deviennent pas des fucking technologies.
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